Il y avait de quoi avoir peur – et pas dans le bon sens du terme. Que Lee Buford de The Body, Kristin Hayter de Lingua Ignota et Dylan Walker de Full of Hell se réunissent et décident de faire de la musique ensemble a probablement dû en émoustiller plus d’un, impatient d’entendre le résultat. J’étais pour ma part extrêmement inquiet, voyant déjà dans Sightless Pit de quoi craindre ce que certaines collaborations de The Body pouvaient avoir de lustré, tape-à-l’œil, timide et frustrant (à la manière de celles faites avec Krieg, The Haxan Cloak ou encore... hé oui, Full of Hell).
Et les premiers tours de
Grave of a Dog ne m’ont pas rassuré sur ce sujet. Doté d’une production très travaillée, cristalline au point de donner l’impression d’avoir lavé ses machines et voix de la plus pure des eaux, il emporte dans une marée de paradoxes où seuls quelques instants surnagent. Certes, il m’a donné tort dès le départ concernant les préjugés que j’avais envers Kristin Hayter (« The Ocean of Mercy » et « Violent Rain » m’ont fait fermer mon clapet bien vite) mais toujours est-il que je me suis retrouvé dérouté lors des premières rencontres avec ces trente-huit minutes inclassables, industrielles et électro, glauques et douces, efficaces et pleines de détours.
Il m’a fallu du temps. Du temps pour me déshabituer, ne plus chercher la part de qui, l’atmosphère de quoi. Du temps pour me déshabiller de mes préconceptions, du comment jouer les choses, du pourquoi je les écoute. Du temps pour faire tout le travail que Sightless Pit ne prend pas le temps de faire, comptant que l’on arrive vierge sur son territoire bien à lui, son monde magique et endeuillé, où l’horreur côtoie le recueillement, non pas dans un avant ou un après, mais comme les mêmes sensations d’un même monde parcouru en vitesse accélérée. Sans carte, sans boussole, nous voilà jeter dans les ronces par « Kingscorpse » et « Immersion Dispersal », deux titres qui coupent court à tout espoir de confort, des rythmiques forcenées portant une voix pleine des dégueulasseries qu’elle a vécues.
Grave of a Dog ne s’affiche pas comme un disque dans lequel on baigne : à l’image de sa pochette, il avance masqué et mortuaire, tel une ombre dans le noir, les quelques reflets que nous percevons signifiant qu’il est déjà trop tard.
Et pourtant, l’alchimie du trio est si totale que, les écoutes s’accumulant, se recherchant, l’album finissant par habiller notre quotidien, on se retrouve en plein émerveillement, pris et épris d’une poésie macabre telle qu’on n’en avait plus entendu depuis
I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer, dernier longue-durée de The Body en solitaire. Lee Buford est bien le corps de ses compositions-ci, sa patte se reconnaissant directement par l’amateur jusqu’à ce piano minimaliste, Erik Satie dans l’âme, naviguant fébrilement dans les eaux de « Love is Dead, All Love is Dead ». Mais
Grave of a Dog est bien une œuvre collective, où chacun montre ses meilleurs atouts. Ainsi, la voix de Kristin Hayter, incroyablement intense et juste, fait réévaluer la moue qu’avait créée son projet Lingua Ignota, sa présence vibrante et candide évoquant l’émotion ressentie lors de sa rencontre sur les planches. Une pureté se désolant de l’impur, que les vagissements ulcérés de Dylan Walker personnifient avec l’application du boucher, jusqu’à nous salir durablement en trois tours de main sur « Miles of Chain ».
Clairement, Sightless Pit est un projet qui, contrairement aux pronostics, n’a rien de timide. Le lustre qu’il utilise n’est là que pour mieux nous découper de ses outils à la précision chirurgicale. Non pas tape-à-l’œil mais prend-à-la-gorge, il reste cependant bel et bien frustrant, tant on rêve à s’installer davantage dans son univers étrange et familier. Un imaginaire où
Grave of a Dog nous laisse mort, et en chien.
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