Aussi surprenant que cela puisse paraître, certains des premiers albums de Cannibal Corpse n’ont encore jamais été chroniqués sur Thrashocore. Høsty s’était bien fixé pour mission d’y remédier mais en choisissant de quitter le navire il y a un peu plus d’un an, celui-ci n’a malheureusement jamais pu mener à terme son projet (même si on lui doit tout de même la chronique de
Butchered At Birth). Alors on a beau être le meilleur webzine du monde, il faut parfois savoir reconnaître ses lacunes et surtout tenter d’y remédier. Pour cela il fallait que quelqu’un se dévoue (ou plutôt se jette tel un vautour sur la liste de réservations d’Høsty) et tente ainsi de combler cette absence impardonnable.
S’il n’est pas utile de présenter aujourd’hui Cannibal Corpse (probablement la plus grosse machine en place dans le circuit), une petite remise dans le contexte de l’époque s’impose néanmoins. Formé en 1988 à Buffalo dans l’état de New-York, le groupe sort en 1989 sa toute première démo. Limitée à seulement 200 exemplaires, celle-ci sera adressée à Metal Blade Records par le manager du magasin de disques dans lequel travaille le jeune Chris Barnes. Conscient du potentiel de ces cinq garçons plein d’avenir, Brian Slagel décide alors de signer Cannibal Corpse et de les envoyer le plus rapidement possible en studio. Tampa étant déjà à l’époque l’épicentre nord-américain de ce phénomène qu’est le Death Metal, Chris Barnes et sa bande décident de se rendre aux Morrisound Studios pour coucher sur bande les onze titres (dont ceux de leur première démo) de ce monument qu’est
Eaten Back To Life. Afin d’illustrer les paroles particulièrement imagées de Chris Barnes, le groupe va faire appel aux services de l’illustrateur de comics Vincent Locke (Dead World, A History Of Violence...). Une collaboration particulièrement fructueuse pour les deux parties puisque celle-ci dure maintenant depuis près de trente ans (et cela en dépit de nombreux cas de censures recensés à travers le monde entier). Car il ne faut pas se leurrer, même si ces artworks ont effectivement pu choquer quelques culs bénis tout au long de ces trois décennies et permis à quelques censeurs d’expliquer que ce genre de groupes étaient la cause du mal qui frappe une certaine partie de la jeunesse, il est certain qu’ils ont aussi largement contribué au succès de Cannibal Corpse auprès de toutes ces générations d’adolescents en quête de sensations fortes et d’interdits à transgresser. Une identité évidemment très forte (que l’on doit en grande partie à Chris Barnes), portée dès le départ sur des concepts hyper violents et particulièrement gore (femmes démembrées, violées et agressées, corps mutilés, bébés charcutés, éjaculations de sang, têtes écrasées à coup de marteau...).
Encore très inspiré par la scène Thrash des années 80, le plus floridien des groupes de Buffalo (qui ne déménagera en Floride que quelques années plus tard) va livrer avec
Eaten Back To Life un album évidemment moins technique et moins dense que ces nombreux successeurs mais déjà particulièrement bien en place pour l’époque. Alors certes, la production signée Scott Burns n’est pas encore aussi lourde et étouffante qu’elle le deviendra plus tard (dès l’album suivant en fait), certes le chant de Chris Barnes est davantage écorché que growlé, certes il ne nous dispense pas encore de ces fameux cris de hyènes infernales dont il fera sa signature vocale quelques années plus tard (à partir de
The Bleeding puis avec Six Feet Under ensuite) et certes les réminiscences Thrash sont ici plus évidentes que jamais mais pourtant le groupe impressionne déjà par la virulence de son propos.
Bien décidé à faire partie de ceux qui mènent la danse et à ne pas être un second couteau dont personne ne parlera, Cannibal Corpse s’impose en l’espace de trente-cinq minutes comme un groupe absolument redoutable dont l’un des principaux atouts est assurément cette cadence soutenue avec laquelle il mène inlassablement ses assauts. Tout va très vite sur ce
Eaten Back To Life. De ces riffs dont on devine déjà l’importance rythmique balancés à toute berzingue par un Jack Owen et un Bob Rusay que rien n’arrête, à cette basse bien frétillante d’Alex Webster (toujours un véritable délice à entendre) en passant par Chris Barnes et son débit mitraillette des plus impressionnants, il y a de quoi perdre haleine. Alors oui c’est vrai, comme le soulignait déjà Høsty, le jeu de Paul Mazurkiewicz est à l’époque aussi rudimentaire que linéaire mais je trouve que ces blasts dispensés d’une manière quasi-continue viennent parfaitement souligner l’effervescence de cette époque intense où chaque groupe cherchait à jouer le plus vite possible, à être plus agressif et brutal que le voisin d’à côté... Une époque où tout restait encore à défricher et à expérimenter... Et si au regarde du reste de sa discographie, ce côté juvénile, un brin répétitif et le cul entre deux chaises (entre Thrash et Death Metal) peut être considéré par certains comme un défaut, aussi léger soit-il, il atteste pour moi de cette envie de jouer une musique ultra violente (dans le contexte de l’époque) et de se démarquer d’une scène Thrash alors sur le déclin. En tout cas, ce n’est clairement pas un point de dissension.
Ainsi, hormis un "Shredded Humans" et un "Buried In The Backyard" affichant tous les deux plus de cinq minutes au compteur, le reste de l’album est mené à un véritable train d’enfer. D’ailleurs c’est l’un des seuls albums de Cannibal Corpse sur lequel on trouve des morceaux placés sous la barre des deux minutes (il y en a également sur
Vile et
Gallery Of Suicide). Pas l’temps de niaiser donc pour Chris Barnes et sa bande qui enchaînent les punitions auditives sans jamais se soucier du pauvre auditeur recevant alors mandale sur mandale. Mené le plus clair du temps à cent à l’heure, le groupe ralenti néanmoins le tempo de temps à autres pour des séquences au groove absolument irrésistible, que ce soit à travers des attaques thrashisantes servit par de délicieuses séances de tchouka-tchouka ultra efficaces ou lors de breaks à se fracasser la tête contre les murs. Enfin, venus rompre avec le chant un brin monotone de Chris Barnes, on trouve aussi sur les titres "Mangled" et "A Skull Full Of Maggots" messieurs Glenn Benton (Deicide) et Francis Howard (Incubus) venus participer à leurs manières à l’effort de guerre.
Si
Eaten Back To Life montre évidemment quelques signes de faiblesses en comparaison d’albums plus aboutis tels que
Tomb Of The Mutilated,
The Bleeding ou bien encore
Bloodthirst, on ne doit pas oublier qu’il a été composé par un groupe encore très jeune, dans une certaine urgence et sans aucune véritable expérience studio. Et pour le coup, une fois remis dans ce contexte, il convient de mesurer quand même le talent de ces jeunes garçons évoluant dans un genre en pleine expansion. Bref,
Eaten Back To Life n’est probablement pas mon album préféré de Cannibal Corpse mais il est celui avec lequel le groupe s’est fait un nom grâce à ce goût prononcé pour le gore et l’horreur, pour cette imagerie des plus explicites et cette musique d’une rare intensité. Le groupe fera effectivement mieux quelques années plus tard mais pour un début, on pouvait quand même difficilement faire mieux à l’époque.
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