Bon, même si finalement je ne verrai pas Pearl Jam en 2020, cela ne m’empêchera pas de vous bassiner ce mois-ci et tout le reste de l’année avec les sorties passées et présentes de l’un des plus grands groupes de Seattle et plus particulièrement de la scène Grunge dont il est l’un des derniers porte-étendards.
Sorti en 1996,
No Code est le quatrième album de Pearl Jam et le premier sur lequel figure de bout en bout le batteur Jack Irons qui, rappelez-vous, avait intégré les rangs de la formation deux ans auparavant, lors des dernières sessions d’enregistrement de
Vitalogy (c’est lui que l’on retrouve derrière les fûts sur le titre "Hey Foxymophandlemama, That's Me"). À titre personnel, c’est là que c’est arrêté pour moi l’aventure avec Eddie Vedder et sa bande. Déjà échaudé l’année précédente par le "Grind" d’Alice In Chains qui ne m’avait pas donné envie de poursuivre (quel imbécile j’ai été quand même, bien que pour ma défense je vous rappelle qu’à l’époque la musique ne se trouvait pas à une portée de clics), je vous avoue qu’en 1996 j’avais d’autres prétentions, préférant notamment explorer en long, en large et en travers une scène Hardcore beaucoup plus agressive et urbaine. C’est donc sur le tard que j’ai découvert
No Code, il y a quelques années seulement lorsque je me suis rappelé qu’il y avait eu d’autres albums après la sainte trilogie et qu’il serait peut-être temps de s’y intéresser...
Enregistré entre Chicago, la Nouvelle-Orléans et Seattle sur une période s’étalant de juillet 1995 à mai 1996,
No Code signe la quatrième collaboration consécutive entre Pearl Jam et le producteur Brendan O’Brien (il faut en effet y ajouter l’aventure
Mirror Ball). Quelque peu tendue dans les premiers temps à cause, une fois encore, de la main mise d’Eddie Vedder sur le processus créatif et d’un planning toujours aussi chargé et fatiguant, l’atmosphère entre les membres du groupes finira malgré tout par s’apaiser au fil du temps et des sessions. À l’image de ses deux prédécesseurs,
No Code va très vite se hisser au sommet des charts US. Un enthousiasme toujours vivace mais cette fois-ci de très courte durée puisqu’il finira par en dégringoler très rapidement. Ce désaveu d’une grande partie du public, on le doit à une réception des plus mitigées et à l’amorce d’une période annonçant le déclin d’une scène ayant quelque peu implosé depuis la mort de Kurt Cobain (la même année Alice In Chains va entrer en hiatus alors que Soundgarden se séparera à l’issu du pourtant très bon
Down On The Upside).
Proposé à travers un artwork original composé de 156 Polaroïds représentant des clichés plus ou moins "random" (Wikipedia m’apprend tout de même qu’on y trouve l’oeil de Dennis Rodman ou le pied enflé d’Eddie Vedder après s’être fait piquer par une raie), Pearl Jam a une fois de plus fait du bon boulot en matière de packaging. En effet, si les dernières rééditions de l’album ne sont pas aussi intéressantes, celles de 1996 proposent à l’intérieur 9 vrais/faux Polaroids derrière lesquels sont inscrits pour chacun les paroles de l’une des treize chansons de l’album. Un déséquilibre mathématique qui obligera le fan hardcore ou aux bourses bien remplies à collecter au moins deux exemplaires pour espérer avoir chez lui toutes les paroles (il existe a priori 4 sets d’images différentes baptisés "C", "O", "D" et "E").
Moins sombre et torturé que son prédécesseur,
No Code lui emboîte pourtant le pas, notamment dans cette approche peut-être encore un peu plus dépouillée (riffs relativement simples, solos une fois encore aux abonnés absents, structure somme toute assez classique...), cette production toujours très abrasive (en tout cas pour un album de cet acabit promis à s’écouler à quelques millions d’exemplaires) et aux influences Folk/Americana plus présentes que jamais. Sur ce dernier point, rappelons d’ailleurs à toutes fins utiles qu’en 1995 Pearl Jam était invité par Neil Young a enregistrer en sa compagnie (à Seattle et sous la houlette du désormais inévitable Brendan O’Brien) son vingt-et-unième album, l’excellent
Mirror Ball. Rien d’étonnant donc à ce que la musique de Pearl Jam s’en trouve quelque peu chamboulée même si le groupe n’a jamais caché son intérêt pour cette musique en général et pour Neil Young en particulier.
On comprend alors un peu mieux pourquoi ce quatrième album avec ce coté assurément un peu plus pantouflard et Rock à papa a pu en décevoir un paquet à l’époque. Il faut dire aussi que le groupe s’est probablement tiré volontairement une balle dans le pied en sortant en guise de premier single le titre "Who You Are", une ballade tranquille, tout en douceur et qui au-delà de sentir bon la fin de l’été, brille également par des guitares particulièrement timorées. Pourtant, il faut bien reconnaître à ce
No Code une certaine richesse ainsi qu’une diversité pour le moins rafraichissante. Car derrière ces morceaux en apparence formatés pour le grand public (entre trois et quatre minutes par titre, construit autour d’un schéma couplet/refrain quasi-systématique), on trouve comme toujours avec Pearl Jam tout un tas de choses réjouissantes si l’on est bien entendu en mesure d’accepter l’idée que le groupe a tout simplement changé.
À l’image d’un
Vitalogy épuré et aventureux, ce quatrième album va mettre en avant la nature curieuse, touche à tout (flagrant sur les nombreux petits arrangements qui ponctuent l'album) et authentique d’un groupe qui va chercher justement à briser les codes afin qu’il n’y en ait plus. Grâce à cette réputation solide et déjà bien ancrée, le groupe va donc choisir d’aborder les choses d’une manière quelque peu désinvolte, envoyant valser tout ce que les gens peuvent attendre de lui. Aussi, outre ce premier single aux antipodes de ce que doit être un single, l’album s’ouvre et se clôture par exemple sur deux titres extrêmement simples et dépouillés bien loin du côté "bigger than life" que peuvent avoir des titres comme "Alive" ou "Release". "Sometimes" en guise d’opener apporte d’emblée une atmosphère un brin mélancolique malgré les rondeurs toujours aussi réjouissantes de cette basse et la voix chaude et réconfortante d’Eddie Vedder. Quant à "Around The Bend" sur lequel se conclu l’album, Eddie l’a pensé comme une berceuse forcément un brin naïve que Jack Irons pourrait chanter à son fils. Entre les deux, on va surtout trouver beaucoup de titres (Garage) Rock finalement plus fédérateurs qu’il n’y parait de prime abord : "Hail Hail" simple, efficace et surtout judicieusement placé entre deux titres plus posés, "Smile" et "Red Mosquito" qui tous les deux sentent le Neil Young à plein nez (le premier grâce à son harmonica et sa guitare abrasive, le second pour la guitare bluesy d’un Mike McCready qui, avouons-le, manque quand même un peu), "In My Tree" qui monte en puissance plus le temps avance, le bruyant "Habit", un morceau tout en nerf avec un Vedder à la voix particulièrement écorchée et rugueuse, l’expéditif "Lukin" qui renvoie aux influences Punk du groupe et puis le fort sympathique "Mankind" écrit et chanté par Stone Gossard (jusque-là jamais personne d’autre n’avait écrit de paroles pour un titre de Pearl Jam) sur lequel on va d’ailleurs retrouver un côté Green River pas désagréable. Et puis il y a ces quelques ballades ou titres plus calmes dont certains figurent encore parmi les meilleurs morceaux qu’ait composés Pearl Jam. On pense notamment au touchant "Off He Goes" et à ce superbe "Present Tense" tout en tension, sublimé par ces guitares abrasives qui viennent relever la sauce avant un dernier tiers un poil plus dynamique. Bref, une variété de morceaux et d’ambiances pour un album un fois de plus généreux et inspiré derrière ses airs revêche et détaché.
Album de transition marquant la fin d’une période particulièrement faste pour tous ces groupes mais aussi pour le public qui pendant ces cinq/six années n’a pas su où donner de la tête,
No Code va marquer le début d’un renouveau pour Pearl Jam désormais libéré de toute cette pression médiatique et de ces attentes oppressantes. Alors qu’en 1996 le Grunge se meurt à petit feu, la presse et le public vont effectivement se tourner petit à petit vers cette nouvelle sensation musicale, le Neo Metal, laissant ainsi de côté ces groupes qu’ils ont pourtant portés aux nues il y a encore deux ou trois ans. C’est pourquoi, sans forcément aller jusqu’à parler de traversée du désert, la suite ne sera plus jamais la même pour Pearl Jam qui possède pourtant l’une des fanbase les plus solides et impressionnantes qui soit (capable de suivre le groupe à l’étranger sur une tournée entière, passant son temps à échanger sur les forums de discussions et autres groupes Facebook, à la recherche du moindre petit souvenir...). Décrié par beaucoup lors de sa sortie,
No Code s’avère pourtant un excellent album. Plus facile d’accès qu’un
Vitalogy parfois un poil trop expérimental, il en conserve pourtant les principales caractéristiques, offrant pour la postérité (l’album n’a pas pris une seule ride) un Rock dépouillé, naturel et authentique révélant peut-être encore plus ouvertement toutes ces influences ayant nourrit Eddie Vedder, Jeff Ament, Stone Gossard, Mike McCready et Jack Irons. Sous-estimé par bon nombre de gens (moi le premier pendant près de vingt ans), ce quatrième album mérite pourtant que l’on s’y intéresse, même si vous êtes de ceux qui ne jurent que par les trois premiers albums du groupe.
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