The Negation - The Sixth Extinction
Chronique
The Negation The Sixth Extinction (EP)
Depuis ses débuts le combo parisien n’a jamais eu la notoriété qu’il est en droit d’avoir, malgré les très bons retours de ses deux excellents opus « Paths Of Obedience » et « Memento Mori » qui montraient un Black-Metal sombre, violent et racé, où le militarisme et l’histoire contemporaine ne sont jamais bien loin. Depuis la sortie de ce dernier album en date les parisiens ont énormément tourné et ont vu également leur line-up profondément modifié, ce qui devient une habitude. Car autour du bassiste Agarash (dernier membre d’origine encore présent) les grandes manœuvres ont encore été présentes, et hormis le guitariste Gelgjer (présent depuis 2015) tout le reste a été renouvelé avec notamment le départ marquant du chanteur historique A.S.A. (actuellement dans AZZIARD). Cependant tout ceci n’a eu que peu d’impact sur la qualité musicale du combo, car aussi bien le nouveau venu au micro (présent également dans DEATHCODE SOCIETY) que les autres membres se sont mis au diapason pour offrir un EP de très haute tenue, qui continue de mettre en avant les grandes figures historiques de notre pays, tout en offrant une musique plus moderne, éthérée et surprenante.
Si les paroles de la dernière livraison racontaient l’asservissement et la soumission de l’homme par les élites, tout en condamnant la surconsommation et les travers réguliers de l’humanité, l’album se concluait par le discours historique du Général de Gaulle enregistré à Londres le 22 juin 1940 (vu que la première mouture du texte, celle du 18 n’a jamais été enregistrée). Aujourd’hui c’est un autre symbole de l’entité française qui a droit de cité, à savoir le célèbre tableau d’Eugène Delacroix présent au musée du Louvre : « La liberté guidant le peuple » (1830) qui sert de décorum au magnifique « France Eternelle » et va révéler une nouvelle facette du quintet. Si le style en lui-même n’a pas trop changé sur la forme en revanche on s’aperçoit que le son est plus propre et surtout que le rythme global est moins élevé qu’auparavant, ce qui n’a en revanche aucune incidence sur la puissance générée. Car là où le dernier disque en date tabassait généreusement ici c’est un mid-tempo enivrant et entraînant qui est à l’honneur, mis en abîme par des guitares froides et un chant pénétrant qui emmènent l’auditeur vers un voyage dans un passé historique où se retrouvent cités de manière subtile les châteaux de la Loire, les faits d’armes de Jeanne d’Arc et la chute de la royauté lors de la Révolution Française. Ici la réflexion se mêle à un sentiment étrange à la fois nostalgique par les textes (qui donnent envie de se replonger dans les grandes heures de notre pays) et porté vers l’avenir par la musique plus clinique. Mais alors qu’on pense que le rythme ne va pas évoluer, celui-ci après plusieurs minutes décide de s’emballer en sortant des blasts bien sentis qui alternent sur des passages plus lents et modérés, avant l’apparition de samples où l’on entend différentes voix en français, comme pour dire que cette thématique nationale sera présente jusqu’au bout de cette composition introductive.
Si ce premier titre mettait à l’honneur la langue de Molière, c’est celle de Shakespeare qui sera présente durant le quart d’heure suivant, et tout d’abord sur l’excellent « When The Time Of Mass Suicide Will Come » qui reprend le même schéma de construction qu’entendu auparavant. Car là-encore le mid-tempo à la double reste prépondérant, tout en voyant cette vitesse de croisière modifiée par l’apparition de passages bien rapides et déchaînés durant une courte période, permettant ainsi d’éviter la redondance. Si musicalement c’est la suite logique de son prédécesseur, cette compo voit aussi l’arrivée du thème global de ce court-format, à savoir le concept de la sixième extinction (racontée dans le livre du même nom d’Elizabeth Kolbert – Prix Pulitzer 2015) liée à l’homme et à la manière dont il met fin progressivement à la vie sur Terre, et s’auto-détruit par la même occasion. D’ailleurs à partir de cet instant fini le classicisme entendu jusque là et place à quelquechose de totalement différent avec le morceau-titre qui voit l’apparition de voix claires réellement surprenantes, et cela va s’amplifier sur « Shadows Of The Past » à la fois mélancolique, aérien et désespéré, où l’on a la sensation que plus rien ne subsiste hormis quelques rescapés et survivants. Laissant libre court à l’interprétation de chacun, le chant clair conjugué à un rythme assez posé dans l’ensemble donne une sensation d’étrangeté et d’envol vers l’infini où les chœurs aériens et de l’orgue en fond sonore renforcement ce sentiment de fin de l’humanité, où ne va plus régner désormais que le silence pour ramener ainsi le calme au sein de l’univers infini.
Jamais en tout cas le combo ne nous avait habitué à cela, mais connaissant son goût pour l’innovation (tout en n’hésitant pas à se remettre en question) cela n’a finalement rien de surprenant. Si la brutalité ici n’intervient qu’avec parcimonie c’est pour mieux la faire vivre quand elle apparait, et se place idéalement au milieu des rythmiques plus lourdes et des ambiances sombres où aucun espoir ne subsiste. Si musicalement l’ensemble est plus mature ça n’est pas le cas des paroles toujours aussi bien troussées et vindicatives, et à l’heure où tant de défis attendent l’humanité (changement climatique, démographie galopante, pollution …) on se rend compte qu’elles sont terriblement actuelles et prémonitoires pour le futur. En à peine vingt minutes les franciliens confirment toutes leurs bonnes dispositions entrevues auparavant, et qu’ils sont bel et bien parmi les combos les plus intéressants de l’hexagone, même s’il est certain que cette nouvelle (et durable ?) orientation entrevue dans la seconde partie risque de dérouter et de faire causer. C’est en tout cas la preuve qu’il n’a pas peur de se renouveler et d’expérimenter, ce qu’on ne peut pas lui reprocher, après il faut voir sur la durée comment cela se fera c’est toute la question. En attendant un probable troisième opus il est de bon ton de jeter une oreille sur ces quatre compos qui en valent franchement la peine, même si le grand-écart proposé suscitera forcément des réactions opposées et contrastées. Affaire à suivre !
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