Le Canada... Ses grands espaces, ses forêts aux arbres gigantesques, sa région où ça parle bizarrement le français et, surtout, sa scène Tech Death, aussi délicieuse qu'un bon sirop d'érable. C'est que là-bas, les pancakes du Metal mort exigent aux moult inspirations type
CYNIC ou
ATHEIST puis d'autres références telles que
NECROPHAGIST ou
OBSCURA s'exportent sans problème. La distance, c'est surfait.
C'est en 2013 qu'UNHUMAN, qu'on aurait pu classer comme un énième groupe de cette scène, sort son album éponyme. On se dirait presque « Encore un ? » tant la scène a explosé, à grand coup de
AUGURY ou
BEYOND CREATION pour ne citer que ceux que j'ai gardés de toute cette effervescence. Surtout que, si on regarde de plus près le line-up, eh bien on a peu d'infos : hormis Kevin Chartré, guitariste de
BEYOND CREATION et BROUGHT BY PAIN, on a deux gars de chez PORNO COMA (dont je ne connais rien), parmi eux un a joué chez
CRYPTOPSY, et le batteur vient de SAMSKARAS (un groupe pour lequel je n'ai consacré aucune seconde).
Bon, c'est pas niveau palmarès ou pedigree qu'on aura des infos, d'autant que le groupe a été créé en... 1995 ?! Seulement deux démos en 99 et 2001. Ah ouais, des vieux de la vieille en fait, avec aucune info de line-up !
Hum... Place à la musique alors.
Oubliez ce que vous pourriez attendre du Tech Death Canadien, on n'est sur quelque chose de très, très particulier. La chose tient en peu de mots que je vais dévoiler instamment et expliquer ensuite : ce disque, c'est un hommage à tout un genre.
C'est loin d'être flagrant au départ, d'autant qu'on entre dans le sujet avec deux premiers titres décapants au possible façon
NECROPHAGIST. On sera surtout sur le cul avec « Douces Pensées » et ses sonorités à la guitare lors du refrain – peut-être aussi inspiré de
SPAWN OF POSSESSION, selon ce qu'on a pu me dire, mais je ne connais pas ce groupe, alors je ne vais pas me mouiller – Douces Pensées, donc, qui joue sur l'antithèse de son titre et la musique qui vient derrière ponctuées de pig squeals aussi discrets que délicieux.
Pour que je qualifie des pig squeals de délicieux, c'est que c'est très, très bien fait.
Dans ce cas, signalons tout de suite les qualités vocales de Youri Raymond, également guitariste. Ce type est furieux. On sera circonspect au premier couplet de « Chaotic Equilibrium « où il part en couille dans les aigus sans prévenir, gimmick qui sera repris notamment à la fin de « Mutants War ». Petit apparté : Mutants War est une grosse fessée fichue à ces groupes de Deathcore qui veulent trop mettre en avant leur concept venu de l'espace. Car non seulement ça semble venir tout droit d'une autre planète avec ces rythmes changeants et brutaux et cette guitare aux saillies et mélodies à tout va (purée, ce petit riff qui vient par moments, c'est le détail qui tue !) mais ça s'écrase comme une putain de comète sur la surface terrestre : tout s'écroule sous ce fracas.
Le chant, d'une variété hallucinante, met même la misère à ce que j'ai entendu dans le « Scepter of the Ancients » de
PSYCROPTIC. Ça ne s'arrête jamais d'aller dans des directions qui nous dépassent, et m'ont fait dire : « Mais bordel, vraiment ?! » Et chaque fois ça fait mouche, car c'est d'une furieuse justesse et d'une palette qui écrase les oreilles ! Surtout lorsqu'il fait ses growls interminables ou son superbe cri d'oiseau venu d'ailleurs à la fin du solo à 4:31 avant la dernière phase de « Sécheresse », et qui revient lors de l'ultime solo dans un dialogue guitare-chant simplement superbe !
Toutefois, alors que ces petits cris aigus aussi soudains que crispants, et dispersés partout, pourraient nous déplaire, on sent qu'ils ponctuent des phrases, comme les « ya » ou autre lancées qui évoqueront
CHILDREN OF BODOM et autres groupes de Death Metal qui veulent faire jumper la foule. Mais c'est dosé. Donc pas un mauvais point en somme, dommage...
Seulement, il n'y a pas que le chant qui soit aussi varié et agréable. L'écriture et l'instrumentation font preuve d'une diversité incroyable. Si le départ est clairement orienté Tech Death moderne / Deathcore, il suffit d'aller sur « Hallucinogenic Symphonia Delirium » pour avoir un rendu presque Heavy façon fin de
DEATH, alors que des élans Power sont portés par un growl bien moins fouillis qu'au départ.
Et au tour de Sécheresse, ensuite, de finir de mettre la misère par des petites parties orientalisantes en cours de route, alors que l'instru se fait plus tech death old-school époque
CYNIC, basé sur des mélodies marquantes.
Allez, on reprend nos esprits : « Once Again » surprend avec son début qui amorce un autre rythme qui semble beaucoup moins chiadé, avant de revenir aux premières amours du groupe à partir... Ben, des cris du chanteur, vu que tout est ponctué par ça, souvenez-vous ! Retour dans du Tech Death Prog qui fait mal, sous des blast beats qui martèlent avant des changements de rythme pour des guitares qui nous enveloppent et nous emportent : y a qu'à entendre le solo, très bondissant et jazzy dans son rythme.
Tu veux plus de surprise ? On aura même du Punk avec Etat D'Contrôle : vu le titre et la minute 40 annoncée, on pouvait pas se tromper. Eh bien même sur un seul morceau, et au sein d'un album très varié dans lequel il s'intègre bien, il passe mieux que des albums de Punk Death. Un peu comme la Cosmic Sea de
DEATH reste culte et indépassable, selon moi, alors que plein d'autres ont tenté le Death cosmique...
Mais finis les égarements bien réalisés, promis ! Avec les deux ultimes morceaux, l'album clôt sur du Technical Death pur jus, notamment inspiré d'
OBSCURA sur le dernier, histoire de dissimuler les preuves du méfait réalisé par leurs expériences précédentes sur l'ensemble du disque – on y trouvera encore du pig squeal venu de nulle-part, pour encore prouver au passage que le Brutal, ils gèrent aussi.
« Place à la musique » ? Tu parles d'une bonne idée...
On me pardonnera, je l'espère, le côté un peu « track by track » de cette chronique, mais c'était difficile. Car le seul bémol qu'on pourrait retenir est le suivant : c'est un album trop dense.
Comme
NECROPHAGIST et
PSYCROPTIC pour ma part, il m'a fallu prendre le temps d'assimiler tout ce qu'on nous balance aux oreilles. Mais Dieu que ce qui est envoyé est délicieux ! Il n'y a qu'à entendre le mélange furieux da la piste instrumentale « [in]Human Being », qui commence de manière résolument Prog, avec un mix aéré malgré l'instru Death au possible. Mix qui s'accorde comme il faut aux différents moments de l'album : c'est brutal quand ça doit faire mal, c'est frais lorsque l'espace musical s'agrandit, et la lecture, certes très cacophonique - mais inhérente au Prog Tech Death - avec la tonne d'infos qu'on nous envoie, reste fluide, sans accroc ni déséquilibre.
À deux doigts de la démo technique, où les musiciens montrent qu'ils ont un jeu très large, UNHUMAN est surtout un album d'amour incontournable : amour du Death metal sans frontière, que ce soit la majesté du grand Schuldiner, la monstruosité du Brutal Death, la technicité qui semble aller de soi de chez
NECROPHAGIST ou l'écriture furieuse d'inventivité des premiers
PSYCROPTIC, sans oublier le pied dans le grind avec du pig squeal et compagnie. Si vous aimez le Death Metal tout azimut, vous ne serez que conquis par ce parcours passionné d'un genre qui gagne de plus en plus d'adeptes.
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