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Nous allons aujourd’hui nous attaquer à un gros morceau. Un des rares disques qui a su alimenter ma hype. Son annonce avait été faite sans qu’on attende quoi que ce soit et, à sa sortie, j’avais attendu. J’avais pioché quelques extraits, déjà j’étais conquis. Je l’avais reçu à Noël – à l’ancienne, comme lorsque, enfant, je trépignais à l’idée de recevoir un jeu que je désirais tant.
Je glisse ainsi cet album dont l’acronyme donne quelque chose qui me plaît bien.
The "Madness of Many" : MoM.
Suite à un album aux tonalités globalement plus légères et guillerettes, à tel point que même le titre contient l’idée de « joie », les
Animaux Comme Guides ont créé la surprise en annonçant seulement deux ans après leur troisième méfait la sortie d’un quatrième disque. Je m’en souviens, ça devait être au mois d’avril-mai, et déjà ils disaient : « Ok, voici The Madness of Many et ça sortira en fin d’année. »
Très bien.
La cover avait de quoi décontenancer, voire créer de l’inquiétude. Si, auparavant, on a eu des designs graphiques allant de l’aérien avec
"Weightless" au chatoyant avec
"The Joy of Motion", ici, on fait face à une composition en 3D minimaliste avec des visages et des textures aux allures cliniques qui font très « début de l’ère Playstation, vas-y qu’on te met de la 3D partout ». Sans aller dans l’immonde peu attirant des jaquettes de Monstrosity, il est vrai que ça a pu inciter à la méfiance auprès des personnes, ne sachant pas trop à quoi s’attendre face à une nouvelle étape que pourrait franchir Abasi et sa bande.
Eh bien, pour moi, ça tiendra en peu de mot : "The Madness of Many" contient l’ensemble des grandes qualités du groupe développées sur les précédentes galettes, avec un petit supplément d'âme.
Au fil des dix morceaux, ANIMALS AS LEADERS va démontrer qu’ils n’ont rien à prouver en tant que Papas du Djent.
On n’oubliera pas les classiques du groupe, à savoir les alternances "lourdeur/parties aérées ou jazzy" telle qu’« Arithmophobia », et sa guitare lead ou son break jazzy à 3:40, ou que « Backpfeifengesicht » qui est entièrement basé sur ce principe et qui amène à des petites parties juteuses à souhait à la basse, au synthé ou avec une guitare lead en exergue.
Puisqu’on parle de synthé, on aura toujours cette grosse base électro qui servira à donner un son très spécial à l’album. Toujours sur « Backpfeifengesicht », on pourra profiter à 3:15 d’un moment éthéré des plus réussis. Je noterai aussi « Cognitive Contortions ». Eh oui, on le veut ce synthé du turfu ! Celui-ci s’accompagne d’un gros travail sur les sons de guitares, avec ce drop basse donnant une touche mécanique et robotique qui sied parfaitement à l’esthétique, aux couleurs et à la rythmique Prog Djent du groupe. Il y a quelque chose de très métallique et droïde dans ce titre, on imagine parfaitement une ville chromée qui reflète la lumière de milliers de néons.
En fait, dans l’ensemble des cordes, on sent qu’ils proposeront des altérations du riffing massif Djent, avec notamment cette mélodie principale sur « Arithmophobia » qui est entêtante et répétitive sans aller dans un accordage insensément bas – au contraire, c’est un son plus clinquant qu’étouffé ou vibrant, et ça change ! Globalement, le son a fait l’objet d’un soin que je qualifierais de clinique : tout est chirurgical, ça frappe où il faut, tout est d’une grande précision.
Outre, encore une fois, « Aritmophobia » qui se paiera le luxe d'imposer des plans rythmiques assez dingues à 2:13, je penserais notamment à « Private Visions of the World ». Digne de "Joy of Motion" avec cette mélodie hyper catchy digne des groupes INTERVALS ou
ARCH ECHO, le rythme et le feeling y sont bondissants, presque innocents, mais pas naïfs pour autant car, derrière, on reste sur un jeu technique, notamment sur la batterie – Matt Gartska, excusez du peu, il n'est pas là pour jouer des mesures classiques ! Et on aura aussi droit à un passage plus lourd, mais sans aller dans le super-massif comme on a pu avoir sur le premier album. Cela donne un espace sonore intime qu’on veut garder près de soi, comme une capsule d’un temps bienheureux et simple.
Ce Djent qui appuie sans broyer sera tout ce que vous trouverez sur cet album qui mise tout sur l’équilibre des forces. J’ai clairement le sentiment qu’ils ont voulu être varié tout en restant cohérent et, de fait, le choix d’un son Djent, qui porte au lieu de tout presser aveuglément, a été des plus judicieux. Certes, ça ne plaira pas forcément aux aficionados, car on perd en vrombissements dus à des coups d’enclumes sur la tronche. Toutefois, quand ça doit presser, ça presse au point précis – chirurgical, n’oubliez pas.
Ainsi on va avoir droit à des touches créatives qui s’intègrent tellement bien à l'ensemble. Prenez « Inner Assassins » – ah, il le fallait, le morceau pour le sport ! En plus du souffle plutôt épique par les mélodies de guitares en écho, lesquelles se complètent au fur et à mesure, il y a une réelle touche jeu vidéo. J’ai pu dire sur un podcast que « Ectogenesis » dévoilait un solo qui avait une lourdeur basse-batterie proche d’un titre de Secret of Mana, dans « Inner Assassins » on s’approcherait plus d’une musique de Megaman, mais en Prog. Mélodies entêtantes, rythme galvanisant, grosse efficacité dans les alternances : ça pousse à courir encore plus vite ! Le synthé y est pour beaucoup quant à la tonalité claire du morceau, par ces pistes aux nombreux bruits.
D’ailleurs, parlons-en de « Ectogenesis », ma préférée de l’album, par le côté insidieux et sournois du son de basse contrebalancé par une lead qui respire, le tout sous un synthé éclatant qui nous conduit jusqu’à un véritable tourbillon minimaliste entre son de basse et batterie, donnant le sentiment d’être pris dans un « stream of consciousness » à 2:45 ! Une réussite de bout en bout dont seul le duo « Glass Bridge – The Brain Dance » avait pu me faire hésiter pour déterminer mon coup de coeur.
Oh, ce duo, comment puis-je te partager mon amour que j’ai pour lui ? « The Glass Bridge », c’est ce groove ! Ce morceau fait très, très mal, j’apprécie tellement les idées mises sur le tapis. Le Jazz sort de tous les pores – et, pitié, ce son ! Je ne peux en dire plus, c’est à écouter d’urgence, surtout si on aime le Rock Fusion digne des OST de jeux vidéo japonais.
À côté, « The Brain Dance », c’est la guitare sèche qu’Abasi a explorée dans plusieurs morceaux des précédents disques où il n’y avait que ça. Là, elle pose la base qui te colle un sourire béat aux lèvres, et ça s’envole, encore et encore, jusqu’à ce que tu sois en phase de plaisir plein et pur. Et cette dernière phase où ladite mélodie est jouée en son électrique...
N'en déplaisent à certains qui ont affirmé le contraire, cet album se permet des explorations, telles que le départ égyptien de « Artithmophobia » qui met direct dans l'ambiance - et laisse présager d'autres surprises pour un cinquième album, peut-être ? Puis le tout conclut sur un « Apeirophobia » mélancolique au possible. Comment ça, tu doutais qu'Abasi pouvait t'amener à du tire-larme ? Eh bien il le fait, et avec talent, le bougre ! Car, lorsqu'Animals as Leaders utilise des effets ou des gimmicks, c'est rarement dans la démesure.
Oui, chaque fois que je termine cet album, j'ai le cafard, je pense à la mort, au vide, à l'absence. Mais je me dis que, derrière, j'ai quand même vécu pas mal de choses, et qu'il me suffirait de simplement relancer le disque pour retrouver ces sensations – pour mieux plonger ensuite, sur ces phrases mélodiques à la limite du désespoir, à l'ultime frontière de la tristesse dans son sens premier.
"The Madness of Many" touche ici quelque chose de concret et de pourtant difficilement saisissable : il pique au cœur, prend à vif, et t'impose sa corrosion, par ce poison qui se diffuse dans le sang. En gardant le meilleur des productions passées, les Animals ont conçu un ouvrage équilibré, qui capte la juste balance aussi bien dans le son, entre Djent moderne et ajouts qui font la différence, que dans l'écriture, toujours en contrepoints, que ce soit dans les tonalités ou dans les mesures (Gartska, il n'est simplement pas humain... Mais le boulot sur les cordes reste complètement dingue).
Hormis un « Transcentience » un poil en dessous, et s'il met de côté son héritage Prog moderne syncopé, froid mais magistral, The Madness of Many prend le temps de se développer, de se dévoiler, et apporte une richesse que je n'aurais jamais attendu chez eux lorsque, en 2010, j'avais pour la toute première fois posé mes oreilles sur la création auto-produite du guitariste prodige qu'est Tosin Abasi.
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