Phénomène popularisé aux débuts des années 90 par des médias en quête d’une nouvelle sensation musicale sur laquelle buzzer et des majors toujours aussi prompt à capitaliser sur ce genre de succès aussi soudain que lucratif, l’intérêt porté au Grunge (que l’on pourrait simplement qualifier de Rock alternatif) s’est naturellement éventé en l’espace de quelques années. Le suicide de Kurt Cobain en avril 1994 a certainement sonné la fin des festivités pour pas mal de monde, poussant ainsi ces mêmes rapaces à porter leurs intérêts sur d’autres genres comme le Punk Rock californien (The Offspring, Green Day...) ou encore le Neo Metal qui n’en était alors qu’à ses balbutiements avec la sortie du premier album de Korn.
Aussi, lorsque sort en 1996 le cinquième album de Soundgarden, on constate rapidement que les ventes sont loin d’être aussi exceptionnelles que pour son prédécesseur. Evidemment, ce critère n’a jamais permis d’établir la qualité d’un album mais il témoigne tout simplement de cette baisse d’intérêt généralisé pour ces groupes dont les plus grands succès commerciaux étaient déjà derrière eux. Une situation pas forcément évidente à gérer et qui va créer pas mal de tensions chez Soundgarden évidemment mais également chez d’autres comme Pearl Jam parti en guerre contre Ticketmaster et Alice In Chains plombé par les errances narcotiques du regretté Layne Staley. Cette deuxième moitié des années 90 va donc marquer un véritable tournant pour la scène Grunge, pas seulement en terme de popularité mais également en terme de son.
Après
Superunknown, Soundgarden décide d’appréhender l’enregistrement de son nouvel album différemment de d’habitude et choisi ainsi de rentrer en studio sans producteur, avec pour seul assistant un certain Adam Kasper avec qui le groupe a déjà collaboré dans le passé. Courageux mais pas téméraire, ces derniers reprennent naturellement le chemin des Bad Animals Studios (Alice In Chains, Tad, Pearl Jam, Deftones, Mad Season...) tout en s’autorisant quelques détours du côté du Litho Studio (Pearl Jam, Mudhoney, Deftones, Botch, Mastodon...) tenu et opéré par Stone Gossard de Pearl Jam. Un disque fait à la maison, enregistré avec beaucoup moins de pression extérieure et de contraintes mais néanmoins marqué par quelques tensions internes liées notamment à l’orientation que va donner Chris Cornell à la musique de Soundgarden et à sa position de leader de plus en plus marquée au sein du groupe. Une situation de déséquilibre qui va laisser alors bien peu de place à Kim Thayil pour composer (celui-ci n’est crédité que pour un seul morceau sur tout l’album - "Never The Machine Forever").
S’il s’inscrit bien évidemment dans la continuité des deux précédents albums de Soundgarden avec lesquels le groupe a forgé son style,
Down On The Upside s’en éloigne également discrètement. Moins sombre, moins lourde, moins tourmentée... la musique des Américains explore tout au long de ces soixante-cinq minutes une facette parfois plus mélodique à l’aide d’une instrumentation plus riche, sortant de ce schéma classique symbolisé par le trio guitare/basse/batterie. Une approche que Chris Cornell continuera d’ailleurs d’aborder par la suite avec plus ou moins de réussite dans la cadre de sa carrière solo entamée après le split de Soundgarden en 1997. Dispensés ici avec parcimonie, ces apports de piano, de mandoline, d’orgue, de synthétiseur Moog ou de guitare acoustique vont insuffler à l’aide de mélodies accrocheuses ("Pretty Noose", "Dusty", "Blow Up The Outside World", "Burden In My Hand"...) une atmosphère plus légère, parfois même lumineuse, à un album qui conserve pourtant tous les traits d’un disque de Soundgarden.
Car comme le dit l’adage, plus les choses changent et plus elles restent les mêmes.
Down On The Upside n’est ainsi pas fondamentalement si différent de ses prédécesseurs. Si l’album paraît effectivement moins lourd dans son ensemble, il conserve cependant une nature toujours très sombre et pesante grâce à quelques titres à l’atmosphère torturée. Bien sûr, "Applebite" est sûrement l’exemple le plus flagrant mais il y en a pourtant beaucoup d’autres comme "Zero Chance", "Blow Up The Outside World", "Burden In My Hand" et ses mélodies capables justement de vous filer le bourdon, "Never The Machine Forever" et son riffing de fin tout à fait étonnant, "Tighter And Tighter", "Overfloater" ou bien ce « Boot Camp » en guise de conclusion maussade. De la même manière, on retrouve sur ce cinquième album beaucoup de titres ayant hérité des influences Punk sur lesquelles s’est bâti la musique de Soundgarden. De "Ty Cobb" à "Never Named" tous les deux marqués par un piano aux excentricités savoureuses en passant par "No Attention" ou "An Unkind" plus classiques dans la forme,
Down On The Upside nous gratifie également de quelques brulots simples et accrocheurs menés pied au plancher. Si les choses ne sont donc effectivement plus tout à fait les mêmes, cela ne nous empêche pas de nous sentir ici comme à la maison.
Regardé de travers depuis sa sortie en 1996 et même complètement zappé par certains fans de Soundgarden,
Down On The Upside n’en demeure pas moins un album de choix dans une discographie relativement parfaite de bout en bout. On pourra lui reprocher ce que l’on veut comme le fait d’être globalement plus simple, moins sombre et davantage calibré pour le succès mais le fait est que ça n’a jamais été le cas. Ce cinquième album marque également la fin d’une période pour Soungarden vraisemblablement plombé par ces nombreuses querelles internes liées de près ou de loin au succès rencontrés par le groupe et à tout le battage médiatique qui a suivi l’avènement du Grunge au début des années 90. Des dissensions qui aboutiront en 1997 à la séparation du groupe, signant également une autre fin, celle du Grunge tel qu’on le connait. Libéré du poids de cette entreprise cannibalisante, Chris Cornell en profitera pour se lancer dans une carrière solo plus ou moins intéressante avant de fonder Audioslave au début des années 2000. Matt Cameron ira de son côté rejoindre les rangs de Pearl Jam en 2000 pour l’enregistrement de
Binaural. Un rôle qu’il tient d’ailleurs encore aujourd’hui. Enfin, Kim Thayil et Ben Shepherd choisiront quant à eux de rester dans l’ombre jusqu’à ce que Soundgarden ne se décide à refaire parler de lui courant 2012 avec la sortie de
King Animal, ultime album d’une formation tout simplement remarquable ayant marqué plus d’une génération d’amateurs de Rock.
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