Ataraxie - Le Déclin
Chronique
Ataraxie Le Déclin
Ataraxie… si un groupe français me rappelle des souvenirs, c’est bien celui-là. Des souvenirs persos, d’autres partagés en d’autres temps avec un collègue de feu Vs webzine, dont il était le manager (du groupe) et des débats passionnés sur la question de savoir – avec le groupe lui-même ! – si leur musique tenait plus du funeral que du doom death. Des broutilles tant Ataraxie figure, pour ma part, tout en haut des groupes de doom, peu important la catégorie, peu important le pays visé.
J’ai adoré de suite Slow Transcending Agony, de la pochette à la musique, sans rien jeter, pas une note, pas un mot, pas une photo. Et si Anhédonie et Project X m’ont davantage laissé sur ma faim, L’être et la nausée comme Résignés m’ont réconcilié avec le combo rouennais. Qu’en sera-t-il de ce nouvel album ?
D’emblée, on sait que l’on est sur un temps classique. 1 heure 21 au compteur, 4 titres, 20 minutes de moyenne. La pochette, immense bloc de glace, iceberg menaçant aux couleurs grisâtres, figure d’entrée une forme de monolithisme que l’on va retrouver en grande partie comme fil rouge de l’album. Mais pas uniquement. La mélodie, la mélancolie et une forme de désespoir rampant seront aussi de la partie.
Le déclin, qui ouvre l’album, démarre ainsi sur des accords légers mais tristes, mélancoliques et quasi pluvieux, comme si l’on regardait tomber le déluge par-delà la fenêtre. Le chant parlé ajoute une dimension austère et fanée à l’ensemble. Comme sur Résignés, on retrouve dans les structures cette impression de marche sombre en avant, vers un destin inconnu, cette esthétique désabusée, qui se traduit parfois par des atmosphères plombées venant littéralement couper les titres (au bout de 5’ sur le déclin par exemple), le chant guttural appuyant la profondeur du son. Les structures sont certes telles des monolithes, d’immenses blocs de granit qui dégagent une puissance réelle mais, dans le même temps, elles rampent, progressent de manière fluide et révèlent une forme de mélodie teintée de nostalgie que le chant guttural, de nouveau, sublime. La figure de l’iceberg qui dérive très lentement au gré des courants, agitant sa masse sombre, est presque palpable. La puissance aussi, qui tient toute entière dans ce son ultra profond, mais aussi ouaté et gorgé d’écho. La patte du combo rouennais est identifiable entre mille.
Parfois, le principe est renversé. Sur Vomisseurs de Vide et sur Glory of Ignominy, le départ est puissant, lourd et presque brutal. Le choc frontal est assumé, d’emblée. Mais rapidement le propos s’adoucit, se réoriente vers des chemins de nouveau très mélodiques, grâce à des riffs subtils fondus dans la masse, qui font évoluer la structure au gré des growls abyssaux qui parsèment le morceau. De nouveau, l’espoir se terre ; la lumière s’efface presque complétement quand elle occupait pourtant quelques temps du premier titre, Le Déclin. Il n’est plus question d’avancer vers l’inconnu mais de tenter de sortir d’une torpeur totalement immersive. Sur Vomisseurs de Vide, le premier pont, un peu avant les 4’, ultra mélodique, cristallin, offre une respiration bien vite balayée par la voix parlée habitée, déprimante de mélancolie. A peine 2 minutes plus tard, ce sont des accélérations extrêmes qui balaient tout sur leur passage et qui viennent redistribuer les cartes, modifiant la direction initialement prise par le morceau (de nouveau, très brutales, vers 13’35). Il faudra attendre la 8’ pour que le tempo s’alourdisse de nouveau et regagne son lit naturel. Les variations sont ainsi nombreuses (comme certains arrangements, notamment sur les voix en fond, vers 11’30 ou vers les 5’ sur Glory of Ignominy), qui donnent parfois le sentiment d’entendre plusieurs titres en un, mais sans perdre en cohérence. Glory of Ignominy propose une structure identique, où le growl abyssal happe d’emblée l’auditeur au fond des océans glacés, comme pourraient le faire le Ahab des débuts ou un Disembowelment. Plus saccadés, les divers ponts qui entrecoupent le morceau demeurent plus brutaux, plus typiquement death et moins axés sur la mélancolie. Ils n’en restent pas qu’ils développent également, à leur façon, des mélodies subtiles qui s’incrustent dans la structure, en arrière-plan, et qui dessinent discrètement quelques belles arabesques (dès la 8’ ; dès la 11’, la voix dresse une manifestation du désespoir très convaincante, sur fond de mélodies porteuses de tristesse).
Riches, parfois trop, en informations, les morceaux réclament une attention spécifique pour en saisir tous les aspects, surtout Vomisseurs de Vide et ses 22 minutes bourrées de variations. Sans être arides, certains passages exigent un certain état d’esprit pour en saisir les subtilités. Le déclin suppose d’être sensible à une forme de monolithisme assumée ; Glory requiert une attention soutenue, qui passe souvent de périodes typiquement immersives à des moments plus planants sans avertissement. L’attention permet de comprendre la cohérence du tout, de saisir l’architecture des titres. The Collapse, qui clôture l’album par une pièce de plus de 21 minutes, impose de maintenir ses sens en éveil encore ; il constitue une sorte de rappel du morceau d’ouverture, avec un départ plus « léger » même si le growl est toujours présent. Plus « classique » ou moins atypique disons, The Collapse s’inscrit dans la tradition Ataraxie en synthétisant leur savoir-faire.
Ce nouvel album ravira sans nul doute les amateurs de funeral / doom death et encore davantage les fans du combo français. Puissamment inspiré, Le déclin se place aux côtés de Slow ou même de L’être et la nausée sans rougir aucunement. Il convoque aussi bien les sources que les développements plus récents du combo. Une belle réussite.
| Raziel 26 Octobre 2024 - 1035 lectures |
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