Vous allez dire que je vous saoule avec Pearl Jam mais, premièrement, je vous rappelle quand même que je vous avait prévenu en début d’année que 2020 serait pour moi l’occasion de revenir en ces pages sur la longue et généreuse discographie des Américains et que deuxièmement, si avec les vacances qui arrivent je veux tenir le rythme d’un album par mois que je me suis fixé (outre
Gigaton chroniqué le mois dernier histoire de coller un tant soit peu à l’actualité), me voilà d’ores et déjà contraint de revenir à la charge. Et tant pis pour tous les rageux car je vous rappel que je fais encore ce que je veux !
Pour la première fois en quatorze ans de carrière, il aura donc fallu plus de deux ans à Pearl Jam pour sortir un nouvel album. En effet c’est en 2006, soit quatre ans après
Riot Act, que sort
Pearl Jam, huitième album du groupe de Seattle dont l’intitulé fût justifié à l’époque par le fait que les titres de certaines chansons étaient suffisamment équivoques ("Life Wasted", "World Wide Suicide", "Unemployable", "Army Reserve") pour ne pas avoir à en rajouter une couche. Côté artwork, on ne peut pas dire que le groupe se soit également beaucoup foulé. Un fond bleu, un avocat coupé en deux, un jeu d’ombre discutable, un logo Pearl Jam passablement stylisée et puis basta... On a vu mieux même s’il ne fallait peut-être pas attendre davantage d’une idée balancée à la va vite par un groupe vraisemblablement pressé d’en finir et de passer à autre chose.
Après plusieurs années de collaboration avec Epic Records, Pearl Jam ira trouver refuge chez J Records, label indépendant passé pourtant rapidement sous la coupe de RCA Records / Sony Music. C’est Adam Kasper avec qui le groupe a déjà travaillé par le passé (notamment sur
Riot Act) qui chapeautera les sessions d’enregistrement et de mixage tenues tout au long de l’année 2005 aux Studios X de Seattle. Un album a peine préparé puisque le groupe, entre tournées, festivals et naissance (premier bébé pour Eddie Vedder), arrivera en studio les mains dans les poches avec seulement quelques riffs et idées dans sa besace.
C’est sûrement ce qui explique, au moins en partie, ce sentiment d’urgence et d’immédiateté qui frappe lors des premières écoutes de l’album. Car s’il y a une chose qui caractérise ce huitième témoignage longue-durée c’est bien cette approche dépouillée, simple et plutôt directe (la production plus abrasive d’Adam Kasper n’y est pas étrangère) menée tout au long d’une première moitié qui ne manque pas d’allant. Si certains y ont vu un retour aux sources pour le moins convaincant, j’y vois surtout un moyen pour le groupe d’exprimer sa rage, sa frustration et sa colère vis à vis du monde qui nous entoure et de ce pays dans lequel il vit. Porté à nouveau par ce sens de la contestation qui va pousser Eddie Vedder à s’exprimer à travers des paroles acerbes traitant là encore de sujets d’actualité (la réélection de George W. Bush, l’engagement des troupes américaines en Irak, la pauvreté grandissante aux États-Unis, le poids de la religion au quotidien...), le groupe de Seattle va s’installer dans une dynamique plutôt surprenante (aidé par le jeu explosif et varié de Matt Cameron) même si plus on avance dans l’album et plus les choses tendent à s’apaiser. Un déséquilibre qui par la force des choses tend à rendre les derniers titres moins percutants d’autant plus que ces morceaux moins tendus sont aussi les moins bons de l’album.
En effet, la seule véritable faiblesse de cet album éponyme (outre ce déséquilibre évoqué plus haut) ne réside absolument pas dans le caractère simple et épurée de ses morceaux à l’héritage Punk/Hard Rock évident mais plutôt dans ses ballades qui n’arrivent pas à atteindre la profondeur et la gravité de celles dont Pearl Jam avait jusque-là l’habitude. Le processus de composition vite expédié (l’album a été composé en une dizaine de jours à partir de rien ou presque) et l’enregistrement plutôt décousu n’y sont probablement pas étranger au même titre que ce léger manque d’arrangements, ces riffs trop légers/passe-partout/inoffensifs et finalement assez peu inspirés et inspirants et cet engagement moins intense et passionné qu’à l’accoutumé. Plein de facteurs qui laissent finalement l’auditeur sur une impression plutôt mitigée face à des titres tels que "Parachutes", "Gone", "Army Reserve" ou "Come Back" qui, s’ils sont loin d’être mauvais, paraissent tout de même un peu trop faciles et surtout dénués de caractère. Reste heureusement ce "Inside Job" dont les paroles composées pour la première fois de l’histoire du groupe par Mike McCready est illuminé par le travail mélodique de ce même monsieur, notamment ces deux excellents solos proposés à 4:50 et 5:48. Un moyen de clôturer l’album sur une note tout de même plus convaincante après ces quelques titres moins engageants et mémorables. D’ailleurs les solos de McCready sont probablement l’un des points fort de l’album. Un travail soigné et inspiré permettant d’illuminer chaque composition ou presque par ce talent d’écriture, ce feeling mélodique hérité des années 70 et cette puissance évocatrice qui dégage ici quelque chose de lumineux et de positif. De "Life Wasted" à "World Wide Suicide" en passant par "Comatose", "Severed Hand" ou "Big Wave", l’Américain offre une nouvelle fois une belle démonstration de tout son talent.
Plein d’intentions dont certaines un peu osées (arriver en studio les mains dans les poches en est une belle),
Pearl Jam souffre malgré ses qualités et ses prises de risques d’un léger manque de profondeur et de caractère, notamment par rapport à certains albums précédents peut-être un peu plus convenus sur le fond comme sur la forme mais que je trouve néanmoins plus marquants. On saura néanmoins apprécier le parti pris de Pearl Jam d’arriver après quatre ans d’absence avec un album résolument agressif même si encore une fois on aurait aimé que celui-ci soit mieux équilibré et que les quelques titres plus posés soient à la hauteur de ce à quoi le groupe nous avait jusque-là habitué. Et puis surtout, ces compositions, si elles sont parfois maladroites portent tout de même les paroles d’un groupe décidé à faire entendre sa voix, à changer les choses et pourquoi pas à ouvrir les yeux et les mentalités de certains. Un disque chargé politiquement et socialement par un groupe soucieux d’aborder les choses d’une manière plus positive et moins sombre qu’auparavant. Certes, le résultat n’est peut-être pas aussi convaincant que sur les albums précédents du groupe mais
Pearl Jam n’en demeure pas moins un très bon album de Rock truffés de compositions particulièrement efficaces ("Life Wasted", "World Wide Suicide", "Comatose", "Severed Hand", "Unemployable", "Big Wave") sur lequel il n’est jamais désagréable de revenir.
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