À ma connaissance, il n'y a que le death, le doom et le hardcore qui donnent ce sentiment. Celui faisant pointer du doigt une de leurs créations en disant « voilà, c'est ça ». La sensation totale et subjective d'écouter un disque qui est l’aboutissement du genre, en somme. Pour le death metal, j'ai cette impression en écoutant les premiers Morbid Angel, les derniers Lvcifyre, Grave Miasma, Gorguts, Encoffination, à peu près tout Bolt Thrower, à peu près tout Incantation et... beaucoup d'autres, dont
Decaying in Obscurity d'Anatomia fait partie.
Des œuvres différentes mais possédant chacune, à leur manière, cette essence qui fait du death metal ce qu'il est. Concernant ce deuxième album des Japonais, il s'agit d'un versant particulier du style qui pourtant, le temps qu'il dure, fait croire qu'il est sa seule définition possible. « Morose », « sensuel », « putride », « terne » et « spectral » sont des mots que j'ai déjà utilisé pour parler de
Dissected Humanity, premier longue-durée par lequel Anatomia semblait timidement s'échapper d'un simple Autopsy-worship : ils trouvent ici leur pleine place,
Decaying in Obscurity faisant honneur à la pornographie austère et satanique de sa pochette délicieusement surannée et néanmoins fascinante dans sa morbidité. Une ambiance de giallo qu'aiment rappeler ces claviers parsemant l'essai, dont les sonorités vieillottes ne font qu'accentuer l'allure macabre.
Un signe parmi d'autres prouvant qu'Anatomia ne cherche pas à offrir un énième hommage au
Mental Funeral d'Autopsy avec
Decaying in Obscurity. Se dessinent ici des liens avec Coffins (pour la stupidité lubrique des morceaux les plus bas du front, « Sinking into the Unknown » et « Garbage » en tête), Encoffination et Evoken (pour cette paisible avancée vers le cadavérique, cf. « Imminent Death » ou encore « Consumed in Darkness »)... mais surtout Anatomia lui-même qui, dans son interprétation old school et cependant étrange, ne doit rien à personne.
C'est qu'il faut bien un peu de génie personnel pour parvenir à rendre crédible doom/death aussi stupide, premier degré dans son obsession pour la chair et la mort. Livide bien que carnassier,
Decaying in Obscurity creuse autant les joues qu'il titille le bas-ventre, se révélant satisfaisant sur ces deux tableaux entre plaisir de croquer et d'évider ses victimes de leur sang. Ainsi, les hurlements savent se faire à la fois bassement jouissifs, barbouillés, mais aussi traînants et nécrosés, à l'image des cris présents sur « Eternally Forgotten ». Une morne marche funèbre qui, si elle n'a pas le jusqu'au-boutisme d'un
Hear Me, O' Death, trouve sa saveur particulière dans sa langueur parvenant toujours à accrocher par quelques accélérations mettant un cafard aussi plombant que les passages lents.
J'insiste : rien d'intellectuel dans cette débauche. Anatomia, en bon groupe japonais, ne cesse de jouer son doom/death avec une outrance primaire et raw. Son esthétisme est celui du grotesque appelant au vice idiot vécu dans quelques caves froides et humides, à la façon du Huysmans de « Là-Bas ». Seulement, cette sereine manière qu'a
Decaying in Obscurity de se décomposer dans ses perversions donne de la profondeur à sa musique, la rendant singulière malgré quelques moments moins convaincants (« Cadaveric Dissection », trop classique par rapport au reste de l'album).
Decaying in Obscurity dure cinquante minutes, paraît plus long que ça et pourtant ne donne jamais envie d'arrêter son écoute. Il est clair qu'il se destine à ceux voyant dans le death metal des ambiances où plonger avec volupté plutôt qu'une performance, qui pourra passer pour plate et insipide chez les amateurs de brutalité. Une œuvre pour qui sait que le death metal est du sexe et que le sexe n'est pas Youporn, pour résumer.
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