Sur
Sick With Bloom – paru en 2015 – Yellow Eyes confirmait son choix pour des sonorités plus mélodiques. Un sillon davantage creusé qui offrait de belles surprises avec notamment des petites fulgurances qui éclataient ça et là. Cependant les Américains laissaient toujours le pied sur le frein, se bloquant dans leurs élans à vouloir créer « autre choses » – coincés entre leurs influences et la violence âpre de leur musique, ne sachant trouver le juste équilibre pour leur nouvelle mixture. Néanmoins malgré ses petits soucis, ce long format regorgeait de bonnes idées et a su me toucher, assez pour suivre la formation dans ses tribulations. Inutile donc de vous dire que j'attendais ce
Immersion Trench Reverie avec beaucoup d'impatience, me demandant quelle suite les musiciens allaient donner à leur précédent album.
La réponse n'a pas trop tardé à arriver avant même l'écoute de ce dernier. Que ce soit le titre – on ne peut plus suggestif – l'artwork aussi médiéval qu'onirique et surtout le premier extrait (« Velvet on the Horns ») partagé en septembre dernier, Yellow Eyes prolonge le voyage déjà débuté sur
Sick With Bloom. L'avancée s'effectue en terrain connu avec notamment une entame de disque faisant office de passerelle tant les deux premiers morceaux ont des airs de « déjà entendu ». Une parfaite continuité aussi bien dans les atmosphères que dans ses lignes de guitares très influencés par Krallice. Vous êtes comme ballotté de toute part et éreinté par le côté abrasif de la musique, que des baisses de tempos ainsi que de petites éclaircies viendront tempérer. Car le groupe vous ouvre de nouveau la porte sur un monde fantasmagorique, enveloppé par le chant apaisant des grenouilles ainsi que des sons semblant provenir de carillons tubulaires ainsi que d'un xylophone. Mais en dépit des effets et des samples, parfaitement intégrés, ainsi que de l'aspect un peu plus soyeux qui enrichissent les compositions et donnent davantage à voir, vous restez dubitatif quant à la suite. Un sentiment qui va cependant s'estomper progressivement durant l'écoute de
Immersion Trench Reverie.
D'ailleurs, plus la galette tourne et plus les pièces du puzzle s'assemblent. La paire « Old Alpine Pang »/« Blue as Blue » (avec cette belle clôture par des chants tribaux prenants) se révèle même, avec le recul, être une bonne entrée en matière pour s'immerger pleinement dans cette nouvelle œuvre. Le cadre se veut familier afin de vous emmener subtilement, par des changements de rythme ou encore des lignes de guitares plus aériennes, vers des contrées inexplorées. En effet, les musiciens lâchent la bride et vous en mettent plein les yeux au point de vous les faire plisser et pencher la tête. Vous croyez que j'y vais un peu fort ? C'est que vous n'avez pas pris le temps de poser une oreille sur « Velvet on the Horns » – premier extrait mis en écoute, reflétant assez bien le contenu. La formation joue plus sur les contrastes – il suffit de regarder les titres – et la luminosité vous surprend, vous éblouit. En cela le somptueux « Shrillness in the Heated Grass » en est un bel exemple et vous déconcerte après la petite mise en bouche. Les mélodies éthérées se déversent par flot, mises en relief par le chant très arraché de W.S. qui, s'il accroche au premier abord, est chargé d'émotions brutes. Un fait qui s'accentuera lors de grosses montées en puissance comme sur le morceau titre.
Yellow Eyes se drape de velours. Sa musique est comme débarrassée des dernières tensions palpables et dévoile une facette davantage gracile tout en gardant un côté carré et brut – au niveau de l'écriture – propre à la formation. En témoigne ses lignes de guitares plus vaporeuses et mélodiques qui surgissent graduellement tels des rayons pour, en définitive, vous baigner de lumière. Le black metal des Américains mue, injectant de grosses touches emo à sa mixture – impossible de ne pas penser à la scène de l'Europe de l'Est, Lutomysl et son
Overcoming Babel en tête –, notamment sur le poignant « Velvet on the Horns ». Quelques plans plus tarabiscotés et influencés prog viennent également parfaire l'ensemble donnant une aura singulière à l'album, une certaine élégance à la manière d'un Fleurety (période
Min tid skal komme). Car si ces derniers amènent de la richesse aux compositions, ils accentuent surtout l'aspect féerique instauré par le groupe. Que ce soit sur le fond ou la forme tout tend vers le céleste. D'où cette sensation d'apaisement qui vous gagne à l'écoute de
Immersion Trench Reverie, vous laissant un sourire béat. Les chœurs féminins emplis de grâce en toute fin de « Shrillness in the Heated Grass » vous transcendent, les tintements constants rythment le long format et répandent un sentiment de quiétude et les passages plus soutenus ne font que vous exalter et mettre en relief la religiosité davantage représentée ici.
Ce nouveau longue-durée se présente comme une cérémonie que le quatuor dirige d'une main de maître avec un poignant « Jubilat » en guise de clôture. Certes, ce dernier suit les traces laissées par son prédécesseur mais se veut plus aventureux. Yellow Eyes a trouvé le bon équilibre entre ses concepts et sa musique. L'alchimie est parfaite. Une prise de risque pleinement assumée dont en découle un résultat des plus convaincants.
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