Jean-Clint :
Avec désormais une réputation établie le trio allemand n’est plus le jeune espoir prometteur auquel on pardonnait une certaine facilité au niveau de son écriture et interprétation, en effet l’heure est à présent venue pour lui de frapper un grand coup s’il veut s’imposer définitivement au sein d’une scène Death allemande très concurrentielle et qui ne laisse que peu d’espace disponible. S’il veut confirmer sa place parmi les leaders de la nouvelle génération d’outre-Rhin il lui faut donc franchir un cap et surtout faire oublier le décevant
« Dead Shores Rising » qui ne tenait pas la distance face à ses deux très bons prédécesseurs. Car ce dernier donnait la désagréable sensation d’avoir été composé lors de l’entrée en studio et enregistré dans la foulée, tout en montrant également des limites jamais vues jusqu’à présent qui donnaient ainsi l’impression que le groupe n’avait déjà plus grand-chose à dire. Ceci laissant donc penser qu’il peinait déjà à renouveler sa formule simple et efficace, mais où la mélodie avait sans doute pris un peu trop d’importance comparé à un passé proche. Du coup deux ans à peine après ce relatif coup d’arrêt ce quatrième album semble d’ores et déjà décisif, et autant dire que les mecs n’ont pas le droit de se planter encore une fois au risque de lasser leur auditoire et de le perdre sans doute définitivement.
C’est donc avec une certaine appréhension que l’écoute démarre et pourtant après une courte introduction force est de reconnaître que la surprise est là, car « All Will Fall » nous renvoie directement vers l’excellent premier (et meilleur) opus « My Empire ». Osant commencer par un titre particulièrement lourd le combo n’a pas peur de dérouter son public vu qu’on n’y trouve aucune vitesse ni accélération, cependant on se laisse prendre au jeu tant le riffing retrouve des couleurs et l’envie de headbanguer présente d’entrée (et qui va souvent revenir tout au long des quarante-huit minutes). Conservant sa relative accessibilité le Death Metal des teutons s’est néanmoins alourdi et a gommé une partie de certains abus mélodiques entendus par le passé, car ce morceau très classique sur la forme se fait très entraînant et passe facilement sans ennui notable. Ce schéma de privilégier le tempo massif à l’explosivité va être d’ailleurs l’atout principal de cette galette (et apparaîtra tout du long de celle-ci), comme avec le très bon « The Final Chapter » où l’accroche reste présente du début à la fin, donnant là-encore envie de remuer la nuque et taper du pied. Mais dans cette première moitié les gars proposent quand même de l’alternance histoire que ça ne s’essouffle pas de suite, et cela est un vrai bon point qui ressort sur le puissant « An Everlasting Dawn » où mid-tempo et rapidité sont à l’honneur, avec en prime un côté remuant très agréable qui apparaît aussi sur le redoutable « Reflect The Storm ». Au contraire de ce qui a été entendu jusque-là le tempo global s’est lâché et l’on réentend les passages rapides typiques du groupe, mais avec ce soupçon d’agressivité que ses créateurs avaient un peu perdu ces dernières années. Certes les harmonies n’ont pas totalement disparu, elles sont simplement mieux diluées dans les riffs ce qui permet de gagner en force de frappe, tout en sonnant moins synthétique grâce à une production moins surfaite que précédemment.
Après un court et inutile interlude place à la seconde partie et à « Welcome To Reality » qui sert de rampe de lancement à celle-ci, mais malgré des accents épiques bien foutus au milieu d’une construction basique l’ensemble montre quelques signes d’essoufflement à cause d’idées répétées un peu trop en boucle. Mais alors qu’on aurait pu croire qu’elle allait tomber dans les mêmes travers que la précédente, cette nouvelle livraison redresse vite la barre avec d’abord « Stench Of Misery » qui joue le grand écart entre lenteur et explosivité, le tout avec une construction très habile et fort appréciable. Bien que levant le pied la doublette « A Breathing Soul » et « Sins From The Past » reste très calibrée mais agréable et ne faiblit pas en intensité, même si quelques petits coups de fouets n’auraient pas été de refus, afin de retrouver une écoute qui a tendance à être moins attentive. Ce sentiment est malheureusement récurrent vu que ses créateurs ont l’habitude de blinder un peu trop chacun de leurs disques, qui y gagneraient en étant allégés de quelques moments quelconques et interchangeables, comme avec « Die In Vain » qui tourne en rond et surtout avec « Tear Of My Throne » qui n’est pas mauvais mais met beaucoup trop de temps à démarrer.
Sans retrouver la fougue et l’attrait de leurs débuts les allemands relèvent quand même la tête avec un disque supérieur à celui d’avant, via une meilleure homogénéité et des leads plus discrets qu’auparavant. Si l’ensemble ronronne quelques fois et manque de parties énervées jouées tambour battant il faut quand même saluer ce retour à une certaine sobriété qui montre ainsi que DESERTED FEAR n’est pas fini, contrairement à ce qu’on pouvait croire à un moment donné. S’il est certain que son nouveau bébé ne figurera pas dans les bilans de fin d’année il a quand même suffisamment d’arguments à faire valoir pour qu’on s’y penche dessus (surtout quand c’est joué avec passion et humilité, une constante appréciable), même ça n’est pas encore cette fois qu’il franchira un échelon supplémentaire dans la hiérarchie de son pays, comme à l’international.
MoM :
Avec l'avalanche de sorties que permet Internet par sa diffusion de masse, difficile de faire parler de soi ou de se faire une place quand on propose du Metal. Aucun genre n'est épargné : la concurrence est rude, voire impitoyable. Non seulement les groupes doivent jouer des coudes entre les sorties actuelles, mais également entre les piliers massifs des groupes légendaires.
C'est « à l'ancienne » que je découvre DESERTED FEAR : j'en écoute un ou deux morceaux sur Internet, juste ce qu'il faut pour que le nom ne me soit pas inconnu. En 2018, je tombe en magasin sur la réédition de leur
My Empire : attiré et intrigué par la cover au design réussi, je découvre ainsi un disque de Death Metal bien old-school, aux fortes influences
ASPHYX et
GRAVE, deux groupes qui ont marqué ma découverte du Death lorsque j'avais 21 ans. Le premier m'a happé par son
Last One on Earth qui propose parfois des phases dignes de Death ou de Pestilence mais en plus abrasif, comme si Schuldiner avait eu envie de faire un son plus saturé et vicieux. Le second, lui, s'est fait doucement une place avec un
You'll Never See bien suédois, grâce à ce « chainsaw riff » qui rend le tout bien gras et sournois.
C'est donc après une bonne dizaine d'écoutes sur une poignée de mois que DESERTED FEAR se font une place, car
My Empire possède une vraie diversité et un sens de la composition qui font honneur au Death Metal lourd, motivant tout en étant violent. C'est donc tout en confiance que j'achète leur dernier méfait,
Drowned by Humanity, sans savoir qu'ils préparaient un disque et sans rien avoir entendu d'autre que ce très sympathique premier album.
La première pensée qui m'est venue : ça n'a pas été la rencontre attendue, et c'est peu de le dire.
J'ai eu beaucoup de mal à passer les premiers morceaux : exit le Death old-school avec son grain et ses morceaux de chair mortes palpables, bonjour le traitement Heavy du son, globalement clair et espacé. Dès le départ, j'ai cru que les allemands avaient répondu aux sirènes des sorties récentes. À savoir qu'on fait du Heavy dopé par quelques phases de guitares légèrement agressives, un chant growl et voilà. Mais ceci n'est pas du Death. Si je prends « All Will Fall », ça sonne mélodique par son intro certes efficace, mais absolument pas agressive. Le morceau fait preuve de variété, et propose des instants mélancoliques à partir de 2:35, qui conduisent judicieusement à un solo tout en mesure. Les articulations sont fluides mais, voilà, on n'a pas de Death Metal.
Jusqu'au septième morceau « Welcome to Reality » (il y a deux titres qui servent juste à poser l'ambiance, Intro et Across the Open Sea), la première moitié est franchement peu engageante si on s'attendait à du Death qui met bien. Parce qu'on a, pour ainsi dire, que cette sorte de Heavy légèrement pêchue qui semble peu inspirée. « The Final Chapter » pose une mélodie et une rythmique qui s'embourbent dans des poncifs. « Welcome to Reality » pourrait lasser de la même façon, sauf qu'elle comprend quelques ruptures bien senties qui donnent un soupçon de relief. Mais le pire, et qui a failli me faire lâche l'album, sont les deux morceaux « An Everlasting Dawn » et « Reflect the Storm » : non, vraiment, faire deux fois la même introduction ? Je trouve ça soit osé, soit personne ne s'en est rendu compte, mais c'est tellement gros ! Ce rythme de batterie est strictement le même, et c'est d'autant plus énervant et crispant qu'on dirait juste que le gars martèle sa caisse claire comme s'il n'y avait pas de lendemain. On a donc ce « pattern », rappelant les moments pénibles du dernier NERVOSA, qui sert de base à deux mélodies extrêmement similaires... Je ne comprends simplement pas ce « copier / coller », parce que, là, on peut clairement dire « Ah ben la première moitié, elle est pas inspirée, ça manque de créativité », quand tu utilises la même recette deux fois.
Mais je ne pouvais pas rester sur ce premier avis, d'autant que, bon, « An Everlasting Dawn », la première proposée avant d'être en mode bis repetita sur « Reflect the Storm », a quelque chose d'entraînant et de bien exécuté, avec des mélodies qui tiennent à l'oreille. Alors je laisse décanter, je poursuis deux jours après et, là, révélation. Enfin je comprends le propos et le projet de Deserted Fear.
Se lance « Stench of Misery », et tout devient limpide : ici, ils embrassent totalement leur inspiration principale, qu'on pouvait entendre auparavant en filigrane, à savoir les anglais de
BOLT THROWER.
C'est avec ce huitième morceau que l'album se lance vraiment, et propose une deuxième moitié bien plus compacte et poignante, qui pèse de touta se masse sur nos oreilles jusqu'alors légèrement chatouillées par ce Heavy bien mélo. Ici, on a ce qui, pour moi, fait le sel de Bolt Thrower : rythmique mesurée mais qui crée directement une ambiance pesante et implacable par la solidité de son appui, un growl lui aussi appuyé, qui marque bien les temps et chaque note chantée, pour montrer que la Mort est dans ton quotidien, dans chaque seconde que tu ressens, douloureuse dans leur fuite inéluctable. Les guitares participent beaucoup à l'élaboration de cette fuite éperdue, avec un duo qui permet d'avoir une rythmique accablante sur nos épaules, et une lead qui déchire l'âme dans un effort en vain, le tout pour un résultat destructeur.
C'est sous cet élan que « Stench of Misery » déclenche un morceau émouvant, et permet au mieux un mélange de plusieurs styles de Death Metal – là où, jusqu'alors, on avait surtout du Heavy. Je retiendrai surtout « Scars of Wisdom », par ses premiers instants suffocants, ainsi que les développements de « Sins from the Past » (ce départ est tellement Bolt Thrower-esque!) et « A Breathing Soul », tous deux avec une réelle charge qui presse le corps de se dépêcher pour assurer sa survie.
Il y a eu fort à faire pour que ce disque dévoile toutes ses cartouches, car il hésite à tirer à vue ! Sur sa première moitié, tout juste il fait deux-trois ajustements pour voir si ça peut atteindre son but. Une fois qu'il est prêt, le groupe propose ainsi une relecture de Bolt Thrower par une production plus accès sur le côté dramatique, avec un son espacé qui fait la part belle aux grands espaces contemplatifs. Mais ces choix ne plairont pas à tout le monde car, non seulement, si on aime Bolt Thrower on peut se dire que, ma foi, autant aller à la source si c'est pour écouter un groupe inspiré d'eux et, aussi, ce traitement par les allemands ne correspondra pas forcément à ce que les gens aiment dans la musique de Bolt Thrower.
C'est un disque qui risque de partager pour cet aspect, mais également pour sa première moitié qui peine à convaincre. Heureusement que la deuxième partie, quant à elle, fait montre d'une richesse et d'une qualité de production et de composition ! Deserted Fear signe ainsi une œuvre sympathique, qui oscille entre le moyen au départ et les moments de bravoure très bien sentis. Inégale, certes, mais aux montées qui font vraiment du bien.
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