Résigné à écouter ce nouvel album d’Ataraxie avec déjà la conviction d’entendre une œuvre aboutie et maîtrisée, je gardais en tête le souvenir du cas de conscience
L’Être et la Nausée. C’est que j’avais quitté les Rouennais sur une complication, où l’extrémisme de la démarche me plaisait sans pour autant me mettre à genoux comme l’avait pu faire le génial
Anhédonie. Proche de l’écœurement cher à Funeralium, je ne retrouvais que partiellement ce désespoir marqué par une ambiance française de la fin du XIXème siècle et qui, pour moi, faisait tout le sel de la formation.
Résigné à accepter que cet Ataraxie-là n’existait plus, je contemplais cette nouvelle pochette, crue, à la limite du grotesque dans son déballage glauque, avec son bourreau et les copains du projet venus se faire trancher la tête pour la blague. Il y avait tout de même quelques signes de bon augure, à commencer par l’arrivée de membres de Sordide, Fatum Elisum, Mhönos, Void Paradigm ou encore Malemort au sein d’une formation qui a bien raison de valoriser sa consanguinité rouennaise quand elle dispose d’un bétail si noble. Vous trouverez les preuves de leurs talents sur le site : niveau mercato, autant dire que j’étais aussi enchanté d’avance que curieux.
Résigné ce coup-ci à mettre de côté mes fantasmes de redingotes, moustaches finement taillées, mes amours pour Huysmans, Bloy ou Jean Lorrain, j’ai donc lancé ce longue-durée d’une durée vraiment longue, quatre morceaux oscillant entre le gros quart d’heure et la petite demi, 83 minutes au total. Je l’ai mis en fond, plusieurs fois. J’y suis revenu, plusieurs fois, plus impliqué sans le vouloir, le soir, le matin. Surtout le matin. J’ai alors ressenti son abattoir, non pas comme un physique coup à la nuque, mais comme une image de mon moral au point du jour, levé à une heure non-choisie, cerné des yeux aux gens dans les transports, obligation, station debout, attente. Par des compositions cycliques, par des riffs death ayant la texture du temps qui passe, par une voix grommelée immuable, aussi porteuse d’un monde terne qu’invitant à s’écraser, exténué par l’angoisse, comme Oblomov, diSEMBOWELMENT en plein malaise existentiel, j’ai mis le doigt sur un ressenti propre, ici magnifié.
Résigné, je l’étais bel et bien. Mais j’avais désormais un compagnon de route pour mon sentiment de voie sans issue, mes marches vers un fatidique quotidien. J’avais cette musique ciselée, esthétique comme rarement derrière ses airs austères, « historiques », à la fois d’un point de vue Doom / Death que dans ces peintures d’une vie dans une ville aux couleurs et gens délavés, une vieille photographie du vieux Paris, une exécution publique sous une lumière jaunie, un coin de ruelle droit à l’extérieur avec des habitants tordus à l’intérieur.
Peu importe. Résigné, mais conquis, je trouvais dans tout cela une fluidité, une évidence, qui rendaient ces quatre morceaux aussi particuliers qu’indivisibles. Je coulais en eux, dans leurs retournements qui n’en sont pas, leurs passages abrupts d’un doom monolithique et asilaire à un death qui frôle l’autre monde, rythme changeant, ligne droite, les surprises n’en sont plus quand tout semble avancer vers la même sentence. Je comprenais mieux cette illustration concrète, tant on n’est plus dans le romantisme d’une poésie de l’ennui mais dans une attaque au cœur du désespoir, sorti au scalpel et présenté en place publique. Ce son limpide, ces guitares cruelles, cette batterie tambourinant un chemin sordide, cette voix qui cafarde notre condamnation… Souvenez-vous de la traduction du mot « Doom ». Ataraxie s’en approche plus que jamais ici.
Résigné, je garde ma préférence pour la petite porte de sortie qu’offre
Anhédonie, sa complaisance dans l’abattement, les délices qu’il en sort. Mais je retrouve ici un Ataraxie qui me donne envie de ployer pour lui, autant qu’il me fait ployer le corps et l’esprit.
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