Que Anatomia rappelle Autopsy, on le savait bien assez. Qu'il plonge dans le funèbre à la manière de Encoffination, ma foi, ça lui pendait au nez, lui qui embrassait la Mort comme on embrasse sa promise sur
Decaying in Obscurity, sensuellement, avec délicatesse et envie.
Mais que Anatomia ne soit finalement qu'égal à lui-même, définition du death metal en même temps qu'intrus à l'identité unique, on le sentait certes déjà auparavant, mais jamais autant qu'ici. On a eu raison d'attendre fébrilement
Cranial Obsession, les nombreux splits sortis écoutés en guise d'apéritifs pour ne pas crever de faim ! Anatomia, malgré une nouvelle révérence envers la bande de Chris Reifert (qui a même adoubé la formation de sa main en écrivant les paroles de ce nouvel album sur le livret), a sorti un disque qui est marqué de bout en bout d'une étrangeté qu'il ne doit qu'à lui-même. Un disque où le death metal, ce style fait de sang, de nerfs, de chair, se fait frigo, conservant les cadavres pour mieux les disséquer, ici à coup de scie experte (les viandards seront aux anges durant « Morbid Hallucination » ou encore « Fiend »), là armé d'un scalpel prenant plaisir à découper la peau à la façon dont on épluche les légumes.
Et cela, toujours sans intellectualisme, l'estomac en guise de cerveau. Il suffit d'entendre ces voix délicieuses d'appétit, aussi nécrosées qu'avides, pour voir que les Japonais n'ont aucunement perdu leur capacité à transporter dans une atmosphère macabre sans céder aux sirènes du romantisme facile. Son égérie, Anatomia la peint inévitable, morbide, belle et affreuse à la fois, cancer fatal né d'un trop plein de vie et gardé en morgue comme un cadeau, dont il ne finit pas de se repaître avec désir, jusqu'à des claviers – ne hurlez pas, ils sont aussi discrets qu'essentiels à cette musique – habillant l'ensemble de leur sonorité surannée, où le brouillard a les effets d'un formol mettant la décomposition au rang d'éternité. Que Anatomia soit ce monstre de concupiscence, ce transi dédié à la charogne, on avait bien pu s'en rendre compte dès
Dissected Humanity. Mais qu'il puisse encore effectuer un pas supplémentaire dans cette passion revendiquée, qu'il aille encore plus loin dans ce death metal aussi jouissif qu'hypnotisant, qu'il nous emmène avec lui jusqu'au bout de son obsession... Ah !
Pourtant, il faut bien avouer que, les écoutes s'accumulant, une pointe de regret se fait sentir lors de cette heure en sa compagnie. Anatomia, sourd à autre chose que son loisir particulier, va à l'extrême jusqu'à une deuxième partie d'album où s’enchaînent les morceaux longs et lents, la catatonie en ligne de mire. Fasciné par son macchabée, il devient comme lui lors de « Abysmal Decay » et « Recurrence », compositions rappelant dans leur froideur les œuvres les plus gelées du label Cold Meat Industry. Merveilleuses en elles-mêmes, elles demandent un effort de ma part pour s'apprécier lors d'une écoute sans tricherie, là où
Decaying in Obscurity, moins mortuaire mais plus sexuel, m’entraînait avec aisance dans ses actes de légiste du début à la fin.
Ce bémol mis de côté, il n'y a rien à jeter dans
Cranial Obsession, ce tombeau ouvert où le gore typique du death metal prend des allures sacrées. Car que Anatomia soit le groupe où Eros et Thanatos forment le plus parfait des mariages, le groupe qui, quand il arrête de jouer, fasse se sentir repu et heureux à l'image de quelqu'un se levant de table et ne trouvant qu'à dire « merci », sans doute, ce ne sera pas une découverte pour les quelques fanatiques que la formation a sous sa coupe (mais qui sont encore trop peu nombreux, tant les Japonais sont sous-estimés au regard de leur talent). Mais je ne vois pas en quoi cela empêcherait de tomber une nouvelle fois sous le charme, décidément. Un album précieux, à vénérer comme il le mérite.
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