Regurgitate - Carnivorous Erection
Chronique
Regurgitate Carnivorous Erection
Confinement oblige, j’ai eu l’occasion, ces dernières semaines, de passer en revue les disques qui prenaient la poussière dans mes étagères. Fonctionnant pas mal au visuel, qui décide encore aujourd’hui de la grande majorité des disques qui passeront sur ma platine, ces longues séances d’excavations m’ont fait bloquer sur pas mal de pochettes, autant d’albums que j’avais remisés aux oubliettes. Vous l’aurez deviné, c’est ce modus operandi qui m’amène, ajourd’hui, à vous parler de « Carnivorous Erection », second full-length des Suédois de Regurgitate. Disparue en 2009, la formation est néanmoins considérée comme un ténor du genre, ayant fait ses armes dans le Goregrind pour finalement, au fil des années, infuser à la tripaille le Grindcore un poil plus « conventionnel » – leur chant du cygne, « Sickening Bliss », étant encore aujourd’hui un modèle d’efficacité. Sans jamais dévier de leur ligne de conduite : le mauvais goût assumé.
Je ne vois pas comment qualifier autrement cette pochette (réalisée par Wes Benscoter), qui, même vingt ans ( !) après sa sortie chez Relapse, me fait encore tiquer. « Nasty », diraient les anglophones, et aucun autre terme ne colle mieux à la demie-heure de gerboulade que propose le groupe sur cette galette. Quittant l’âpreté de « Effortless Regurgitation of Bright Red Blood », sorti six ans plus tôt, Regurgitate muscle son jeu, bénéficiant des doigts de fée du regretté Mieszko Talarczyk (Nasum, pour ceux du fond qui n’auraient pas suivi), faiseur de miracles tant derrière une guitare qu’une console de mixage : c’est comme ça qu’on fait du Goregrind ! La batterie doit patauger, les guitares couler partout, qu’on puisse à peine distinguer les riffs, la basse doit se résumer au simple bourdonnement, les voix venir garnir l’ensemble, sans qu’on puisse distinguer quoi que ce soit – et pourtant, il y a des paroles !
Si « Carnivorous Erection » est handicapé par quelques longueurs (assez inévitables), sa puissance de feu n’a pas bougé d’un iota – pour peu qu’on soit réceptif au style. De la première à la dernière seconde, la musique complimente le visuel, et ce n’est pas peu dire : c’est purement, et simplement, dégueulasse. Et ça peut se targuer d’avoir été, et de rester, une influence majeure dans le Goregrind. Que ce soit en douches de blast-beats ou en D-beats qui pataugent péniblement dans la mare, le tempo est toujours soutenu, jamais galopant, et parvient à maintenir l’intensité de compositions majoritairement courtes, qui réservent à l’auditeur bon nombre de riffs qui font mouche – quand ces derniers sortent de la mélasse. A défaut d’être particulièrement recherchés ou techniques, ils sont efficaces, et c’est bien tout ce qu’on est en droit d’attendre. Les gargarismes qui servent de piste de chant se révèlent monotones, oui, mais ils permettent d’enfoncer le clou – et sont fort heureusement soutenu par un chant plus hystérique, rompant avec le moteur qui risquait de ronronner.
En avance sur son temps ? Pas forcément. Par contre, le bien-nommé « Carnivorous Erection » peut se targuer d’être devenu, au fil des années, un incontournable d’un genre tout entier. S’il accuse un peu le poids de ses vingt balais, notamment en raison de sa durée, il parvient malgré tout à produire son petit effet, dans sa synthèse du meilleur du Grindcore et du Goregrind. Etouffe-chrétien s’il en est, on avale ce second méfait de Regurgitate (qui porte bien son nom) avec gourmandise, une belle friandise bien rance qui laisse repu pour l’année. Culte, on vous dit !
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