« Définitivement de grands maîtres de l’Ero-Guro. »
Voilà ce qui m’est rapidement venu en tête à l’écoute de
Corporeal Torment et qui ne m’a plus quitté, comme une obsession. Sans doute, Anatomia a toujours eu affaire avec ce courant artistique japonais, jouant d’un érotisme macabre avec un certain sens du grotesque, perturbant et fascinant. Pour autant, malgré une sensualité traversant
Decaying in Obscurity et, d’une autre manière, le baiser de la mort qu’est
Cranial Obsession, jamais cela n’avait été aussi prégnant qu’ici.
Quatre titres, quarante-et-une minutes au total, un exercice faussement humble après les étirements précédents cachant en réalité un groupe plus que jamais sûr de lui, quittant toujours un peu plus ses révérences faites à Autopsy pour réaliser un death / doom metal n’ayant pu provenir que de l’archipel. Dès « Dismemberment », et tout le long de ce qui représente la face A de
Corporeal Torment, on sent que le propos s’est condensé, ne cherchant plus à perdre mais à aller droit au but dans une démarche réfléchie de bout en bout. Anatomia montre alors sa maestria pour écrire des hymnes death / doom, les deux premiers morceaux étant de véritables moments de grâce, que ce soit lors de ces tremolos pataugeant à vive allure dans des eaux punks (miam, ce pont sur « Slime of Putrescense » !) ou lors de ces ralentissements massifs et ternes, abandonnant la fluorescence typique de la bande à Chris Reifert pour une chair grise et froide peinte avec appétit.
Certes, l’amateur de longue-date pourra se dire qu’il n’y a rien de neuf de ce côté-ci, ces éléments ayant déjà été abordés en long et large sur les précédentes œuvres de la formation. Il constatera cependant que
Corporeal Torment, passés deux titres à classer parmi les plus efficaces du groupe tout en gardant cette personnalité propre, plonge dans une abîme où l’on n’a jamais vu les Japonais aller avec autant d’emphase. Si « Despaired Void » semble terminer avec fluidité les assauts le précédant, comme un final enterrant ce death / doom de son funeral, des voix japonaises étrangement enjôleuses envahissant l’esprit, « Mortem » est définitivement un ailleurs que la formation a souvent exploré – on se souvient des derniers titres de
Cranial Obsession – mais jamais avec une telle profondeur. Sa transe morbide disséquant et épluchant notre cervelle réussit à marquer durablement, là où d’autres essais de ce genre de la part d’Anatomia avait pu laisser poindre chez moi une légère déception.
C’est qu’il y a un fil rouge constant sur
Corporeal Torment, permettant de suivre Anatomia dans ses délicieux méandres. Une cohérence dont la voix de Takashi Kanaka se fait l’élément palpable, par son growl d’une lubricité enivrante se transformant parfois en un long râle de plaisir (le début de « Slime of Putrescense ») ou en un chant rauque évoquant la paix du mort d’Evoken. Si l’on doit absolument chercher ce que ce nouvel album réalise d’autre que ses grands frères, la porte d’entrée se trouve clairement dans cette voix, toujours aussi fervente mais également plus narrative dans ses histoires d’accouplements interdits, d’expériences de la chair faites avec concupiscence ainsi que la maîtrise d’un chirurgien expert.
Ce qui, somme toute, fait beaucoup pour un album étant le plus court des Japonais, d’autant plus réalisé avec le moins d’effets possible, le duo Takashi Kanaka / Jun Tonosaki s’appuyant majoritairement sur leurs instruments pour transmettre leurs atmosphères putrides et séduisantes.
Corporeal Torment est une réussite de plus d’un groupe qui – merci ! – s’est fait moins rare que d'habitude tout en allant encore plus loin dans son appropriation de l’héritage laissé par Autopsy. Certes, la majesté de « Dismemberment » et « Slime of Putrescense » fait un peu regretter qu’ils ne soient que deux de cet acabit à être ici, mais cette plongée progressive dans une abîme frigor(e)ifique rend cette œuvre aussi essentielle que les autres d’Anatomia, ce dernier créant tranquillement une discographie aussi originale que culte, une des seules dans le genre à laisser à chaque écoute aussi repus qu’avide de death / doom metal. Il n’est jamais trop tard pour y goûter.
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