Rien ne laissait présager une telle montée en puissance. Yellow Eyes, ce groupe que j’aimais voir comme un second couteau dont on se dit, dans les meilleurs moments, qu’il est aussi bien aiguisé que le premier, sort avec
Confusion Gate ce qui est pour moi une des réalisations majeures de cette année. Lui que j’avais rayé de ma liste après un
Rare Field Ceiling devenu l’œuvre de trop malgré mon amour pour son black metal US sur tous les points, prenant le meilleur de la scène cascadian et des influences évidentes de
Liturgy,
Krallice et
Weakling sans se départir d’un propos purement metal, jamais outrancier dans son hystérie ou ses apparats – la Nature en ligne de mire, sauvage et loin de toute Agriculture (*tousse*)… Comment est-il possible qu’il commette un tel hold-up ?
Bien sûr, la pensée cherchant à avancer à rebours pourra trouver des signes annonciateurs, un temps long depuis la dernière œuvre black metal du projet, signe de maturation, ou encore la sortie
Master’s Murmur où Yellow Eyes laisse parler pleinement sa part expérimentale, montrant une volonté d’emmener son style identifiable entre mille bien que peu personnel vers des terres nouvelles (avec peu de réussite à mon sens)… Mais non, cela ne tient qu’à une volonté de jouer les nez creux. La vérité est que j’ai lancé
Confusion Gate sans trop y croire et que j’ai depuis beaucoup de mal à m’en détacher et à écouter d’autres albums. Et que cet emprisonnement en lui ne m’embête pas le moins du monde, tant il me donne l’impression d’une liberté rare.
Car
Confusion Gate est de ces disques qui ne cherchent pas la beauté mais la prennent à pleine main comme un dû depuis trop longtemps refusé, de ces quelques créations –
Celestial Lineage de Wolves in the Throne Room ;
Memoria Vetusta III de Blut Aus Nord ;
Years Past Matter de Krallice, sainte-trinité qui voit venir un Prométhéen dans son Olympe – où l’adjectif « épique » ne suffit plus, tant on se situe au-delà de l’élan. L’objectif est ici atteint, le haut de la montagne entièrement offert. Il n’y a plus qu’à contempler, la vision floutée par l’émotion, plus qu’à goûter la vigueur et la majesté qui coulent de ces paysages brutes, Empyrée se dévoilant sous nos yeux, plus qu’à ressentir la force de la grande roue du temps, érosion – fondation – construction, cycle dont on n’a enfin le sentiment de faire partie, sa contemplation comme but final.
Cela, formellement, vient d’un style porté à son acmé, l’amateur de longue-date retrouvant ici toutes les facettes de Yellow Eyes, des dissonances entamant régulièrement les morceaux (« Suspension Moon » ; « Brush the Frozen Horse » ; « The Scent of Black Mud ») aux lignes claires et frénétiques à deux doigts de devenir bruits dans l’air. Seul changement notable – et auquel il faut se faire –, la voix de Will Skarstad rejoint davantage l’âpreté de la scène cascadian – et des hurlements se rêvant rocailles d’Altar of Plagues – et abandonne ses stridences black metal qui lui allaient si bien. Cela se comprend d’un côté,
Confusion Gate étant un album qui joue sur un équilibre raffiné où l’intensité est plus globale que tenue par un élément en particulier, un ensemble s’assumant comme tel.
L’état de siège n’est pas immédiat, l’oreille accrochant dans un premier temps à des instants – innombrables, l’accélération de « Suspension Moon », le final victorieux de « I Fear the Master's Murmur » ou les guitares emphatiques de « A Forgotten Corridor » assujettissant toutes les pièces de notre esprit par leurs mélodies n’étant que des exemples non-exhaustifs (je ne vais pas vous gâcher inutilement le plaisir de découvrir chaque trésor présent ici !). Mais c’est bien l’impression de perfection générale, plus d’une fois ressentie et jamais sur les mêmes passages, qui départage
Confusion Gate d’autres œuvres particulièrement réussies. Malgré des structures complexes, chaque titre possède un point d’accroche, un retour d’un motif entêtant ou une évolution qui avance avec fluidité vers son point culminant. Je n’imagine pas changer une note à cette heure, notamment concernant le morceau-titre où tout se brouille et s’éclaire à la fois, l’intertextualité avec laquelle aime jouer ici Yellow Eyes – où peut se trouver des bouts de
Master’s Murmur, que cela soit en termes de riffs ou de paroles – allant jusqu’à toucher au symbolisme, l’évidence du signe caractérisant la complexité du monde dépeint.
Confusion Gate est un disque qui marque en lui-même mais aussi – seule ombre funeste à son endroit – la fin d’un label qui aura laissé son empreinte sur le petit monde du metal extrême US n’ayant pas peur de repousser les frontières, Gilead Media ayant encore un album à sortir après celui-ci avant de mettre fin à ses activités. Voilà ce qu’on appelle partir avec les honneurs,
Confusion Gate ayant le potentiel d’être un classique du black metal atmosphérique moderne. Ce qu’il est, vous vous en doutez, déjà pour moi.
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