Ulsect - Ulsect
Chronique
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Que les choses soient dites : il est clair qu’aujourd’hui le death metal n’a plus grand-chose à envier à son petit frère black quand il s’agit de s’accoler le préfixe « post ». Depuis les premiers défrichages du père Gorguts à la fin des nineties et le moment où votre serviteur écrit ces lignes, bien des choses ont changé. Le death metal n’a pas manqué de prouver ses capacités de mutation hors-normes, démontrant une fois de plus que c’est bien l’extrême au sein du metal qui est le moteur du changement depuis plus de vingt ans. Dans la lignée de la bande de Luc Lemay nous venait l’année dernière Ulsect, formé autour de l’ex-bassiste de Textures et de deux membres du monstre Dodecahedron (qui aura signé la même année une sortie plus que costaude), respectivement aux fûts et à la guitare. Et soyons franc, ce premier essai frappe fort, pour peser nos mots.
Les Néerlandais arrivent avec un premier album éponyme armé d’une production très professionnelle, qui n’a absolument rien à envier aux ténors du genre. Ulsect présente une version du post-death plus sage, précise et cérébrale. On pense évidemment aux monstres du death moderne que sont Gorguts et Ulcerate, et Ulsect emprunte avec maitrise l’aspect technique du premier et les dissonances vicieuses du second (« The Endling »), mais est moins prompt à s’emporter avec virulence comme peuvent le faire ses cousins les plus radicaux. L’ensemble est d’ailleurs plus « post » que « death » en vérité, avec le chant hurlé et un recours aux blast beats assez parcimonieux, le groupe préférant se focaliser sur un groove menaçant et on retrouve nombre de riffs caractéristiques de la scène progressive post-Meshuggah. Si ce point commun avec feu Textures n’étonne pas, Ulsect va encore plus loin dans sa vision propre du genre avec plusieurs passages où les guitares dessinent une trame mélodique de fond assez lumineuse, réminiscence de… Textures encore.
Et c’est définitivement grâce à ce genre de point qu’Ulsect parvient facilement à sortir de la masse des groupes de la scène extrême misant sur leur mise en place et leur noirceur. L’album sort du lot après quelques écoutes car il cherche justement à donner juste ce qu’il faut de points d’accroche pour l’auditeur, sans pour autant renier une nature difficile et ombrageuse. Le disque hérite certes de l’aspect chaotique et apocalyptique de Dodecahedron, mais moins poussé à l’extrême. Il va ainsi imposer des moments marquant d’entrée de jeu, bien aidé par un son particulièrement impressionnant, notamment du côté de la basse (écoutez l’ouverture absolument gigantesque de « Our Trivial Toil »), qui fait des ravages pendant ces quarante-deux minutes. Cette même basse donne d’ailleurs très rapidement le ton sur un « Fall to Depravity » ouvrant la voie au cauchemar avant de surprenamment virer vers une plage mélodique du plus bel effet. Les Néerlandais font preuve d’une maitrise indéniable à de nombreuses reprises, comme sur l’excellent « Our Trivial Toil », qui ne laisse aucun doute planer sur les capacités de composition du quintet, tant ces huit minutes labyrinthiques passent sans forcer. Les plages plus atmosphériques sont particulièrement bien amenées : l’introduction de « Diminish » anesthésie lentement jusqu’à ce que même l’arrivée des blast beats ce fasse sans douleur, et l’intrumental « Moirae » illustre parfaitement les paysages que suggèrent la pochette, cette errance au sein d’une terre aride, monochrome et saturée par les vapeurs de soufre. Un seul regret : une deuxième partie d’album pas aussi mémorable et qui ne va pas beaucoup plus loin que la première, hormis une certaine hausse d’agressivité sur des titres comme « Unveil » et « The Endling », qui attaquent très fort dès les premières secondes.
Au final un premier jet très monolithique dans ses ambiances (les pistes se suivent même d’un seul tenant), et qui convainc très rapidement, sans forcer. L’exécution inspire le respect, surtout à l’écoute des parties de Jasper Barendregt qui nous font dire que clairement les Néerlandais ne plaisantent pas. Le groupe arrive à mélanger sa patte et ses influences pour restituer un contenu certes identifiable, mais sans négliger une personnalité bien existante. Ulsect n’aura pas eu le mérite d’arriver avant une scène qui le précède, mais celui d’un travail et d’une finition extrêmement appliquée. L’expérience de ces musiciens parle pour eux, et on espère les réentendre faire parler la poudre bientôt, tant le potentiel est grand s’ils arrivent à encore optimiser leur formule.
| Neuro 10 Avril 2018 - 1552 lectures |
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