Loin d’avoir rencontré le même succès que ses prédécesseurs,
Down On The Upside a surtout engendré beaucoup de frustrations et de tensions du côté des quatre membres de Soundgarden qui, quelques mois plus tard, après une tournée mondiale que l’on devine éreintante autant physiquement que nerveusement, décidaient sans grande surprise de jeter l’éponge. Une cessation d’activité arrivée à point nommé puisque de toute façon le Grunge n’était plus ce mouvement excitant, frais et nouveau encensé par une presse carnassière qui déjà avait jeté son dévolu sur un autre genre en passe de devenir le phénomène d’une nouvelle génération plus jeune, davantage portée sur les baggys et les chaussures de skate que sur les jeans troués, les chemises à carreaux et les Doc Martens.
Cette séparation pour le moins inévitable aura permis de laisser le champ libre aux membres de Soundgarden partis ainsi vaquer à leurs propres occupations. Outre le début d’une carrière solo entamée dès 1999 avec la sortie de son premier album intitulé
Euphoria Morning, Chris Cornell formera également en compagnie de quelques membres de Rage Against The Machine le groupe Audioslave avec lequel il rencontrera un énorme succès commercial. Matt Cameron sera quant à lui inviter à rejoindre temporairement les rangs de Pearl Jam suite aux soucis de santés rencontrés par Jack Iron à partir de 1998. Un remplacement qui sera finalement définitif puisque celui-ci continue encore aujourd’hui d’occuper ce poste. Quant à Kim Thayil et Ben Shepherd, ces derniers se feront beaucoup plus discrets, participant ainsi à divers projets impliquant notamment des membres des Dead Kennedys, Nirvana, Screeming Trees ou encore Black Sabbath.
Pendant treize ans, chacun trouvera ainsi à s’occuper jusqu’à ce que naisse finalement à nouveau le désir de jouer ensemble. Cette reformation annoncée à l’époque sur Twitter par Chris Cornell sera concrétisée par la sortie en 2010 de quelques singles et surtout d’une compilation intitulée
Telephantasm: A Retrospective sur laquelle figure un morceau inédit issu des sessions d’enregistrement de
Badmotorfinger, l’excellent "Black Rain" (retravaillé pour l’occasion). De nouveau en piste, le groupe annoncera en février 2011 avoir d’ors et déjà débuté l’enregistrement de son sixième album en compagnie du producteur Adam Kasper avec qui Soundgarden avait déjà collaboré à plusieurs reprises (et notamment sur
Down On The Upside). Pour autant, il faudra plus d’un an et demi au groupe de Seattle pour finaliser
King Animal dont la sortie officielle se fera finalement le 13 novembre 2012.
Alors forcément, lorsqu’un groupe revient sur le devant de la scène après plus de dix ans d’absence, on est naturellement en droit de se demander si cela en vaut véritablement la peine. Si le groupe ne risque pas de foutre en l’air en l’espace d’une petite heure tout son héritage et si surtout si ce qu’il fait à encore du sens aujourd’hui. En ce qui me concerne, il aura fallu attendre le décès de Chris Cornell et cette série de chroniques autour de Soundgarden pour que je me décide à écouter cet ultime album, préférant systématiquement me tourner vers les classiques du groupe, ceux qui ont accompagné mon adolescence au milieu des années 90. Pourtant, si j’avais lu les quelques interviews données par le groupe à l’époque de sa sortie, j’aurai pu comprendre qu’il n’y avait pas vraiment d’inquiétudes à avoir puisque ce dernier était annoncé par Kym Thayil comme une suite à
Down On The Upside.
Et effectivement,
King Animal est à ce titre une bonne surprise puisqu’il renoue avec le Soundgarden d’une époque aujourd’hui révolue. Certes, on sent bien tout au long de l’album que les quatre garçons de Seattle ont mûri, qu’ils abordent tout cela avec plus de décontraction et surtout beaucoup moins de pression et que fatalement les choses ne sont plus vraiment ce qu’elles étaient mais en même temps il semble tout aussi évident que rien n’a vraiment changé et que ce qui faisait de Soundgarden un groupe à part dès la fin des années 80 continue quinze ans après son dernier album de marquer encore chacune de leur composition. L’album s’ouvre ainsi sur un "Been Away Too Long" dont le titre semble être un joli clin d’œil à cette longue absence. Un titre étonnamment très Rock pour une entrée en matière particulièrement rythmée qui d’emblée rassure sur les intentions du groupe. Les deux titres suivant s’inscrivent plus ou moins dans la même démarche puisque l’on retrouve pour notre plus grand plaisir cette batterie chaloupée, cette asymétrie caractéristique des compositions de Soundgarden, ces riffs lourds hérités de Black Sabbath qui apportent depuis toujours cette couleur Stoner Rock à la musique des Américains, ces délicieuses sonorités orientales toujours aussi bien intégrées à l’ensemble, cette atmosphère bluesy empruntée à Led Zeppelin et puis bien entendu cette voix inimitable toujours capable de vous filer des frissons à chacune de ses interventions. On ne va pas se mentir, ce retour (peu importe les raisons qui l’ont motivé), est une véritable bénédiction pour tous les amateurs de Grunge et notamment ceux qui n’ont jamais craché sur l’excellent
Down on The Upside. Car ce disque en est effectivement la suite directe. Des titres comme "Non-State Actor", "A Thousand Days Before" ou "Blood On The Valley Floor" auraient aisément pu y figurer.
Pour autant, les quatre Américains ne sont pas sans sortir de leur zone de confort en s’essayant à des choses plus ou moins nouvelles à commencer par "Attrition" ses "Hou hou" et son tambourin tout droit sortis d’un album de Queens Of The Stone Age. Même constat en ce qui concerne "Halfway There", titre Soft Rock/Pop un peu trop cheesy pour un groupe comme Soundgarden et qui pourtant s’avère particulièrement sympathique. "Black Saturday" et ce saxophone que l’on n’avait plus entendu chez le groupe de Seattle depuis
Badmotorfinger. "Eyelids Mouth" et son refrain aux sonorités étranges ou bien encore "Rowing" dont la première moitié prend des allures de complainte Delta Blues moderne et lancinante avant que les choses prennent encore davantage de lourdeur.
N’ayant pas misé un seul kopeck sur ce disque à sa sortie, je me régale aujourd’hui d’y trouver tout ce qui faisait le charme de Soundgarden à l’époque où le groupe choisissait de mettre fin à ses activités. Et c’est très probablement cette absence totale d’attentes à l’égard de ce sixième album qui me fait l’apprécier autant aujourd’hui. Dommage qu’il ait seulement fallu attendre le décès de Chris Cornell pour que je me m’y intéresse. En tout cas, si vous êtes de ceux qui apprécient particulièrement
Down On The Upside mais que vous avez choisi de faire l’impasse sur ce disque parce qu’effectivement ces quelques albums qui ont marqué les années 90 vous suffisent amplement, je vous invite tout de même à y glisser une oreille attentive, vous pourriez être agréablement surpris.
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