Yellow Eyes - Sick With Bloom
Chronique
Yellow Eyes Sick With Bloom
Cela fait déjà 6 ans que les Américains de Yellow Eyes se sont formés, ouvrant les hostilités en 2012 avec leur premier album Silence Threads the Evening's Cloth. Retrouvant à la tête du projet les frères Skarstad épaulé de JC – ancien batteur remplacé depuis peu par M. Rekeviks (Fell Voices, Vanum,...) – ces derniers n'ont jamais levé le pied enchaînant split, albums et EPs de façon toujours très DIY et confidentielles, favorisant leur propre label Sibir Records ainsi que des petites structures spécialisées dans les sorties cassettes et vinyles. Un travail tant passionné qu'intègre où les musiciens vont peu à peu élever leur niveau de jeu et trouver un petit succès underground. Accueillant en tant que membre à part entière leur bassiste live Alex DeMaria (Anicon), la formation tend à sortir de l'ombre avec notamment un deal signé avec Gilead Media – permettant une meilleure visibilité (cf. le nombre conséquent de chroniques et d'interviews) – pour ce Sick With Bloom réalisé en fin d'année 2015. La question principale étant de savoir si le groupe allait, sur ce dernier long-format en date, enfin se détacher de ses influences Kralliciennes un peu trop prépondérantes dans leurs œuvres.
Et la réponse est...non ! Vous retrouvez toujours ici la même rugosité, des riffs tant saccadés que dissonants mais également ce sentiment d'urgence se dégageant des compositions. Que ce soit sur le morceau titre ou encore « Mangrove, the Preserver » – pour ne citer qu'eux – impossible de passer outre ces éléments. Néanmoins vous êtes loin de leur album pastiche Hammer of Night malgré des bases identiques, à savoir une musique « hommage » à la Norvège imprégnée par Darkthrone où la nature aussi sauvage que glacée est reine. Remettant au goût du jour et à la sauce U.S. des valeurs sûres, Yellow Eyes semble donc évoluer, digérant un peu mieux ses différentes inspirations. En résulte un Sick With Bloom à la fois rêche, limite punk par moment – via une production raw – mais plus varié, arrivant à se démarquer par ses nombreux passages mélodiques et inspirés. Le groupe aère son jeu grâce à des breaks salvateurs, offrant des sonorités très lumineuses et sibyllines comme sur « Streaming from the Undergrowth » ainsi que la seconde partie du beau « Ice in the Spring ». Le décor se pose peu à peu dévoilant un pays fantasmagorique (parfaitement mis en musique, notamment sur « Streaming from the Undergrowth ») et propre aux Américains, vous invitant à traverser une frontière imaginaire afin de prendre place à leurs côtés. Les lignes de guitares sont plus harmonieuses et des boucles tant répétitives qu'entêtantes viennent tout doucement vous envelopper, comme les parties acoustiques ou bien les intro/outro ponctuant l'album.
Car tout est extrêmement bien construit, intégrant davantage d'interludes ambient et ritualistes pareillement que sur leurs EPs The Desert Mourns (2014) et Stillicide (2014), dont Sick With Bloom semble être le prolongement logique. De même, si tous ces ajouts peuvent paraître plus « faciles » de par leur plus grande lisibilité, ils apportent au contraire plus de richesse et de profondeur à l'ensemble. En effet, ces derniers éclairent d'un jour nouveau la musique de formation et soutiennent au mieux son propos avec un aspect religieux omniprésent. Des vitraux de l'artwork très épuré en passant par l'introduction du morceau titre, où Yellow Eyes vous convie à entrer dans son temple, l'album tend vers quelque chose de beaucoup plus mystique (cf. « Fallen Snag » à partir de 1:00). Certes cet élément a toujours été présent chez les Américains, s'inspirant de Liturgy – Renihilation en tête – mais dans une moindre mesure. Ainsi, au timbre particulier de Will Skarstad – renvoyant à celui de Hunter Hunt-Hendrix –, plus humain et se démarquant du chant type black metal, se greffent d'autres composants, donnant plus de corps au projet. Un choix risqué mais parfaitement maîtrisé par le quatuor qui délivre des atmosphères davantage léchées, ouvrant un plus large spectre d'émotions. Tantôt ombrageuses tantôt feutrées et rassurantes, celles-ci contrebalancent avec les piques de violences représentées par des riffs tant acérés que saccadés. Le groupe vous présente ici et là une main secourable grâce à quelques percées lumineuses au pauvre hère que vous êtes, perdu dans ce brouillard aussi opaque que froid – sur « Streaming from the Undergrowth », par exemple.
Perdant légèrement sa hargne des débuts, Yellow Eyes gagne en fluidité ainsi qu'en impact malgré des influences encore marquées et des répétitions toujours présentes. D'ailleurs si Sick With Bloom vous éblouit à la première écoute, les suivantes viennent tempérer vos élans, aucun titre ne se démarquant véritablement du lot mis à part le massif « Ice in the Spring ». En effet, cet album est à prendre dans sa globalité, idéalement agencé pour le format vinyle – et par extension cassette – dont il est question ici, l'introduction de « Mangrove, the Preserver » faisant rappel à la fin de « What Filters Through the Copper Stain ». Des défauts mineurs donc tant les Américains accumulent les bons points et confirment les efforts fournis sur leur deux derniers EP, ce dernier long-format faisant figure d'achèvement.
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