Satyricon - Nemesis Divina
Chronique
Satyricon Nemesis Divina
20 ans.
20 ans que cet album est sorti.
Pourtant il ne semble pas avoir bougé avec les années, procurant toujours autant de plaisir à son écoute. Une de ces réalisations que l'on pourrait faire tourner en boucle sans aucune hésitation, ou sans même s'en apercevoir, dressant fiévreusement les mains et baissant la tête – habitée par la musique. Impossible aussi ne pas avoir en tête l'image du groupe sur fond bleu, l'hymne « Mother North » ainsi que son clip non censuré, qui a émoustillé bon nombre de puceaux lors de sa mise en ligne et dont le corpse paint dégueulasse de Frost a dû piquer moult paires d'yeux.
Cette introduction dithyrambique pose donc d'emblée les marques : oui, je considère Nemesis Divina comme un grand classique. On passera donc sur la personnalité des musiciens, ce qu'il se passe backstage ou encore les changements de direction pris par Satyricon, que j'avoue ne pas avoir suivis car pas appréciés – le dernier opus en date m'ayant néanmoins fait renouer avec le groupe.
Clôturant à merveille la trilogie Black Metal médiéviste de la formation, débutée en 1994 avec le très bon Dark Medieval Times, ce troisième album reflète les aspirations de nos protagonistes, continuant dans la lignée de son prédécesseur The Shadowthrone. Rejoints par Kveldulv (Nocturno Culto) à la guitare rythmique, le duo Satyr/Frost tire donc définitivement un trait sur les parties acoustiques folk ainsi que les passages plus feutrés, passant par la même à la vitesse supérieure.
This is Armageddon !
Le ton est donné dès les premières minutes avec en outre un Frost impérial, sonnant la charge sur « The Dawn of a New Age ». Le rythme est enlevé et soutenu, accompagné de riffs tant incisifs qu’addictifs ainsi que de vocaux black vindicatifs. Afin d'enluminer davantage leur propos et vous entraîner dans leur suite dans le grand Nord des temps anciens, les Norvégiens aèrent leur jeu par des changements de rythmes ou encore des cassures plus atmosphériques savamment orchestrés. L'ensemble paraît plus mature au niveau de la construction et de l'enchaînement des morceaux avec notamment l'aspect « guerriers nordiques » beaucoup moins cliché et un côté kitsch plus estompé. Cependant la patte du groupe reste aisément identifiable (chant, travail sur les arrangements ou encore soin porté aux mélodies) et les nappes de synthétiseur – tenu par Bartland – sont toujours présentes, mais utilisées avec parcimonie et à bon escient ici, apportant une touche épique (« Mother North ») et fantastique (« Transcendental Requiem of Slaves ») aux compositions. Des notes qui renforcent l'effet de toute puissance et de grandiloquence de Nemesis Divina, lui conférant par la même une aura singulière et particulièrement hypnotique.
Et c'est bien cela le point fort de cet album à la fois rageur, noir mais aussi lumineux et au pouvoir de séduction infini. Des titres tel l'inusable « Mother North » ou encore l'excellent « Immortality Passion » illustrent d'ailleurs parfaitement ce sentiment. Les lignes de guitare lead sont des plus inspirées, tour à tour percutantes ou poignantes, les envolées sont jouissives – à donner la chair de poule – appuyées par des airs aussi délicats que majestueux (créés par le jeu de synthé et/ou des guitares), les chœurs sont parfaitement utilisés et placés tout comme le spoken word spectral de Nebelhexe sur « The Dawn of a New Age ». Le trio délivre des odes à la culture nordique païenne et aux somptueux paysages glacés et sauvages, flirtant souvent avec le surnaturel que ce soit dans le fond (« Forhkset » par exemple) ou la forme, avec la paire « Nemesis Divina »/« Transcendental Requiem of Slaves ». Satyricon semble vouloir laisser libre court à notre imagination, aidé par une musique des plus imagées et transcendantes. Et il est facile de se faire happer par cet album, dégageant une grande force évocatrice – impossible de ne pas y songer durant le visionnage du film « The Witch » –, et de se laisser emporter loin très loin, les petites notes psychédéliques du titre de clôture tourbillonnant encore et toujours dans votre tête. Une œuvre troublante, élégante (au léger accent symphonique) et ouvertement antichrétienne, à l'image du bel artwork paraissant représenté à la fois une sorte de vanité et un reliquaire, qui a su marquer son temps.
Trois longue-durées et trois différentes facettes montrées par la formation, fermant la boucle par une grosse montée en puissance sur ce Nemesis Divina. Massif, varié et riche en émotions, chaque piste a été travaillée pour rester durablement dans vos têtes. Certes certain(e)s peuvent bouder le côté moins puriste et folk que le premier opus, l'aspect très rentre-dedans (taillé pour réussir), d'autres encore vont dire que la dernier morceau est trop long et dispensable ou crier à l'écœurement concernant « Morther North ». « Morther North » ? Oui, mais qu'en est-il aussi de « The Dawn of a New Age », du haineux « Du Som hater gud » (dont les paroles ont été écrites par Fenriz) ou encore « Immortality Passion » (pour ne citer qu'eux) ? Non, ce troisième album est définitivement mon préféré de Satyricon, à écouter n'importe quand et n'importe où ; transformant même mes périples en voiture dans le sud de la France en pleine chaleur, en ballades féeriques : les odeurs nauséabondes de La Mède laissant place à une douce odeur boisée et la sinistre N568 se commuant en un charmant chemin terreux entouré d'une impénétrable et mystérieuse forêt.
Afin de célébrer les 20 ans de la sortie de 'Nemesis Divina', Napalm Records a réédité celui-ci le 20 mai dernier. Remastérisé par Satyr lui-même, cette réédition respecte cependant l'original avec une production toujours organique (mais un peu plus lisible). Les possibles petits réarrangements mais aussi l'impression que certains instruments (synthétiseur et grand piano ou encore la double de la batterie) sont un cran plus en avant sur quelque passage ne gênent en rien l'écoute (j'ai le lien MP3) et peuvent être de l'ordre du chipotage. L'artwork a également subi un petit lifting avec des couleurs rehaussées et plus éclatantes.
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