Alors que Tosin Abasi avait frappé fort avec un premier album solo qui centralisait et définissait ce qui était jusqu'alors balbutiant (disons que le Djent se préparait peu à peu par des créateurs qui échangeaient sur des forums notamment),
ANIMALS AS LEADERS se forme comme un groupe : puisque tournées il y eut, des personnes furent engagées pour accompagner notre Djentleman.
J'ai découvert le groupe en 2010, aux alentours de 18-19 ans, et autant dire que la claque, je me l'étais prise de plein fouet. Alors, à l'annonce d'un nouveau disque, j'étais forcément comme un fou.
Quelle a été ma déception à la sortie de Weightless !
Je me souviens encore de cette saveur désagréable que j'avais eue alors : ça semblait bien moins puissant. Le premier morceau, « An Infinite Regression », pose des sonorités 8 bits qui signalent que, cette fois, les inspirations électro sont clairement présentes, là où elles venaient par-ci par-là dans le premier album. En soi, ce n'est pas ça qui m'avait gêné. Le problème venait plutôt du mix, lequel portait un son certes massif mais bien moins pêchu et varié qu'auparavant : certes, c'est plus agressif, mais ça enlève toute la demi-mesure et la touche d'émerveillement que permettait le premier disque même dans les instants les plus saisissants. Je me suis retrouvé avec un morceau qui m'a laissé sur la touche, malgré ce break bien senti à 1:48.
Toute le reste de l'album m'avait semblé maladroit, mal fichu, bancal et pauvre. Que ce soit le côté lounge efficace sans plus de « Odessa » ou l'absence de colonne vertébrale qui va capter l'attention dans « Do not go gently », il me manquait cruellement quelque chose. Ce n'est qu'aujourd'hui que je parviens à mettre le doigt dessus : les morceaux, pour la plupart, n'ont pas de fil directeur. Là où le premier ANIMALS AS LEADERS avait frappé fort, c'est que les titres étaient cohérents dans un ensemble mais portaient individuellement des éléments forts et structurants. Ici, je trouve ça ronflant, presque paresseux ! Si je prends « Isolated Incident », malgré la reprise bien sentie à 2:00 avec une petite gifle bien forte derrière, le Djent est invasif et n'apporte rien de bien neuf. En gros, rien ne se démarque véritablement.
Le plus flagrant a été pour moi sur le quatrième titre, « Earth Departure ». Quand on connaît la suite du groupe, on sent que ce morceau a servi de base pour d'autres titres (notamment Ectogenesis). C'est un sacré foutoir, avec énormément de pistes. C'est intéressant, mais je trouve ça mal exécuté : il manque toujours cette dose de punch, cet élément qui va attirer l'attention, comme on pouvait avoir dans l'album précédent, que ce soit par un Djent bien charpenté ou soudain une mélodie de tête qui va tracter l'ensemble vers un horizon inattendu. Là, on reste sur du standard. Même le break à 2 :47 a du mal à faire mouche. Heureusement que le solo derrière est mieux fichu, avec cette basse qui pourlèche une batterie bien rythmée sur un solo qui dirige tout ça. Un moment agréable dans ce magma informe.
Et ce morceau m'a fait remarquer une chose : on a une batterie qui alourdit le tout en le rendant brouillon.
J'ai globalement un problème avec la batterie : outre le son qui est assez invasif sur une double pédale que j'estime trop en avant, c'est surtout le jeu qui me gêne. À l'époque, je trouvais que les titres manquaient de pep's, d'énergie. En ayant écouté les méfaits de Matthew Gartska à partir du Joy of Motion, je peux mettre le doigt sur ce qui crée cette sensation pour moi. La batterie manque de finesse et semble assez mal danser avec les cordes. Le premier album avait sans nul doute été composé par Abasi lui-même via une boîte à rythme (qui a été programmée par un guitariste), et on sentait que la rythmique collait parfaitement à l'ensemble.
Ici, le jeu rythmique se fait à côté, et semble peiner à trouver sa place. Il y parvient sur les derniers morceaux, quand le jeu Fusion du batteur déploie quelque chose de superbement efficace qui valse avec le déluge que propose Abasi. Du reste, ça ne parvient pas à me construire une base suffisamment solide pour que ça m'attire plus de deux minutes.
Cependant, mettons de côté le fait que j'ai gardé un mauvais souvenir de cet album. Si j'avais écouté ça aujourd'hui sans m'attendre à rien, aurais-je eu un jugement similaire ? Car les défauts que je signale sont surtout justifiés par des éléments que j'ai saisis après coup, à l'époque j'ai juste pas trouvé ça ignoble, sans parvenir à définir les causes d'un tel dégoût. Est-ce si catastrophique que ça ?
Bien entendu : non. Indépendamment du reste de la discographie, Weightless est un disque sympatoche qui sait poser une ambiance tranquille, comme sur les premiers titres où les incursions électro sont plutôt agréables. Surtout, cet album contient de gros points forts : « To Lead You To an Overwhelming Question » et « Weightless ».
Le premier est sans doute le morceau que je préfère : après une intro qui met bien, j'apprécie comment les pistes se croisent au départ, entre le riff Djent et les notes qui viennent par-dessus, puis ça balance comme il faut, avec une rythmique décousue qui donne quelque chose d'identifiable, enfin ! J'apprécie beaucoup les idées proposées, aussi : que ce soit les notes un peu étouffées dans les moments moins massifs, la batterie très Fusion, l'évolution Jazz de certaines phases et les alternances judicieuses ! On sent là des bases vraiment fortes, qui comme pour « Earth Departure », servira de point d'accroche pour la suite du groupe.
Pour le second, pareil que la précédente : de très bonnes idées bien conduites, avec des touches particulières qui font plaisir. Ces deux morceaux sont forts car ils ne semblent pas tourner en rond au bout de trente secondes comme c'est le cas de la moyenne des autres titres de ce disque.
Je suis content d'être revenu auprès de cet album pour les besoins de la chronique : au-delà de la déception après un album d'exception, il en reste une pièce musicale sympathique. Ce qu'on perd en nouveauté, on le gagne sans doute en construction d'ambiance (et vous le savez, l'ambiance et moi, c'est très compliqué). Si Abasi n'a pas pu être aussi terriblement génial que sur sa première production solo, au moins il a pu poser les jalons pour la suite qui sera, elle, des plus délicieuses et surprenantes.
Weightless m'apparaît ainsi plus comme un premier jet pour la suite – une première expérience en groupe – qu'un échec total comme je l'avais senti à sa sortie.
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène