Depuis ma chronique de
Black Sorcery From Within Arcane Caverns, Bašmu a sorti pas moins de deux nouveaux albums ainsi qu’un split en compagnie de leurs compatriotes de Pénombre. Autant vous dire que je suis donc légèrement à la bourre sur le sujet. Xülthys, qui pourtant est à la tête de plusieurs autres projets, s’est donc montré particulièrement actif ces derniers mois. La preuve aujourd’hui avec
Enshrined In Eternity, quatrième long format paru en mars 2019 via le label canadien Malum Arcana (Flešš, Drenglyndr, Kveldriđa...).
Peu enclin à vouloir changer quoi que ce soit à une formule particulièrement bien enracinée encore aujourd’hui (notamment parmi ces artistes qui à travers un esthétisme sonore et visuel bien particulier affirment viser entre autre une certaine authenticité), le Canadien nous revient à travers un artwork que je sais extrêmement cliché (bure, capuchon sur la tête, chandelier à la main…) et qui pourtant fonctionne toujours très bien chez moi... Oui, quelque part, cela correspond à une certaine idée du Black Metal et s’y attacher atteste de ce désir de vouloir rester fidèle à des valeurs qui ont marqué le genre. Bref, c’est clair dès l’artwork, n’attendez pas de Bašmu qu’il révolutionne quoi que ce soit, ni même qu’il change de fusil d’épaule ou apporte un semblant de fraîcheur à sa tambouille.
Dans la continuité d’un
Black Sorcery From Within Arcane Caverns mais cette fois-ci à travers des morceaux à la durée beaucoup plus raisonnable (entre trois et six minutes), Bašmu va continuer de nous proposer ce même Black Metal lo-fi, rudimentaire et toujours aussi bancal. Une musique extrêmement dépouillée et à la limite de l’amateurisme qui a cependant pour elle (et c’est bien souvent là que se joue l’essentiel) ces atmosphères délétères et maladives puant la mort, la solitude et la détresse. Dénué de véritable technique, ce quatrième album - au même titre que toutes les autres sorties présentes dans la discographie de Bašmu - est basé sur la simplicité de ces riffs lugubres servi par des guitares abrasives à la production rachitique (quelques accords simples balancés sur fond de grésillements et de saturation), une batterie qui claque et dont le jeu se résume pour l’essentiel à quelques patterns répétés ad nauseam, un habillage sonore réalisé à l’aide d’un clavier suranné (l’intro « je découvre les joies du synthétiseur » de "Enshrined In Eternity") aux sonorités parfois étranges (on pourrait encore citer "Enshrined In Eternity" mais il y en a d’autres) et enfin une voix habitée et lointaine qui va venir nourrir ces ambiances évoquées plus haut.
Si ce genre de descriptions n’a pas réussi à entamer votre intérêt alors vous avez probablement des chances d’apprécier le Black Metal de Bašmu dont les compositions se caractérisent une fois de plus et cela malgré le format raccourci par des constructions atypiques, notamment à cause de séquences qui se suivent sans forcément avoir de lien entre elles (je pense notamment à "Body Of Shadow", l’introduction de « The Sigillum » ou la dernière minute particulièrement agaçante de "Casting The Curse" avec ces notes tordues et vibrantes qui donnent envie de vite passer à la suite) ou de rythmiques aléatoires et peu orthodoxes. En effet, si le début de l’album se fait plutôt sur les chapeaux de roues avec un « Body Of Shadow » entrainant et dynamique, Xülthys opte ensuite pour des cadences mid-tempo étranges où se mêlent bien souvent cette batterie entêtante, ces riffs biscornus et repoussants, ces gros aplats de synthétiseur ainsi que cette voix tantôt nasillarde, tantôt plus gutturale ("Enshrined In Eternity", "Embodying Ophidian Energies", "The Sigillum", "Casting The Curse", "Vessel Of The Void"). Quelques obstacles supplémentaires qui, si jamais vous n’êtes pas disposés à les surmonter ou tout simplement pas dans le bon état d’esprit, auront raison de votre motivation.
Comme disait ce sage Boromir lors du fameux conseil d’Elrond :
"one does not simply walk into Mordor". Et bien c’est pareil avec Bašmu. Pour pénétrer les terres arides et menaçantes du Canadien, deux solutions s’offrent à vous : accepter l’idée de se faire violence quitte à enchaîner les écoutes douloureuses soit tout simplement avoir quelques prédispositions pour ce genre de Black Metal pernicieux, extrêmement bancal et rachitique et frôlant pour beaucoup la supercherie (le côté élitiste de la chose n’aide pas avec ses tirages à 50 exemplaires et ses prix exorbitants sur le marché de la seconde main). Si aucune d’elles ne vous convient, j’ai bien peur qu’il faille ici passer votre chemin. En effet, le Black Metal de Bašmu se destine uniquement non pas à l’élite (on voudrait nous le faire croire mais ne vous faites pas avoir par ce genre de bêtises) mais plutôt aux quelques initiés qui voient dans cette multitude de défauts une somme de qualités permettant tout simplement d’équilibrer la balance dans le bon sens.
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