Depuis son apparition en 2016 avec le très bon EP « La Diatribe Infernale » le quatuor de Montréal est en peu de temps devenu le nouveau fer de lance d’une scène québécoise toujours au taquet, et qui se maintient très haut au niveau qualitatif et élitiste. A peine plus de six mois après la sortie de l’acclamé
« Premiers Chants » le voici déjà de retour avec un successeur attendu, qui peut en cas de réussite installer définitivement le groupe haut dans la hiérarchie du Metal noir. S’il est rare de nos jours de voir deux sorties publiées durant la même année on ne peut que saluer l’envie du combo qui semble vouloir tout enregistrer dans l’urgence, comme s’il sentait que sa fin était proche. Car avec un titre pareil ce nouvel opus laisse planer le doute quant à l’avenir de ses créateurs qui ont savamment entretenu le mystère à ce sujet, à l’instar de leur musique toujours aussi directe et sombre. Pourtant il n’en est apparemment rien vu que d’après leur label ceux-ci ont tout simplement mis un terme à la doublette sur la chute de la chrétienté, et auraient déjà en ligne de mire un nouveau concept… peut-être que l’avenir le dira mais pour l’instant au lieu de supputer inutilement il est temps de se pencher sur ce long-format qui reste dans la droite ligne de son prédécesseur.
Musicalement il ne faut en effet pas s’attendre à un changement majeur vu que durant les trois-quarts d’heure qui arrivent ça reprend ce qui a été déjà fait précédemment, et l’on pourrait presque croire qu’il s’agit de chutes de studios qui ont été terminées pour l’occasion. Mais là où dans cette situation certains ne livrent que des rebus non-terminés ou mal foutus ici la bande n’a pas fait les choses à moitié en offrant cinq longues compositions imparables, dont deux pièces-maîtresses de plus de onze minutes chacune (encore un point commun avec le précédent méfait, car « La Grande Apostasie » qui le concluait faisait la même durée). Tout ceci démarre avec un « Pestilence Rampante » des plus efficace où toute la palette de ses géniteurs est mise en avant et l’ensemble part sur les chapeaux de roue avec un tempo élevé pendant un bon moment, et porté par un riff particulièrement froid et pénétrant. Si la vitesse reste constante pendant la moitié de ce titre d’ouverture il y’a néanmoins quelques subtiles variations qui lui évitent de tomber dans la redondance (alternance entre la charley et la ride, et quelques roulements bien sentis), avant que la seconde partie ne soit plus posée entre mid-tempo et parties lourdes écrasantes, histoire de renforcer la noirceur ambiante. D’ailleurs la rythmique va rester majoritairement élevée par la suite surtout sur « A l’Ombre Du Très Haut » qui enchaîne dans la foulée et ne va pas débander un seul instant, montrant ainsi la facette la plus haineuse et radicale des nord-américains, de par une écriture plus simple et dépouillée, sans pour autant se répéter quel que soit l’entrain proposé. D’ailleurs après ces passages échevelés « Sous l’Autel Des Immaculés » va lever un peu le pied et rafraîchir ainsi l’atmosphère, car ça va débuter doucement et longuement, la guitare prenant soin de descendre encore en température, la batterie se mettant au diapason et n’hésitant à créer une ambiance tribale en jouant sur les toms. Après cette introduction où les gelures ne sont pas loin l’ensemble explose complètement et la rapidité fait son retour en proposant nombre de cassures et de variations, notamment via l’apparition d’un passage en mid qui donne envie de headbanguer et d’affronter le blizzard, offrant pour le coup un rendu toujours aussi classique mais redoutablement efficace.
Après ces multiples épreuves menées à un train d’enfer dans ces températures négatives le petit et court interlude « Elévation » amène une respiration bienvenue, de par ses notes acoustiques douces et apaisantes qui se mélangent à des chants religieux en arrière-plan, comme pour signifier que l’ésotérisme n’est jamais très loin, et donner le ton des deux œuvres majeures qui vont suivre et continuer sur la lancée entendue jusque-là. Pourtant la première d’entre elle (« L’œil Sang ») va étonner de prime abord tant son influence Doom va être flagrante du fait d’une vitesse totalement absente, où l’éloge de la lenteur va être ici poussée à son paroxysme. Néanmoins malgré une sobriété à toute épreuve et sa longue durée le tout ne se montre jamais ennuyeux et répétitif car les mecs proposent suffisamment de respirations fines et légères pour aérer son propos sans changer la trame générale. Totalement à part sur le disque cette réalisation nous approche du zéro absolu et dans une nuit polaire qui n’en finit pas, poussant l’esprit aux limites de la folie et de la dépression, de par sa température extrême et son oppression mentale. D’ailleurs cet état de léthargie va transparaître également sur la conclusion intitulée « Derniers Chants (Un Monde Dépourvu De Dieu) », car à plusieurs reprises des notes acoustiques mélodieuses vont retentir lors des passages stratégiques (début, milieu, fin), permettant ainsi de créer une ambiance triste et propice au recueillement, via aussi l’apport de nappes brumeuses de clavier. Tout ceci va trancher par rapport au reste de cette plage où le tabassage va être de rigueur de façon continue, et cela va permettre ainsi de souffler et de prendre une pause avant de repartir à l’assaut et de combattre un ennemi anonyme et invisible. Si le tout peut donner l’impression de s’éterniser un peu inutilement cela reste cependant de haute tenue, et ces arpèges délicats se révèlent parfaits pour terminer ce second volume prenant de bout en bout, à défaut de figurer dans les tops de fin d’année.
Car il lui manque en effet un petit quelquechose pour se démarquer des sorties de 2019, sans doute un côté trop scolaire et sérieux où l’on aimerait avoir un peu plus de folie, au lieu de rester dans les clous. Cependant cela n’est que subjectif et il serait dommage de faire la fine bouche tant ces cousins d’outre-Atlantique ont fait coup double sur une période réduite, conjuguant habilement efficacité, rapidité et cohérence sur fond de classicisme exacerbé et assumé. Alors oui il faudra peut-être à ses géniteurs montrer une facette plus ambitieuse la prochaine fois s’ils veulent continuer à intéresser les fans, au risque de les lasser relativement rapidement à recycler toujours la même recette. Mais en attendant on ne boude pas son plaisir en se laissant happer vers les ténèbres où l’on se sent parfaitement à l’aise, tel le célèbre sentiment décrit par AC/DC en 1977 qui disait : "Hell Ain’t A Bad Place To Be", et qui correspond parfaitement au ressenti général présent de bout en bout ici.
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