J’ai beau ne pas être le plus forcené des amateurs d’Ataraxie, ne trouvant pleinement mon compte que sur son dernier album en date (
Anhédonie), impossible de ne pas reconnaître qu’il a connu/connait un succès impressionnant. Sa réussite à imposer son nom au sein de la sphère metal alors qu’il s’inscrit dans un style peu à la mode – du Doom/Death ne jouant ni dans le rétro en vogue, ni le mélodrame pour pleureuses nordiques – oblige à chercher des raisons autres que la qualité intrinsèque de ses créations pour comprendre comment ces Rouennais accrochés aux racines du doom anglais début 90 et premiers émois du doom/death sont devenus incontournables. L’une des plus importantes est sans doute cette exigence à repousser les limites,
Slow Transcending Agony et
Anhédonie marquant chacun un pas supplémentaire vers la synthèse parfaite entre death metal et doom à ambiance gothique. Ce recul pris, il n’est pas étonnant de voir
Project X remplir un rôle allant au-delà de la simple compilation fêtant dix années d’existence.
C’est qu’on a affaire à des obsédés de l’orfèvrerie ! Plutôt que de ressortir telle quelle des cartons sa démo datant de 2003, Ataraxie a choisi l’exercice particulier de la réinterprétation en réenregistrant
The Other Path d’une manière qui, elle, oublie la surprise en accentuant le côté doom de compositions autrefois balisées de tempi rapides, en accord avec la direction adoptée au fil de ses autres sorties. De quarante-cinq minutes, on passe à plus d’une heure d’enchainements entre parties renvoyant autant au My Dying Bride d’
As The Flower Withers qu’à DiSEMBOWELMENT et leads trempées de tristesse œcuménique (le titre-éponyme, « Unholy Prayer » ou la fin d’« Eternal Suffering » par exemple) insérées dans une production rehaussée, moins cyclopéenne que celle d’
Anhédonie bien que peu avare en lourdeur à l’image d’un « My Last Breath » au battement de cil écrasant un immeuble ou le chant du Marquis, centré sur le guttural.
Jusque-là, je ne me suis pas trop mouillé mais quid de cette réinterprétation ? Hé bien, je n’étais pas un fanatique de la démo et le resterai. Tout est plus appuyé sans pour autant contenir cette folie douloureuse dans l’alternance entre doom et death qui fait le sel des albums d’Ataraxie.
The Other Path, même modifié, reste un essai de jeunesse comme on aime les décrire : se cherchant et idolâtrant avec trop d’application le travail de ses prédécesseurs. Cependant, la force inusable de l’éponyme et « Alone In My Coffin », le bonus « From Agony To Eternity » (déjà présent sur
Live Doomination) complétant de ses arpèges faméliques les morceaux originels ainsi que l’intervention de prêtre éploré d’Ende (vocaliste de Fatum Elisum) sur « Unholy Prayer » méritent de s’arrêter sur ce remake.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, c’est le deuxième disque de
Project X qui se révèle être le véritable intérêt de cette compilation. Ce live de 2008 exécuté au festival « Les Festins Sonores » pouvant ressembler à un supplément au retour sur
The Other Path présente un Ataraxie brut mais sachant conserver son aura grisâtre sur scène. Calculée au millimètre près jusqu’à ce son granuleux prêt à te mettre le moral en l’air (le casque est recommandé pour profiter des guitares disposées de façon à renforcer l’impression d’entendre la formation jouer en face de soi), la passion proche de l’hystérie avec laquelle s’empile une tracklist n’occultant aucunes périodes permet de voir un versant diffèrent de la musique des Français, moins caverneux, toujours ciselé, plus spontané. A ce sujet, la reprise d'« Aphel, Die Schwarze Schlange » (Bethlehem) en devient supérieure à sa version studio ! J’en regretterais presque la présence du public (un brin éteint, mais ça se comprend…) et des quelques mots de remerciement présents entre les titres, tant cette performance donne envie de se sentir comme étant le seul à en profiter.
Un réenregistrement, un titre difficilement trouvable sur son support d’origine, un live exténuant et un inédit (« A Jamais », dont le final est à inscrire en haut de la liste des rappels d'Ataraxie à la fébrile puissance de Bethlehem) : il y a de quoi contenter la groupie sur
Project X. Seulement, celui souhaitant découvrir le groupe avec cette compilation risque d’être trompé sur la qualité de celui-ci, la démo
The Other Path n’étant pas ce qu’il a créé de mieux malgré cette intention de parfaire son écriture. Que cette envie de se surpasser jusque dans ses œuvres passées ne l’empêche pas de nous offrir rapidement le successeur d'
Anhédonie, qui commence à se faire attendre !
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