On dit que les rencontres au hasard, c'est encore les plus belles. Je sais pas le gars qui a dit ça mais, moi, si je commence à tourner en rond dans ma ville, je croise des gens qui avancent les yeux baissés, d'autres qui surveillent partout et des égarés qui n'ont plus toute leur tête. Je presse le pas, je m'enfonce dans un bar pour y avoir un peu de chaleur. Une bière, de la musique, la moiteur d'une populace immobile, mais réduite à cette heure là. Juste m'arrêter, me poser et pourquoi pas entendre des morceaux que j'aurais oubliés.
Je sens qu'on me tape dans le dos, j'entends : « Deux, s'il vous plaît. » Tu t'installes sans que je dise quoi que ce soit.
Et la voilà, cette rencontre aléatoire.
Au début, je t'ai pas écouté. Juste un « merci », je pensais m'esquiver assez vite. Je t'ai quand même considéré, intrigué par la tonalité que t'avais prise. C'est que t'as une allure atypique que j'ai eu du mal à cerner. Tu viens d'où ? Qu'est-ce que tu me veux ? Pourquoi t'es venu me parler à moi ? C'est mon sweat
Death, mon badge
Warbringer ? Peut-être que tu m'as entendu marmonner une mélodie d'
Ustalost ?
Mais t'es quand même venu, avec ta démarche mal assurée. Un type qui veut prouver à lui et aux autres qu'il est solide sur ses appuis, mais reste fragile face au regard des autres.
Ben ouais, t'es qui, toi, au milieu de cette foule ?
Pour me le prouver, tu commences à me parler d'une voix éraillée. T'es agressif, je sens que tu me laisseras pas partir facilement. Tu veux que je reste, dès les premiers instants.
Cette odeur rance de bière oubliée, de tabac froid, de sueur sèche... C'est simple, quand je te vois, je me figure toutes ces vidéos de concerts de Thrash, où ça balance des canettes dans tous les sens, et où la foule s'épuise à se bousculer sans arrêt.
Tu veux me prouver que t'as vécu tout ça, cette effervescence du passé. Tu pousses sur ta voix, comme si l'âge n'avait rien arrangé à toute une vie de hurlements, de mec qui brûle la chandelle par les deux bouts.
Tu veux quoi, me prouver qui tu es ?
Mais moi, sous ta voix rocailleuse, je m'imagine un ensemble de programmes épuisés, qui enregistraient une musique sur un support rayé, endommagé. Elle se jouerait avec un filtre ancien de productions brutes, où le but est de créer, de diffuser, sans retenue.
Ta voix est celle-ci, et se mue en un chant qui semble venir de loin.
Mais tu ne peux pas me le cacher : tu vis avec ton époque, et ton dialogue est actuel. Vif, rythmé, tu as conscience des évolutions de ces dernières décennies, et tu n'hésiteras pas à montrer que tu as de la poigne malgré l'âge que tu veux te donner. Tu es un peu puriste sur les bords : avec les moyens actuels, tu composes à l'ancienne. Tout dans ton style est resté dans le miasme bouillonnant de la fin des 80's-début des 90's. Ce style gras, sans finesse, qui pourtant veut impressionner par ces changements, parce que tu ne fais rien comme les autres. Tu as ce clinquant des guitares leads du Thrash-Death balbutiant, et ta fougue évoque celle de
Demilich – le grain, aussi.
Mais ce Thrash, tu le défends, bec et ongle. T'es puriste, oui, mais surtout attaché à tes origines, lesquelles ne renient pas non plus leur pied dans le Black metal.
Alors que tu ne cesses de parler du temps d'avant en frappant vigoureusement le bar avec ton poing, je continue de boire ma bière. J'ignore si tu le sais, mais tu me fatigues, avec ton côté « droit devant », qui fait un peu Punk, mine de rien : ce que tu me chantes, c'est sans enrobage, et tu continues, sans t'arrêter. Puriste, je l'ai compris.
Je dois l'avouer : c'est cette touche Punk qui fait que je reste à t'écouter, celle du baroudeur qui a vu et entendu tellement de choses, et qui continue cependant à faire ce en quoi il croit, avec fermeté, détermination, sans concession – et on emmerde ceux qui diront que c'est archaïque ou dépassé, voire grossier et navrant. Car tu sais que ceux qui t'écoutent trouveront de la beauté dans ton discours, mais il faut juste savoir la saisir au vol. Et ceux-là seront récompensés par une richesse insoupçonnée : t'en as vues des choses, et tu sais bien les rendre si on s'accroche.
C'est vrai que t'empestes le vieux fêtard sur le retour, que ta voix peut vite faire vriller le crâne, mais j'apprécie ta sincérité. T'es quelqu'un qui sait où il va, et qui se fout des tendances. T'es extrême, sans mesure ni artifice. Direct, mais tellement franc. Je sais que je viendrai te revoir, parce que t'as pas fini de m'en faire voir, de cette bonne époque d'antan que certains essayent de ramener à la vie en oubliant l'essentiel : jouer sans tricher.
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