L’une des choses intéressantes lorsque l’on écrit des chroniques et que l’on prend le temps de se renseigner c’est que l’on finit toujours pas apprendre des choses que l’on ne savait ou ne soupçonnait pas. C’est ainsi en parcourant la page Wikipedia de Soundgarden que j’apprends que le groupe doit son nom à une
installation musicale située sur le terrain de la National Oceanic And Atmospheric Administration dont les locaux se trouvent sur les berges du lac Washington de Seattle. Allez, ne me faites pas croire que vous étiez déjà tous au courant ?
Paru en 1988 sur SST Records, label californien bien connu des amateurs de Punk/Hardcore de la première heure (Black Flag, Minutemen, Hüsker Dü, The Stains, The Descendents...),
Ultramega OK fait suite à deux EPs parus en 1987 et 1988 sur Sub Pop Records, célèbre label de Seattle responsable en grande partie de l’émergence du Grunge dès la fin des années 80 avec des artistes tels que Nirvana, Green River, Tad, L7, Screaming Trees ou bien encore Mudhoney. Ces deux EPs auront d’ailleurs un tel impact sur la scène Punk américaine que le groupe se verra rapidement courtisé par de gros labels ayant senti chez Soundgarden ce potentiel que l’on connait aujourd’hui. Mais le groupe, certainement peu enclin à se laisser mettre la main dessus par une de ces grandes majors choisira d’intégrer les rangs d’une petite structure de Los Angeles fondée sur les cendres d’un magasin d’électronique spécialisé dans le matériel radiophonique (SST étant l’acronyme de Solid State Transmitters).
Comme bon nombre de premiers albums,
Ultramega OK va être l’occasion pour les Américains de poser les bases d’un son et d’une identité en devenir. Né dans les années 60, vivant leur vingtaine au milieu des années 80, les membres de Soundgarden vont grandir pour la plupart au son des premiers groupes de Hard Rock et de Heavy Metal des années 70, prenant en pleine tronche l’émergence du Post-Punk, du Punk Rock, du Hardcore, et de ces contre-cultures naissantes dans l’underground américain au début des années 80. Un bouillon exaltant de révolte, d’anticonformisme, de testostérone et d’excitation juvénile que l’on va naturellement retrouver tout au long de ces quarante-deux minutes totalement foutraques mais qui attestent déjà très largement du savoir-faire de Soundgarden.
Si la production un brin étouffée n’a jamais satisfait le groupe qui à l’époque s’était vu flanqué par SST Records un producteur ne connaissant vraisemblablement pas grand chose à cette musique, celle-ci possède cependant un certain charme (qui trente ans plus tard est resté intact), témoignant très justement de cette époque où les groupes n’hésitaient pas à mélanger tout et n’importe quoi : Heavy/Doom à la Black Sabbath ("Beyond The Wheel"), Delta Blues revisité avec cette reprise de "Smokestack Lightning", Hard Rock à la Led Zeppelin ("Incessant Mace"), Punk/Hardcore à la Circle Jerks ("Circle Of Power", "Head Injury") dans un rendu parfois sans queue ni tête mais terriblement efficace, tout en bruit et en fureur. Kim Thayil gratte ainsi ses riffs déjà marqués par cette noirceur et cette envie de sortir des sentiers battus en laissant exprimer ses quelques délires psychédéliques. Les larsens, ces saturations et autres grésillements nourrissant ce caractère approximatif et je m’en foutiste d’une scène Grunge qui n’en est alors qu’à ses premiers balbutiements. Derrière ses fûts, Matt Cameron tape comme un sourd alors que la basse d’Hiro Yamamoto rebondit dans tous les sens. Et puis bien sûr il y a Chris Cornell, figure d’ors et déjà emblématique et tout à fait indissociable de Soundgarden à cause de cette voix incroyable et si singulière. Il a d’ailleurs toujours été admis que cette faculté qu’il avait à monter dans les aigus et à escalader les octaves (même si comme sur son successeur, il joue ici un peu moins avec le spectre bas de sa voix) était l’un des principaux traits de caractère de Soundgarden et surtout l’une de ses qualités majeures. Il ne fait aucun doute que cette voix capable d’être tantôt haut-perchée tantôt menaçante tout ça sur un seul et même morceau (par exemple sur l’excellent "Beyond The Wheel" avec cette voix déclamatoire menaçante en guise d’introduction suivi quelques secondes plus tard par ces cris haut-perchés empruntant largement au Heavy Metal). Aujourd’hui comme hier, systématiquement, j’en ai des frissons qui âme parcourent l’échine. Assurément l’une des plus puissantes et plus belles voix du Rock.
Premier album intense, parfois bancale et un petit peu brouillon mais toujours ultra efficace,
Ultramega OK cristallise en l’espace de quarante-deux minutes l’essence même de la scène Grunge de Seattle à la fin des années 80. Un désir de rébellion, de renouveau, l’envie de créer quelque chose qui n’appartiennent qu’à eux à travers une relecture Punk et plus ou moins bordélique du Heavy Metal et du Hard Rock des années 70. Certes, Soundgarden tâtonne, essaie, se plante parfois (ces interludes "665" et "667" ne sont franchement pas indispensables) mais justement c’est cette jeunesse encore palpable sur chaque titre de l’album qui donne à ce premier disque toute sa fraîcheur et tout son charme. Premier album de Soundgarden et l'un des premiers albums de la scène Grunge de Seattle (avec le
Rehab Doll de Green River, Malfunkshun n’ayant sorti que des démos et des EPs alors que les débuts Screaming Trees sont plus à ranger du côté du Garage Rock),
Ultramega OK est à bien des titres un album absolument incontournable pour tous les amateurs de Grunge en particulier et de Rock en général. Un indispensable en somme.
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