Merrimack - Omegaphilia
Chronique
Merrimack Omegaphilia
Tu connais mon amour pour la scène black française, son originalité (Peste Noire, Pensées Nocturnes, Blut Aus Nord…), son authenticité (Ende, Antaeus…), ses ambiances, même discutables (Caverne, Seigneur Voland, Kristallnacht…). Dans ce panel classique autant que classieux, Merrimack m’a toujours donné le sentiment d’être un poil à part, comme échappant pour partie aux qualificatifs susmentionnés, tantôt les dépassant (le magnifique Of Entropy and Life Denial), tantôt se plaçant en deçà (les très moyens Grey Rigorism et surtout The Acausal Mass). Omegaphilia entre-t-il, au moins, dans l’une de ces catégories ? Si l’on prend le temps de se poser, de faire tourner la galette, de l’apprivoiser lentement, je répondrais clairement par l’affirmative, passant de la seconde à la première.
Car, de fait, si les premières écoutes m’ont laissé sur ma faim, ce disque se révèle finalement en pièce de choix. Les riffs assassins le disputent aux ambiances élégantes. Le Merrimack 2017 est, pour ma part, tout cela à la fois : torturé et aristocratique. Ce que les titres renvoient à coup sûr.
Dès Cauterizing Cosmos, le titre d’ouverture, les ambiances ritualistes sont posées sur plus de 6 minutes, 6 minutes où les riffs aériens se mêlent en parfaite harmonie avec la violence latente, comme si l’encens propre à la cérémonie funèbre venait se mêler en douces volutes aux cris du désespoir des proches du défunt. La voix de Vestal, possédée, joue évidemment un rôle essentiel, comme un instrument autonome. Elle participe grandement aux contours funestes de cette première pièce. Comme, au demeurant, le son profond, organique, qui enrobe les compos en général. Un son qui met parfaitement en valeur les morceaux les plus lents (Cauterizing Cosmos, Gutters of Pain et Sights in the Abysmal Lure notamment), en donnant à entendre tous les instruments, les moindres changements de rythme (les blasts qui se détachent totalement sur Cauterizing Cosmos ou Apophatic Weaponry, sans que la mélodie en pâtisse), le plus petit arrangement (sur la batterie notamment, dès le premier titre).
Classique et classieux, Merrimack l’est assurément sur The Falsified Son, titre dont on pourrait penser qu’il est tout droit sorti de la boite à riffs du début du black, avec ses attaques franches, dissonantes, ultra puissantes. La rythmique s’emballe, le blast déborde mais sans perte de maîtrise ; le titre reste cohérent du début à la fin, dense, compact mais non dénué d’aérations au travers de riffs sublimes, de solis déjantés, un poil heavy, qui se fondent à merveille dans la structure, sans la dénaturer, sans briser la dynamique. Tout comme les mélodies, placées en quasi pont central, qui relancent l’intérêt du morceau mais sans jamais lui faire perdre sa dynamique initiale. Un titre magnifique, qui renvoie à Of Entropy and Life Denial. Apophatic Weaponry, le troisième titre, part quant à lui sur d’autres bases, plus douces, plus rampantes mais pas moins noires. Le style change, pas l’ambiance. L’atmosphère funèbre qui domine se ressent plus profondément encore sur cette piste où la menace couve, entre rythmique rampante et accélérations soudaines. La force de Merrimack est là encore de trouver l’idée, l’arrangement qui change le visage même du titre, comme ces riffs tournoyants ici qui se mêlent à la mélodie, tout en puissance et en profondeur, grâce là encore à un son de toute beauté, organique et gras. Et grâce encore à ses solis qui transfigurent le titre, qui semblent toujours joués dans une autre pièce, comme s’ils étaient venus d’ailleurs et qui pourtant, tombent toujours à point nommé pour relancer la machine.
La musique de Merrimack est riche ; riche de sa diversité, de ses riffs toujours différents, de ses idées claires parfaitement exploitées. En témoigne encore Gutters of Pain ou Cesspool Coronation et ses (petits) accents Deathspell Omega, dans la dissonance apportée à l’ensemble ou dans l’intro ou l’outro travaillée un peu à la manière de ou encore Sights in the Abysmal Lure et son allure lente qui progresse doucement jusqu’à l’explosion de riffs, de manière quasi prog’. Là encore, les riffs tournoyants s’enchevêtrent avec bonheur aux mélodies, créant une structure surchargée d’informations mais dans de laquelle on peut tout extraire, tout entendre (Cesspool Coronation en est l’exemple type, bourré qu’il est de changements de rythme, d’arrangements à la batterie et de mélodies tordues planantes).
Jusqu’au bout Merrimack surprend sur cet album. Car At the Vanguard of Deception, le dernier titre, en est aussi la quasi pièce maîtresse ! Avec ses 9 minutes au compteur, il explose les records : de temps, de vitesse, de mélodies entêtantes et vicieuses, de riffs barbares et aériens. Il est la synthèse parfaite de cet album, qui reprend tous ses points forts et abandonne l’auditeur essoufflé, mais heureux. Son départ échevelé le dispute aux mélodies aériennes qui déboulent quasiment dans la foulée, 20 secondes plus tard. Ce titre, parsemé de ponts plus sourds, plus menaçants, est « cassé » à plusieurs reprises, les accélérations subites venant le relancer, comme les mélodies magnifiques dont il est perclus.
Finalement, tu aurais tort de t’arrêter à cette pochette hideuse, qui ne fait guère honneur au contenu en tous points remarquable. Omegaphilia est un vrai chef d’œuvre, une vraie réussite avec tout ce que cela implique : des compos magnifiques, des idées, un son parfait et des arrangements pertinents. Merrimack frappe fort. Très fort.
| Raziel 28 Août 2017 - 3483 lectures |
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