Un parcours semé d’embûches, voilà - pour rester poli - comment nous pourrions résumer la carrière de Derkéta, groupe américain fondé à Pittsburgh en 1988 et qui depuis ne semble avoir connu que des galères. Mais en dépit des années de séparation et des problèmes de line-up à répétition auxquels le groupe a dû faire face, Sharon Bascovsky a toujours réussi à maintenir sa barque à flot. Certes, Derkéta n’a jamais été très prolifique mais cela n’enlève rien à la détermination dont a fait preuve la dame tout au long de ces années pour que son groupe puisse continuer à exister.
Reformé depuis bientôt vingt ans, Derkéta a réussi à relancer la machine quelques temps avant de finalement retourner hiberner durant près de dix ans. Trois ou quatre années d’activité pendant lesquelles le groupe sortira notamment
Goddess Of Death, une compilation parue en 2003 par Necroharmonic Productions et regroupant l’intégralité des enregistrements du groupe américain depuis ses débuts. Il faudra par contre attendre 2012 pour que Derkéta passe enfin à la vitesse supérieure avec la sortie d’un premier album autoproduit. Trois ans plus tard, celui-ci sera réédité (et remasterisé) par Ibex Moon Records, label de monsieur John McEntee, avec en prime les deux titres du single
Darkness Fades Life sorti en 2014.
Côté line-up, nous sommes ici sur un effectif 100% féminin avec Sharon Bascovsky au chant et à la guitare, Mary Bielich (ex-Mythic) à la guitare, Robin Mazen (future Gruesome) à la basse et Terri Heggen (ex-Mythic) à la batterie. Depuis, cette dernière a néanmoins quitté le navire et a finalement été remplacée par Michael Laughlin de Creation Is Crucifixion. Enfin, concernant l’artwork que je trouve fort sympathique, celui-ci est l’œuvre du Hollandais Richard Schouten, guitariste d’Acrostichon et illustrateur pour des groupes tels que Church Of Misery, Dream Death, Massacre, Napalm Death ou bien encore Pentagram.
Enregistré entre 2011 et 2012,
In Death We Meet à la particularité de compter des titres écrits pour certains dès 1991. On apprend ainsi dans le livret qu’il s’agit pour la plupart de morceaux restés jusque-là inédits et composés par Sharon Bascovsky durant ces années de vache-maigre pendant lesquelles le groupe végétait dans l’ombre, attendant de pouvoir enfin s’appuyer sur un line-up solide et motivé capable de faire enfin avancer les choses.
Sans surprise,
In Death We Meet propose de retrouver ce même Death/Doom putride et blafard qui déjà à l’époque rappelait tour à tour Incantation (dans ses élans évidemment les plus doomy), Runemagick et bien entendu Mythic avec qui les Américaines partagent bon nombre de points communs. En effet, tous les deux sont originaires de Pittsburgh, se sont formés à peu près à la même époque, ont eu un line-up 100% féminin et ont surtout évolué dans un registre en tout point identique. Les quatre filles de Derkéta vont donc à nouveau se concentrer sur une musique lente et relativement répétitive
("Goddess Of Death" en guise d’ouverture en est la preuve parfaite avec ses dix minutes particulièrement écrasantes), construite autour d’un growl d’une noirceur et d’une profondeur toujours aussi surprenante (qui a dit que les femmes ne savaient pas growler ?), de riffs sinistres et lancinants desquels va se dégager une atmosphère sombre et malfaisante typique de ce qui se faisait dans les années 90 (les leads et autres mélodies rappelleront sûrement à certain ce que l’on peut également trouver chez les excellents Runemagick) et de patterns de batterie étonnamment plus variés et même un poil plus soutenu (en même temps ce n’est pas très compliqué) que ce que l’on trouve d’habitude dans le genre. D’ailleurs, malgré ce train de sénateur que va adopter le groupe tout au long de ces cinquante minutes (pas loin de soixante pour la réédition de 2015), Derkéta ne va pas hésiter à accélérer de temps à autre la cadence comme pour mieux rompre avec la monotonie de ses propres compositions ("Obscurities Of Darkness" à 3:46, "Rest In Peace" à 1:39, "Until Our Death" à 1:18, "Last Rites" à 1:07, "Witchburned" et ses faux airs de Sadistic Intent, cette reprise de "Troops Of Doom" de Sepultura). Des soubresauts de courtes durées mais toujours bienvenus afin d’aérer ces longs moments écrasants.
Enfin, si vous avez déjà posé vos oreilles sur la compilation
Goddess Of Death, peut-être vous rappelez-vous également que beaucoup des titres qui y figurent étaient quelque peu plombés par des productions souvent hasardeuses et déséquilibrées rendant leur écoute pas forcément toujours très agréable. Ici ce n’est pas le cas puisque l’ensemble est naturellement très homogène de par son format. Mais surtout le son est bon, naturel (cette batterie qui claque juste comme il faut) et capable d’offrir suffisamment de puissance et de lourdeur à Derkéta pour que ses compositions aient l’impact escompté. Cela peut sembler anodin mais dans le cas présent ça ne l’est pas, surtout lorsque l’on sait que les titres bénéficiant jusque-là de la meilleure production étaient ceux enregistrés en 1990.
Sorti vingt-quatre ans après les premiers balbutiements de Derkéta,
In Death We Meet représente probablement pour ses créateurs et surtout pour Sharon Bascovsky une sorte d’aboutissement en soit. En tout cas, la dame a bien fait de ne pas baisser les bras et de persévérer dans cette voie car le résultat n’a pas grand-chose à envier aux plus grands noms du milieu. Certes, la recette n’a à première vue rien de bien nouveau à apporter mais pour tous ceux qui apprécient ce genre de Death/Doom de la première heure,
In Death We Meet risque vite de se révéler assez addictif.
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