On commence à se connaître : je partage une anecdote, histoire qu’on sache bien dans quelles conditions j’envisage un album et sa chronique. Vous comprenez que j’apprécie les riffs qui ont une direction, un rythme qui emporte et les musiciens qui savent faire preuve de créativité. Je pense ne pas être exigent outre-mesure : je veux bien avoir des variations de ce que je connais tant qu’il y a un soupçon d’inventivité. Je ne suis pas en quête d’originalité, juste de sincérité. Je suis rarement injuste ou malpoli, je fais toujours attention à faire la part des choses et je pèse bien le pour et le contre pour fixer une note qui sera la plus proche d’un sentiment objectif.
Seulement je me retrouve ici avec un disque qui me pose problème et qui a été réalisé par un groupe qui divise la communauté Metal.
Le fameux « Creatures Watching Over The Dead » du superband Charred Walls Of The Damned.
Pour me défaire de cet embarras, je vais d’abord expliquer pourquoi ce groupe divise.
Charred Walls Of The Damned, c’est avant tout la réunion de colosses du Metal. Tim « Ripper » Owens au chant, Richard Christy à la batterie et Steve DiGiorgio à la basse. Merde ! On a une voix forte et puissante – qui fatigue certaines personnes par son côté too much – auprès du duo le plus grisant du Metal pour moi. Christy et DiGiorgio, c’est simplement « The Sound of Perseverance » de Death et « The Fragile Art of Existence » de Control Denied, mes deux albums à la 1ère place ex aequo de mon top tous genres confondus.
Alors, forcément, quand je suis tombé sur leur premier album, j’étais fou furieux ! Je retrouvais une sonorité qui m’évoquait la fin de Death, je pensais enfin avoir trouvé un groupe qui me ferait vibrer au max et que je pourrais suivre les yeux fermés.
Dans la foulée, j’ai dévoré
« Cold Winds on Timeless Days ». Je n’avais pas tout compris : je trouvais que ça se répétait un poil.
Etait-ce du à une forme d’overdose ? Trop d’un coup à cause d’une trop forte effervescence ? Ou bien avais-je été refroidi par la tôlée de critiques négatives, déplorant une forme de conformisme dans laquelle stagnait le groupe ?
J’ai pu lire ainsi que les gars savent ce qu’ils font, savent qu’ils sont bons et se contentent ainsi de jouer fort, vite et puissant en oubliant l’émotion. Techniquement impeccable sous une production exemplaire, mais sans le sel des roots, sans le feu qui vient du plus profond des tripes.
On peut difficilement leur donner tort : le groupe reste un superband, et souvent ça joue pour jouer, vu qu’ils n’ont rien à prouver. Leur second album souffre hélas d’avoir été le second. En premier, on aurait apprécié l’ambiance froide et mélancolique avec des morceaux Power – Thrash de bonne facture. Cependant, ce n’était pas un premier jet, ils auraient dû aller plus loin.
On a donc un groupe qui souffre d’être composé de maîtres – et le guitariste Jason Suecof tient bien la route et propose des solos vraiment pertinents. Mais, surtout, on a un groupe qui a mis cinq ans à faire son album. Album dont la communication s’est faite sur la dernière année, d’un coup d’un seul, créant une hype directe. On retrouvait les grands, ils se réunissaient pour un disque alors qu’on n’y croyait pas. Gardons à l’esprit que, courant 2016, nous avons appris que l’ultime album de Control Denied, « When Man and Machine Collide », qui était soi-disant complété à 80 %, a officiellement été laissé à l’abandon par la famille et le producteur de Chuck Schuldiner.
Les espoirs ont été démesurés envers ce disque, d’autant qu’on a eu droit à « The Soulless » en août en guise de première approche.
Eh bien, forcément, ça n’a pas loupé ! Une telle démo m’a direct mis dans l’ambiance : on a la batterie implacable sous un rythme tonitruant, portée par une basse qu’on entend bien et un riff agressif sans être invasif. Avec cet équilibre, j’ai senti qu’on était dans du grand Power Thrash comme je l’aime, à savoir explosif puis mélodique. On saupoudre le tout avec cette voix qui suit dans cette direction. C’est du tout bon, malgré un refrain un peu Pop et convenu mais qui reste efficace. Je souligne surtout la progression qui fait honneur à la qualité de chaque musicien et un solo qui frappe juste. J’étais saucé, quoi !
Puis, l’album est paru. Et ça a été la douche froide.
Hormis « My Eyes » qui est plutôt sympatoche et remet bien dans l’oreille ce que le groupe peut proposer dans leur style, le reste est tellement décevant !
Alors ce que je vais dire va paraître sévère, surtout si vous découvrez Charred Walls Of The Damned avec cette production. Mais pour un troisième album d’un tel groupe et, surtout, pour un album de 2016 après une décennie de soupasse Power Metal et tentatives Power-Thrash peu inspirées, j’estime qu’on est très loin d’avoir sa dose.
Puisque le terrain a été balisé, les errances ou manques de créativité font toute de suite tâche. À partir d’Afterlife, l’album perd tout ce qu’il a pu enclencher. Exit les progressions épiques, on va rester sur une structure qui sera répétée jusqu’à l’ennui. Intro passe-partout, rupture au pif, couplet qui galère à créer de l’enjeu, pont du guitariste par un solo qui nous fait croire à une montée, à un nouvel espoir, et direct refrain poussif beaucoup trop mélo alors qu’on n’était pas dedans.
Autant, sur « Afterlife » (le morceau qui m’a fait lâcher l’affaire une première fois tant je trouvais que ça ressemblait à tout genre Firewind, Iced Earth, Nevermore ou Beyond Fear), on peut pardonner cette facilité parce que ce n’est qu’un seul morceau qui est en-dessous à ce moment de l’écoute. Malheureusement, plus on avance, plus la lassitude prend le dessus. Rarement un disque m’avait autant fatigué et, même après plusieurs mois et la hype redescendue, je n’arrive pas à trouver une once de créativité là-dedans.
Oui, la production est top. Oui, ça reste superbement exécuté. Mais il n’y a même plus de personnalité et encore moins d’inventivité. Bon sang t’as DiGiorgio et la basse ne se résume qu’à quelques présences discrètes, notamment sur le dernier morceau ? T’as Ripper pour seulement un cri propre à lui comme sur « Reach Me Into Light » avant le refrain ou son growl qui monte vers les aigus dans « Tear Me Down » ? Au moins l’ensemble change de rythme, on n’est pas sur du monolithique, il y a de la diversité. Mais une diversité qui se noie dans les standards Power mélodique de toute une époque passée. Qui a écouté Conception, Ark, Beyond Fear, Liege Lord, Metal Church ou Sanctuary ne trouvera rien de neuf, voire sentira de la répétition.
Le pire pour moi est atteint lorsque des morceaux terminent de manière bâclée. « Lies » et « Reach Me Into Light » semblent s’arrêter là où ils devraient commencer. Montée amorcée puis rupture. Parce que les ruptures tombent souvent à plat dans l’ensemble, ça reste cohérent… Sauf que ce sentiment de « pourquoi ça se termine là ? » est provoqué lorsque j’écoute des géants du genre ; ça ne devrait pas arriver.
Maintenant que je me suis dépêtré de tout ça, que pouvons-nous dire ?
Charred Walls of the Damned souffre effectivement de son line-up qui nous a habitué à des sommets musicaux. Il doit aussi transiger avec deux précédents albums qui ont posé un style mais qui nous faisaient à chaque fois espérer une recherche supplémentaire pour pleinement exploiter ce savoir-faire qu’ils ont acquis en jouant dans des formations Heavy, Power, Thrash, Death ou Prog. Les mecs ont un tel bagage, forcément l’auditeur sera exigent.
Toutefois, quand bien même on met ça de côté et qu’on se dit « si ç’avait été d’autres personnes, qu’est-ce que j’en dirais ? », le constat reste le même : on est dans de la compilation. Puisqu’ils ont joué dans plusieurs groupes, on sent qu’ils réunissent tout ça sur cet album. Ça sonne convenu, ça ressemble à un tas d’autres productions et tout semble traîner en longueur. J’ai eu à chaque écoute la désagréable sensation que chacun cherchait à trouver sa place dans le groupe, à s’aligner tout en imposant sa marque, sans jamais réellement se faire entendre.
N’oublions pas que nous sommes en 2016 et que nous avons Internet : nos goûts s’affinent et s’affirment à mesure que nous découvrons encore plus de musiciens. Si un groupe utilise des ficelles d’écriture, elles ne deviennent plus des standards ni des lieux-communs, mais des clichés – forcément, elles auront été utilisées par des paquets d’autres groupes.
C’est exactement ça qui plombe ce qui aurait été grandiose au début des années 2000.
Donc si vous aimez Ripper, allez jeter une oreille à son album « Beyond Fear » du groupe du même nom. Plus efficace, moins passe-partout, avec un titre, « Scream Machine », qui dépote franchement.
Ici, on restera sous la moyenne, à cause de cette lassitude et cette déception malgré la production et le niveau technique. Pour la suite, j’émets d’énormes réserves. Attendons pour voir.
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