Haunt - Grimoires Of Undead Power
Chronique
Haunt Grimoires Of Undead Power
Dans le sillage de ces groupes de Black Metal ultra confidentiels qui se plaisent à presser leurs disques dans des quantités particulièrement limitées (Obskuritatem, Lampir, Orgy Of Carrion, Candelabrum, Trono Além Morte...), on trouve le one-man band américain Haunt. Originaire de Salem dans l’Oregon et en activité depuis 2016, la formation menée par un certain Perthro compte à son actif deux démos et deux albums dont le dernier en date s’intitule Grimoires Of Undead Power. Disponible au format cassette via le label GreySun Records (L’Acéphale, Lluvia...), ce deuxième album a également bénéficié d’un pressage CD en autoproduction pour tous ceux qui comme moi n’ont que faire de ce format à bande.
Perfecto en cuir, cartouchière et pierre tombale dans les bras servent à planter le décor d’un disque qui, dès la pochette, semble avoir déjà tout dit ou presque. En tout cas, soyez sûr qu’il n’y pas tromperie sur la marchandise puisque Haunt s’adonne sans grande surprise à la pratique d’un Black Metal cradingue, tout en saturation, en grain et en larsens. Caractéristique d’une scène en quête d’authenticité, cultivant un certain mystère en dévoilant le moins d’informations possibles et désireuse de renouer avec les racines d’un genre fondé en opposition à certains standards de conformité (no fun, no core, no mosh, no trends), la musique de Haunt ne se laisse pas aborder facilement. Pour commencer, il vous faudra être à l’aise avec cette impression persistante que l’on vous a collé dans les oreilles une malheureuse démo enregistrée il y a plus de vingt-cinq ans sur un lecteur cassette Fischer Price acheté dans une brocante plusieurs années auparavant. Je grossi évidemment un petit peu le trait mais tout dans le son n’est qu’excès et inconfort. Souffle et grésillements persistants vous accompagneront ainsi pendant une petite demi heure particulièrement éreintante (mention spéciale à "To Walk The Left Hand Path" qui devrait casser la tête et les oreilles à plus d’un dur à cuir malgré son rythme lancinant et ses spoken words). Une situation bancale pour l’auditeur mais très claire pour le groupe américain qui n’entend pas plaire à tout le monde, bien au contraire.
Musicalement, les influences de Haunt semblent relativement évidentes. En ce qui me concerne j’entends beaucoup de Darkthrone (le riffing rachitique et hyper abrasif, l’esprit Punk évident, la production complètement pétée, l’usage de breaks hyper accrocheurs comme celui de "Where Your Grave Used To Be" ou de blasts effrénés) mais également pas mal de Burzum comme sur le début de "Where Your Grave Used To Be" avec notamment ce riff lointain et répétitif ou bien encore sur "The Silence Of Death" qui n’est pas sans rappeler un titre tel que "Dunkelheit" avec ce clavier légèrement en retrait qui bulle pépère en arrière plan alors que Perthro déroule ad nauseam le même pattern sombre et entêtant pendant près de cinq minutes. Si on repassera évidemment pour ce qui est de l’originalité, il est tout de même juste de constater que le monsieur sait y faire lorsqu’il s’agit d’aligner du riffs efficaces et accrocheurs. Ainsi "Where Your Grave Used To Be", "Grimoires Of Undead Power" et "Incarnate" sont sûrement les trois titres les plus redoutables de l’album. Menés le couteau entre les dents, ces quelques morceaux font office de véritable doigt d’honneur à tous cette bien-pensance qui semble parfois vouloir gangréner cette scène (même s’il y aurait tout de même bien à redire sur la subversivité ou l’exclusivité dont se jouent certains groupes). Un retour aux fondamentaux qui à l’image de cette fameuse production passe par une formule très simple. Ce sont ces bas instincts, cette nature complètement dépouillée et primitive et cette animalité sauvage qui séduisent bien évidemment chez Haunt. Ces riffs sournois et tranchants qui vous donnent envie de vous dévisser la tête, ces breaks aussi bêtes que méchants, cette voix arrachée et malsaine, cette répétition maladive ("Among The Dead") ainsi que ces changements d’atmosphères qui interviennent lorsque Perthro opte pour des choses moins directes et plus pernicieuses. C’est le cas sur des titres tels que "Among The Dead" et "The Silence Of Death » mais aussi sur ces vrais/faux morceaux que sont "To Walk The Left Hand Path" (un titre faisant quelque peu office d’interlude particulièrement lugubre) et "Necrommunicating The Mausoleum" en guise de conclusion hallucinée.
Si le premier album de (the real) Haunt était déjà très convaincant dans un genre qui n’offre que bien peu de latitudes pour surprendre, Grimoires Of Undead Power se révèle un poil supérieur grâce à des compositions encore un peu plus efficaces et - ça va en faire marrer certains - une production plus aboutie. Bah ouais, jouer la déglingue tout le monde peut le faire les doigts dans le nez mais jouer la déglingue et réussir à en ressortir quelque chose de froid, d’implacable et de terrifiant, ça c’est une autre histoire. A ce petit jeu-là, Perthro montre qu’il en est parfaitement capable, au même titre qu’un Black Cilice, qu’un Candelabrum, qu’un Obskuritatem ou qu’un Orgy Of Carrion. L’art noir dans toute sa splendeur.
| AxGxB 14 Décembre 2018 - 1097 lectures |
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