Monolithe - Black Hole District
Chronique
Monolithe Black Hole District
Monolithe est un groupe franchement étrange. Je les ai découverts il y a donc plus de 20 ans avec leurs deux premiers albums, Monolithe I et II, qui m’ont d’emblée inscrit dans un certain décalage. Pourvoyeurs, à l’époque, d’un funeral doom exigeant – c’est ce qui m’a attiré vers eux – leurs artworks futuristes (et moches) m’ont pourtant refroidi assez rapidement, comme inappropriés en regard de la musique proposée. Opaque, spatiale d’une certaine façon, le combo français avait également pris l’habitude de ne proposer qu’un seul titre par album, de plus de 50 minutes, boule de noirceur parfois difficile à percer. Une habitude conservée un certain temps avant de passer à … 3 titres par album puis sur des formats plus classiques par la suite, plus ramassés aussi.
Le funeral doom de Monolithe en a profité pour se débarrasser de son trop plein de phrasés inutiles, qui rendaient souvent l’attention délicate à tenir sur d’aussi longues périodes. Dès Nebula Septem surtout, le ton est plus varié, plus doom death aussi, plus mélodique, avec des accroches plus nombreuses. Le bloc de granit a été taillé, poli, pour devenir un objet plus aisément saisissable, sans rien perdre de sa puissance néanmoins. Black Hole District intervient dans ce contexte. 10 titres pour 55 minutes de musique, pas le temps de s’ennuyer donc même si la tracklist interroge d’emblée avec 5 morceaux à 10 minutes pile… et 5 autres à une minute donc, qui sonnent comme autant d’interludes traits d’union entre les pièces maîtresses. Un gros morceau à s’enfiler donc.
L’artwork futuriste, encore, nous met sur la voie. They Wake Up at Dusk ouvre sur des accords spatiaux, très amples, façon musique de film d’anticipation, menaçants et profonds que Sentience Amidst the Lights bonifie au son d’un tempo très lent, d’une voix déclamée et de tambours lancinants en arrière-plan. Le titre est rampant ; il sourd d’une menace invisible que seuls les premiers accords de guitares, lumineux, viennent arrêter. La structure est très riche, comme les arrangements (le violon qui surplombe les guitares par exemple). Le ton est donné d’emblée, avec une volonté de proposer une musique riche et des arabesques nombreuses, des pluies de riffs noyées dans une ambiance spatiale (l’enrobage des morceaux comme, parfois, les voix claires en chœurs, légèrement robotiques comme sur Sentience Amidst the Lights, To Wander the Labyrinth ou On the Run to Nowhere), signature du groupe et des mélodies souvent somptueuses (le départ et plusieurs ponts sur Sentience Amidst the Lights ou sur On the Run to Nowhere).
Elusive Whispers, le second interlude, est également une vraie réussite comme le sera Suspicion. Ils apportent de vrais traits d’union aux morceaux, une logique et une cohérence qui « tient » l’album comme un ciment. Par exemple, To Wander the Labyrinth prend la suite de Elusive Whispers d’une manière parfaitement naturelle, lancé par l’interlude qui lui a comme préparé le terrain, la tonalité globale de l’univers développé. C’est ample, menaçant, mais également extrêmement lumineux, comme si l’auditeur assistait au passage d’une météorite dangereuse qui se promène dans un ciel étoilé majestueux, perclus d’aurores boréales. C’est tout le paradoxe des morceaux phares que de mêler avec brio la mélodie, l’emphase et un ton souvent nocturne. Le doom death de Monolithe n’oublie ainsi jamais d’être beau en plus d’être sombre ; il n’omet jamais l’accroche au détriment de la pure ambiance (les ponts sur To Wander the Labyrinth ou sur Unveiling the Illusion). De même, l’interlude Suspicion, plus sombre, introduit parfaitement un morceau qui l’est également (Unveiling the Illusion), tranchant avec le reste de l’album (notamment avec son départ plus death, plus foncièrement brutal et sa voix plus death également).
Cette approche très harmonique, très mélodique mais également très variée est la marque de fabrique du combo français depuis ses débuts. Elle reste sobre et classieuse, en offrant systématiquement une invitation au voyage. Globalement mystique, la musique de Monolithe est atypique et foncièrement originale, naviguant sans cesse entre atmosphères spatiales et chevauchées mélodiques profondes au cœur des grands espaces. Le son est profond, qui apporte clairement sa pierre à l’édifice car la densité sonore est parfaitement gérée de bout en bout, alternant accalmie, aspects soyeux et montées en tension plus brutes.
C’est ainsi que la fin de l’album, qui s’ouvre avec un Benefit or Hazard ultra spatial et bourré d’emphase, balance constamment entre voyage initiatique au cœur des étoiles (l’ouverture grandiloquente de On the Run to Nowhere) et plongées en abîmes (la voix très death sur On the Run to Nowhere), en rais de lumière et opacité insondable (Those Moments lost in Time et ses atours plus typiques du doom death classique). C’est parfois prog’, parfois death, parfois tout cela à la fois, à l’image de ce que pouvait donner SUP autrefois.
Ce nouvel album de Monolithe est une belle réussite tant les 55 minutes passent vite, tant les structures sont riches et les ambiances, prenantes. La science de la composition de Sylvain Bégot n’est plus à démontrer ; elle est encore éclatante sur Black Hole District. Varié de bout en bout, conçu comme un merveilleux voyage sous la voûte céleste, ce Black Hole District vous prend la main sans jamais la lâcher.
| Raziel 6 Décembre 2024 - 507 lectures |
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