Sans vouloir faire du radotage facile on ne cesse de répéter et d’entendre partout (à juste titre) que la scène noire islandaise est parmi les plus intéressante et qualitative de ces dernières années, tant chacun des disques de ses formations locales se distingue par son niveau d’écriture et son climat qui y joue un rôle prépondérant. Si l’an dernier fût incroyablement riche en terme de sorties, 2018 a ralenti l’allure mais conserve néanmoins sa légendaire attractivité, car après SLIDHR particulièrement addictif c’est au tour de CARPE NOCTEM de revenir au premier plan après s’être montré très discret depuis la sortie de son premier album
« In Terra Profugus » il y’a déjà cinq longues années. Il faut dire que plusieurs de ses membres ont été pas mal occupés au sein de leurs groupes principaux (ÁRSTIÐIR LIFSINS, MISÞYRMING, NAÐRA), entre enregistrements divers et tournées, du coup il n’est pas étonnant que l’attente se soit faite si longue mais heureusement le résultat est à la hauteur des attentes.
Car si le précédent opus était déjà d’un bon niveau il se révélait malgré tout un peu juste sur la durée, et ne tenait pas la comparaison par rapport aux autres réalisations venues de son pays, chose qui n’est plus le cas aujourd’hui. On sent que l’expérience accumulée par les mecs a été bénéfique et qu’ils ont pu en tirer une musique plus profonde et travaillée, qui reste cependant bien balisé et dans les standards proposés par ce qu’on appelle désormais le mouvement "Icelandic Black-Metal". Avec des morceaux toujours aussi longs et une durée globale similaire à son prédécesseur, le schéma de construction de cette galette n’a pas évolué avec le temps, ses créateurs lorgnant toujours sur des formats à rallonge où la brutalité n’est que peu présente pour laisser plus de places aux rythmiques lentes et aux ambiances voilées où tous les repères finissent par disparaître, désorientant ainsi l’auditeur (à l’instar de ce qui est pratiqué par leurs compatriotes de SVARTIDAUÐI. Comme toute la scène noire du pays des geysers le combo est imprégné de la météo locale à la fois intrigante et imprévisible, ce qui donne vie à de longues plages instrumentales réhaussé de samples divers afin de créer quelquechose de quasi-mystique, qui se ressent dès le départ sur « Söngurinn sem ómar á milli stjarnanna » qui va miser sur l’équilibre. Autant en effet ne pas sortir d’entrée toutes les surprises qui vont retentir plus tard sur le disque, du coup ici ça mise principalement sur l’alternance des tempos entre blasts éruptifs situés aux débuts et fins de parcours, et les prémices de l’hiver et des tempêtes au milieu où tout semble figé par le froid généralisé. N’oubliant pas quelques cassures bienvenues pour donner encore plus d’envergure à une musique glaciale et déjà enivrante, le résultat est déjà de haute volée et va donner le ton pour la suite qui arrive sous le nom de « Upplausn ». Reprenant les choses où elles en étaient restées auparavant tout en pratiquant de façon tout aussi réussie les variations elle se montre néanmoins plus obscure et brumeuse et y intègre de la technicité, mais jamais de façon trop intempestive laissant la place ensuite au vent qui se renforce et qui annonce le coup de fouet attendu juste après. Celui-ci baptisé « Og hofið fylltist af reyk » se fait plus désespéré et triste que tout ce qui a été entendu jusque-là, la faute à un riffing coupant et clair où des petits solis retentissent au milieu d’un océan d’abîme, et avant l’explosion marquée sous la forme de passages très rapides qui vont alterner à d’autres plus lents et doux. Si l’ensemble joue les montagnes russes la vitesse reste cependant minoritaire dans ce déluge plaintif, où la lenteur et l’humidité ont pris le dessus tout en gardant une cohérence à l’ensemble qui ne faiblit à aucun moment, et dévoilant également une facette plus mélodieuse qui va prendre plus d’ampleur sur le redoutable « Hér hvílir bölvun ».
Là-encore le point de départ va se faire d’une grande douceur sous la forme d’une introduction qui prend tout son temps, avant qu’une éclaircie ne pointe le bout de son nez laissant supposer une accalmie et le retour de la lumière. Pourtant bien qu’un léger optimisme se fasse ressentir il ne va pas durer car le vent et la fureur vont faire leur retour avec un tempo qui se lâche, et où l’expression "le calme avant la tempête" prend tout son sens. Plus équilibré dans sa démarche ce titre joue également le grand-écart pour un résultat imparable et magnifique, qui n’oublie pas les indissociables et incontournables ambiances, dont l’interlude « Úr beinum og brjóski » va être un écrin majeur. Rempli de notes claires qui émergent du spectre humide et du manque de luminosité il va servir de rampe de lancement au majestueux « Sá sem slítur vængi flugunnar hefur náð hugljómun » au nom aussi long que sa durée globale (quasiment douze minutes). Séparé en trois blocs distincts on y trouve toute la palette technique des nordiques où fureurs et accalmies s’enchaînent sans problème, le tout ponctué de breaks salvateurs et de moments d’espérance, même si on ne sait pas trop de quoi l’avenir sera fait et ce qu’il réserve dans un futur proche. Passant facilement l’écueil de son temps imparti (à l’instar des autres compos de l’album) il ne comporte ni longueurs ni redondance, malgré des plans et une construction qui ont tendance à se ressembler au fil de l’avancée de l’écoute.
Cependant ce léger défaut n’est pas un souci tant on est happé par ce trou noir (dont la pochette est l’écho parfait) qui fait passer l’auditeur par tous les sentiments et états psychologiques, tant il croit pouvoir réchapper à l’attraction de cet objet céleste encore méconnu, avant de s’apercevoir qu’il n’a aucune chance d’en sortir. Confirmant le fait que la violence et la peur ne passent pas seulement par un tabassage en règle le quintet de Reykjavík s’applique avec maîtrise et sérieux sur son sujet comme sur sa musique, même si ça peut manquer parfois de folie, surtout par rapport aux œuvres de très haut niveau qui ont été sorties récemment par leurs compatriotes respectifs. Malgré un bilan légèrement en deçà d’un AUÐN ou DRAUGSOL cela reste d’une qualité assez impressionnante, et surtout qui montre un vrai bond en avant collectif franchi par ses membres qui offriront certainement bientôt sous leurs autres bannières respectives du très gros et bon son, qui maintiendra l’île viking au firmament du Metal noir pour encore quelques temps.
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