Mes récentes chroniques des premiers albums de Pearl Jam auraient presque réussi à me faire oublier que le groupe de Seattle, qui célèbrera cette année ses trente ans de carrière, a sorti en mars dernier un nouvel album intitulé
Gigaton. Aussi, avant de replonger tête la première dans cette tâche particulièrement fastidieuse nous renvoyant jusque-là plus de vingt ans en arrière, nous allons cette fois-ci coller à l’actualité (avec tout de même quelques semaines de retard) en nous intéressant de plus près à ce nouvel album, le onzième d’une discographie pour le moins généreuse et successeur d’un
Lightning Bolt sorti il y a déjà sept ans maintenant.
Doté depuis toujours d’une conscience politique, sociale et environnementale particulièrement forte (on y reviendra d’ailleurs avec la chronique de
Riot Act), Pearl Jam qui n’a jamais manqué d’agir pour tenter de faire changer les choses va par le biais de ce nouvel album mettre l’accent sur l’alarmante situation climatique de ces dernières années. Pour illustrer son propos, le groupe a fait appel au biologiste marin et photographe Paul Nicklen, reprenant pour l'occasion l'un de ses clichés datant de 2014 sur lequel on pouvait déjà constater les dégâts du réchauffement climatique sur notre planète. Car au-delà de l’imposante et menaçante beauté qui se dégage de cette gigantesque falaise de glace située dans l’archipel de Svalbard en Norvège, on y aperçoit surtout des gigatonnes de glace fondue se déverser dans l’océan. Une position défendue bien au-delà de l'artwork puisque le livret est constitué de photos de nature et que ce thème est également abordé par Eddie Vedder dans les paroles de quelques titres comme sur "7 O’Clock", "Quick Escape" et "Retrograde" ou encore dans les douze vidéos faites par le groupe pour chaque morceau de l'album.
Après avoir renoué avec Brendan O’Brien le temps de deux albums (
Backspacer en 2009 et
Lightning Bolt en 2013), Pearl Jam a souhaité pour
Gigaton s’adjoindre les services du producteur Josh Evans. Un choix peut-être surprenant mais qui n’a rien d’anodin puisque l’homme qui a notamment travaillé avec Soundgarden sur son dernier album a également collaboré très largement avec Pearl Jam ou certains de ses membres par le passé, parfois en tant que producteur (l’album
Heaven/Hell de Jeff Ament ou encore à l’occasion de one-shot comme "Can't Deny Me" ou cette reprise de Brandi Carlile) mais aussi et surtout en tant que technicien. Sans véritable parti pris, la production de monsieur Evans, plutôt conforme à ce que l’on est en droit d’attendre d’un album de ce calibre, va laisser à chaque instrument la place qui lui est dû. Un son limpide et parfaitement équilibré qui manque peut-être un petit peu de caractère mais qui au final correspond bien à ce qu’est Pearl Jam aujourd’hui, un groupe de Rock à papa certainement moins bruyant et dynamique que lors de ses premières années mais toujours habité par la même passion.
Une passion et une maturité qui vont amener le groupe de Seattle à s’essayer à de nouvelles sonorités quitte à bousculer une fanbase pourtant jugée inébranlable. Dévoilé ainsi en guise de premier single, le titre "Dance Of The Clairvoyants" a effectivement beaucoup fait parler de lui et cela pour des raisons évidentes. D’abord, il y a cette boîte à rythmes utilisée par un Matt Cameron qui jusque-là ne nous avait pas habitué à travailler avec ce genre d’instrument. Un choix qui s’explique pourtant par la couleur Post-Punk/Pop 80’s qu’a souhaité donner Pearl Jam à un morceau qui emprunte autant à David Bowie qu’à un groupe comme Talking Heads. Si la découverte de ce premier single a donc pu en décontenancer plus d’un (moi le premier) il s’avère pourtant très addictif avec cette batterie synthétique particulièrement entêtante, cette basse pleine de rondeurs, ce chant envoutant et ferme à la fois et surtout ce côté hyper dansant. Un essai pour le moins audacieux mais effectivement très réussi de la part de Pearl Jam.
Le reste de l’album se montre toutefois moins surprenant et en ce qui me concerne cela me convient très bien. En effet, si j’apprécie effectivement "Dance Of The Clairvoyants" pour ce qu’il est, c’est à dire un titre prouvant que Pearl Jam est encore capable de se mettre en danger et de sortir des sentiers battus, je sais également que j’aurai eu du mal à encaisser cinquante-sept minutes placées sous ce genre de sonorités qui généralement ne m’évoquent pas grand chose. Ainsi, malgré des arrangements finalement très Pop et extrêmement léchés proposés tout au long de l’album (orgue hammond dans son jus, nappes de synthétiseurs aériennes, samples en tout genres, choeur féminins en renfort et légères touches électroniques qui, ensemble, vont amener une réelle touche de modernité à l’album), on va retrouver un Pearl Jam relativement incisif (en tout cas pour un groupe de darons accusant bientôt trente ans de carrière) avec des titres dynamiques et toujours très efficaces tels que "Who Ever Said", "Superblood Wolfmoon", "Quick Escape", "Never Destination" et "Take The Long Way"). Individuellement, les membres du groupe sont encore tous à leur place avec un duo Stone Gossard/Mike McCready à bon emploi et plutôt en forme à en juger par tous les chouettes solos dispensés tout au long de l’album par ce dernier ("Who Ever Said", "Superblood Wolfmoon", "Quick Escape", "Never Destination", "Take The Long Way"...), un Eddie Vedder à la voix toujours aussi chaude et envoûtante, un Jeff Ament peut-être un peu plus discret qu’à l’accoutumé mais néanmoins toujours aussi expressif et un Matt Cameron versatile. En complément de ces compositions qui ne manquent donc pas d’énergie, on va retrouver ces titres low-fi/low tempo dont Pearl Jam à le secret. Quelques compositions qui, là encore, attestent de toute la diversité dont à toujours su faire preuve Pearl Jam à travers les âges. De ce "Buckle Up" aux mélodies particulièrement légères et naïves qui n’aurait sûrement pas fait tâche sur un album de Sufjan Stevens à cet excellent "Comes Then Goes", titre acoustique Folk qui renvoie aux influences americana du groupe de Seattle en passant par "Alright", "Seven O’Clock", "Retrograde" ou "River Cross", tous permettent de calmer le jeu en naviguant à leur manière vers d’autres sonorités et ainsi développer de nouvelles atmosphères. Alors c’est vrai,
Gigaton n’est pas sans perdre en intensité sur sa seconde moitié mais ce n’est finalement pas très gênant tant on se sent bien à l’écoute de cet album assez inoffensif (on ne va pas se mentir, le Rock que propose Pearl Jam est aujourd’hui un Rock très radiophonique, calibré pour plaire au plus grand nombre) mais néanmoins accrocheur et rassurant.
On le sait, et c’est valable pour à peu près tous les groupes avec une carrière aussi longue que celle de Pearl Jam, il est à un certain moment difficile d’entretenir la flamme avec autant d’ardeur et surtout de satisfaire aux attentes de tout le monde. Forcément, ce onzième album studio ne fera pas l'unanimité, même parmi les amateurs de Pearl Jam dont certains devaient encore espérer un retour aux sources. Pourtant, le groupe n’est pas fondamentalement différent de celui qu’il était dans ses jeunes années. Eddie Vedder et ses acolytes portent toujours un regard conscient sur la société qui les entoure, leurs influences paraissent toujours aussi évidentes, l’énergie et l’intensité sont une fois de plus au rendez-vous tout comme ces moments de grâces plus subtiles et introspectifs. Par contre, l’interprétation a peut-être effectivement quelque peu changé. Le degré d’intensité n’est peut-être plus tout à fait le même, les influences plus variées font également leur entrée (bien que cela soit tout de même assez léger) et l’ensemble est effectivement plus sage et posé que sur un
Ten ou un
Vs. mais au final si vous êtes de ceux qui ont continué à suivre Pearl Jam après les années 2000 alors ce
Gigaton ne devrait pas vous effrayer outre mesure et même certainement vous réjouir au fur et à mesure tant il se laisse apprécier au fil des écoutes.
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