Je ne sais pas vous mais en ce qui me concerne, je dois vous avouer que je ne m’attendais pas à voir Derrick Vella et Justin DeTore de retour aussi rapidement à leurs petites affaires. Pour ceux d’entre vous qui auraient la mémoire courte ou pire, raté un épisode, les deux nous avaient effectivement gâté avec la sortie en novembre 2021 de
Tide Turns Eternal, un premier album de Death / Doom raffiné et élégant qui, sans rien révolutionner, ne manquait pourtant ni de caractère ni d’originalité. Cinquante et une semaines plus tard, les deux hommes reviennent faire parler d’eux avec la sortie d’un deuxième album pour le moins inattendu, tout cela bien évidemment sous l’égide bienveillante du label américain 20 Buck Spin Records.
Intitulé
Song Of Salvation, celui-ci est illustrée pour l’occasion par Benjamin A. Vierling, un artiste que l’on ne voit pas souvent cité mais à qui l’on doit tout de même quelques chouettes illustrations pour des groupes tels qu’Aosoth, Christian Mistress, Deiphago, Nightbringer ou bien encore Profanatica. Ce dernier signe ici une composition colorée et onirique dont se dégage, notamment à travers ces rayons de soleil divins capables de percer ces nuages chargés, cette végétation luxuriante et ce personnage céleste fait d’étoiles lointaines, un puissant sentiment d’espoir. Un ressenti qui naturellement sied à ravir à Dream Unending dont le parti-pris consistant à aborder les choses par le prisme de la vie plutôt que par celui de la mort demeure une fois de plus sur ce deuxième album. Enfin, à l’instar de son prédécesseur, le duo a de nouveau confié toute la partie technique à Sean Pearson (enregistrement) et Arthur Rizk (enregistrement, mixage et mastering). Ces messieurs livrent comme à l’accoutumée une production toujours aussi impeccable, capable de faire avec finesse le pont entre cette lourdeur particulièrement épaisse inhérente au genre et le caractère résolument chimérique qu’entretien le duo à travers sa musique et ses nombreuses mélodies.
Sans grande surprise, Dream Unending va se "contenter" de reprendre les choses là où le groupe les avait laissés moins d’un an auparavant. Une suite tout à fait logique qui à vrai dire pourrait très bien avoir été composée et enregistrée dans la foulée de son prédécesseur. On va dès lors retrouver tout ce qui faisait déjà le charme de l’excellent
Tide Turns Eternal et même un petit peu plus encore...
En soit, et comme déjà évoqué ici où bien lors de ma chronique de leur premier album, les sonorités purement Death / Doom du duo s’inscrivent dans le respect d’un cahier des charges établi par d’autres depuis déjà quelques décennies (là encore, les influences de formations telles que Paradise Lost, Anathema ou My Dying Bride demeurent persistantes). Le groupe y va ainsi de ces accords plombés distillés avec cette parcimonie et ce rythme qu’il convient d’adopter pour le genre pratiqué. Dans le même ordre d’idée, Justin DeTore nous régale également de ce growl profond qui semble trainer derrière lui un mal-être et une douleur intense. Un rythme lent et funéraire marqué néanmoins par quelques très légers soubresauts qui vont permettre d’amener ce soupçon de nuances dynamiques particulièrement appréciable, notamment sur ces deux compositions affichées chacune à plus ou moins quinze minutes ("Song Of Salvation" à 7:00 et "Ecstatic Reign" à 6:36 et 14:18).
Ce qui fait donc une fois de plus toute la particularité de Dream Unending ce ne sont pas ces séquences pesantes, aussi efficaces, immersives et bien ficelées soient-elles, mais plutôt tout ce qu’il y a autour. Là encore,
Song Of Salvation brille ainsi par la qualité de ces arrangements mélodiques qui apportent autant de personnalité que de profondeur à ces quelques compositions. A ce titre, le travail le plus remarquable est très certainement celui de Derrick Vella qui nous offre là un florilège de moments particulièrement beaux et envoutants. De ces solos et autres leads absolument grandioses ("Song Of Salvation" à 7:26 et 9:52, "Secret Grief" à 3:32, "Murmur Of Voices" à 1:16, "Unrequited" à 0:11 et 3:05, "Ecstatic Reign" à 5:48 et 11:04 et ainsi de suite...) dont se dégage parfois un petit côté Dark Millenium que je n’avais jamais perçu ou entendu jusque-là à ces séquences progressives désormais encore un petit peu plus assumées et pour le coup quasi toutes instrumentales (la première minutes de "Song Of Salvation" puis un petit peu plus loin à compter de 9:14, la première partie de "Secret Grief", "Murmur Of Voices" et "Unrequited" tous les deux dénués de chant, "Ecstatic Reign" à 2:48 et 10:47) en passant également par toutes ces petites notes solitaires et lointaines façon Evoken, diSEMBOWLMENT ou Spectral Voice que l’on va retrouver disséminées tout au long de l’album et qui évoquent toujours aussi subtilement l’immensité de l’espace et l’insignifiance de l’être humain dans une telle perspective, il y a en effet de quoi s’enthousiasmer face à autant de talent concentré.
S’il s’agit là de la partie la plus visible de l’iceberg, celle qui vous sautera aux yeux et aux oreilles dès les premières écoutes, impossible pour autant de passer sous silence tous les autres petits à-côtés qui bien que plus discrets contribuent à l’identité de Dream Unending et à la réussite de ce deuxième album. Parmi les plus notables, on citera par exemple cette douce et exquise ligne de trompette dispensée sur "Secret Grief" par madame Leila Abdul-Rauf (Vastum, ex-Hammer Of Misfortunes...), ces quelques invités de renoms venus apporter leurs modestes contributions vocales tout au long de l’album (Phil Swanson (Solemn Lament, Vestal Claret, ex-Sumerlands, ex-Hour Of Thirteen...) sur "Secret Grief", Max Klebanoff (Tomb Mold) et pour la seconde fois madame McKenna Rae sur "Ecstatic Reign", l’acteur américain Richard Poe (Star Trek: The Next Generation, Star Trek: Deep Space Nine et Star Trek: Voyager) sollicité ici pour faire un petit peu de narration sur "Ecstatic Reign") ou bien encore ces nappes de claviers discrètes qui habillent de leurs voiles vaporeux et oniriques certaines séquences de l’album.
Si la formule demeure inchangée, le duo derrière Dream Unending a su apporter à ce
Song Of Salvation un brin de nouveauté et de fraîcheur (quelques sonorités rafraîchissantes, un élan progressif un petit peu plus prononcé, encore un petit peu plus d’éléments extérieurs à la formation...) afin d’éviter un certain sentiment de "redite". Une redite qui étant donné la richesse des compositions, leur interprétation irréprochable et la qualité des ambiances et des mélodies instaurées n’aurait certainement pas été un souci. Dans tous les cas, Justin DeTore et Derrick Vella réussissent une fois de plus, avec cette apparente facilité qui les distingue, à taper dans le mille et cela d’une manière incroyablement subtile et convaincante. D’une sobriété et d’une élégance rare, le Death / Doom de Dream Unending continu donc de nous surprendre et surtout de nous ravir sans pour autant changer les termes d’un genre dont il respecte effectivement les codes mais auquel il prend plaisir à y apporter de quoi faire la différence. Avec ce deuxième album, les deux hommes persistent et signent, s’imposant sans aucune difficulté comme l’un des groupes à suivre en la matière. Félicitations !
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