Satyricon - Volcano
Chronique
Satyricon Volcano
Ah Satyricon… Quand je pense à ce groupe, je vois un gros caméléon éternel. Ils sont là depuis le début, n'ont jamais faibli, et ont su se renouveler à chaque album. On se souvient de leur période médiévalo-épique, avec le tryptique Dark Medieval Times, The Shadowthrone et Nemesis Divina. Trois albums aussi différents qu'excellents, composés par un groupe qui sait faire du neuf avec du vieux (bon à l'époque le concept n'était pas très vieux, mais vous avez certainement compris ce que je voulais dire – si non, je vous invite à aller niquer vos mamans). Et puis pouf(iasse), après être resté le temps de trois disques dans un univers Black Metal assez traditionnel, Satyr et Frost deviennent en quelques sortes des pionniers avec Rebel Extravaganza. Fini tout le folklore Black Metal païen, nous voici dans l'ère moderne.
Oui, l'ère moderne. Je vais peut-être me faire tuer pour avoir sorti ceci, mais pour ma part, Satyricon est clairement le premier groupe de Black à pouvoir être qualifiable de « moderne ». Car leur musique ne se veut plus bestiale et hargneuse, mais plus réfléchie et structurée, avec un son plus clinique, pour moi synonyme d'une violence encore plus cinglante. Si je parle de tout ça dans la chronique de Volcano, et non dans celle de Rebel Extravaganza, c'est parce que Volcano me parait être le manifeste, s'il en est, de ce qu'est le Black Metal moderne, tandis que Rebel Extravaganza en serait plutôt le mouvement premier.
Si ce dernier se distinguait par sa brutalité glaciale surprenante et sans concession, Volcano contraste par son aspect réfléchi, structuré, et calculateur. Satyr vocifère toujours ses textes, mais donne désormais l'impression de les déclamer de la manière la plus détachée, comme dépité face au constat d'un monde qu'il rejette et méprise. Et ce tout comme les guitares froides et agressives semblent mépriser (With Ravenous Hunger) un ennemi déclaré (« I hate you to a level of intoxication », Fuel for Hatred) ou font le constat d'un univers déjà condamné. En effet, les trois derniers morceaux, Repined Bastard Nation, Mental Mercury et Black Lava, possèdent des ambiances de fin du monde parmi les plus prenantes que j'ai pu entendre. Que ce soit le final de Repined Bastard Nation contrastant avec sa véhémente entrée en jeu totalement rock'n'roll, ou Mental Mercury qui transpire la haine et le rejet de l'humanité (« Why should man be protected, what has he done to justify it ? »), ou encore Black Lava.
Black Lava. Quatorze minutes et trente secondes. Une pièce maitresse épique d'où s'échappent des fumigènes de désespoir et de défaitisme, comme Satyr nous avertit en scandant le leitmotiv « Grey heavens, no lights shed » en guise d'introduction. Rien ne peut être ajouté, le quart d'heure semble durer seulement cinq minutes, et on a seulement envie de se repasser le morceau, encore et encore. Pourquoi ? Juste parce que l'album est un bijou ? Ou bien parce qu'on ne réalise pas cette déferlante que l'on vient de se prendre (« At my signal, unleash Hell ») ? A moins que ce ne soit pour écouter cet album encore plus attentivement, et se confronter ainsi à sa richesse.
A ses mélodies qui ne transparaissent pas au premier abord mais ôtent tout espoir. A ses incursions de sonorités électroniques qui, bien que très discrètes, plongent l'album dans une profondeur abyssale. A l'inévitable puissance du chant de Satyr qui nous fusille à chaque mot prononcé. Aux subtilités du jeu de Frost, se faisant plus discret sur Volcano que ce à quoi il nous avait habitués. Aux apparitions de la délicieuse et terrifiante Anja Garbarek. A sa complexité dissimulée. A l'avènement du « black'n'roll » via Fuel for Hatred et Repined Bastard Nation en un magnifique clair-obscur. Aux uniques secondes où la basse est audible, en final de Black Lava. A tout ce qui découle et découlera de ce disque.
Si Angstridden, Suffering the Tyrants et Possessed ne sont pas mentionnés, ce n'est aucunement parce que ces trois morceaux sont de moindre qualité, bien au contraire. Mais plutôt parce que c'est sur ce trio que repose l'album, comme toutes maisons reposent sur des fondations. Et comme toutes fondations traditionnelles, elles gagnent à rester sous-terraines. Ces morceaux absent, vous pouvez être sûr que l'album ne vaudrait quasiment plus rien dans sa totalité. Ils sont cette lave noire qui permet à Volcano de tout détruire, les munitions de la haine de Satyricon.
Volcano porte bien son nom : l'album a le même effet que le volcan qui entre en éruption et métamorphose le paysage dans sa totalité. Et comme il est courant suite à une éruption volcanique, une quantité impressionnante de personnes sont mécontentes, comme beaucoup l'ont été face à ce Volcano. Mais étrangement, le Vésuve n'est-il pas célèbre, bien des siècles après, pour avoir détruit ce qui était établit ? A méditer.
| Krow 14 Mars 2008 - 5135 lectures |
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