Désolé mais cette année je risque un peu de vous saouler avec Pearl Jam… Déjà parce que le groupe s’apprête à sortir d’ici quelques semaines son onzième album. Une sortie qui sera accompagnée cet été par une tournée européenne à laquelle j’assisterai le temps de deux dates que j’attends avec beaucoup d’impatience. Une première pour moi qui suit pourtant le groupe depuis la sortie de ce premier album il y a bientôt trente ans. Il faut dire aussi que je n’ai pas été très assidu, délaissant la formation américaine pendant de longues années (juste après la sortie de
Vitalogy) avant d’y revenir (et découvrir sur le tard tous ces albums sortis depuis) habité par ce sentiment de nostalgie qui touche à peu de chose près tous ceux qui commencent à prendre de l’âge et à regarder avec un brin d’émotion les années passées... Donc ne m’en voulez pas trop si dans les mois à venir la rubrique "Remember" se retrouve quelque peu saturée d’albums de Grunge qui n’intéressent peut-être pas grand monde ici (quoi que...).
Sorti le 27 août 1991,
Ten est le premier album de Pearl Jam et probablement l’un des plus emblématiques de sa longue carrière. Mais avant de nous y intéresser plus en détails, laissez-moi vous planter (à nouveau) le décor. Nous sommes le 19 mars 1990 et Andrew Wood, chanteur charismatique et haut en couleurs des prometteurs Mother Love Bone vient malheureusement de décéder après trois jours passés dans le coma. Le groupe n’a pas d’autre choix que de se séparer, laissant Jeff Ament et Stone Gossard dans un bien triste état après cette tragique et soudaine disparition. Les deux qui jouent ensemble depuis 1984 (d’abord avec Green River puis avec Mother Love Bone) finissent par couper les ponts. Durant cette période de deuil, Stone Gossard va renouer avec son ami d’enfance Mike McCready. Ce dernier, après quelques mois passés en sa compagnie à composer de nouveaux morceaux, va alors l’encourager à reprendre contact avec Jeff Ament dans l’idée de fonder un groupe ensemble. Si entre temps, les trois sont invités par Chris Cornell à participer à l’aventure Temple Of The Dog, ils continuent néanmoins à travailler sur leur projet commun. À la recherche d’un chanteur et d’un batteur, ils donnent une démo cinq titres à leur ami batteur Jack Irons dans l’espoir de le recruter. Occupé avec les Red Hot Chili Peppers, celui-ci passe sur l’invitation mais transmet néanmoins cette cassette à un ami. Alors employé à mi-temps dans une station-service de San Diego, Eddie Vedder va après une seule écoute écrire les paroles de trois des cinq morceaux présents sur cette démo. Paroles qu’il va ensuite enregistrer et renvoyer au groupe. Impressionnés par ce qu’ils entendent, Ament, Gossard et McCready décident de faire venir Eddie Vedder à Seattle le plus rapidement possible. L’affaire sera bouclée avec l’arrivée de Dave Krusen dans les rangs de la formation baptisée à l’époque Mookie Blaylock, du nom du joueur de NBA alors en activité chez les Nets.
Les choses vont alors très rapidement se mettre en marche. Après avoir ouvert pour Alice In Chains à Seattle fin 90, le groupe se retrouve embarqué début 1991 sur la tournée US accompagnant la sortie de l’album
Facelift. Très vite, Mookie Blaylock attire l’attention d’Epic Records qui va leur offrir un deal et leur suggérer au passage de changer de nom pour des raisons juridiques et légales évidentes. Rebaptisé Pearl Jam, le groupe entre alors en mars 1991 aux fameux London Bridge Studios sous la direction du producteur Rick Parashar avec qui ils ont pour la plupart déjà collaboré lors de l’enregistrement de l’album de Temple Of The Dog. Composé essentiellement par Jeff Ament et Stone Gossard, l’enregistrement de
Ten (le numéro que porte Mookie Blaylock en NBA) n’aura duré qu’un mois. Après un petit passage dans la campagne londonienne pour une séance de mixage, réenregistrements et autres fignolages de dernières minutes,
Ten voit le jour le 27 août 1991, soit quasiment un mois jour pour jour avant les sorties de
Nevermind et
Badmotorfinger. Et oui…
Moins déglingué et Punk qu’un Nirvana, moins lourd et torturé qu’un Alice In Chains ou un Soundgarden, Pearl Jam va faire une entrée fracassante (mais pas immédiate) dans le milieu du Rock Alternatif américain grâce à un premier album beaucoup plus fédérateur que ceux de ses paires originaires de Seattle. Bien entendu, la production plus propre et ambitieuse que celle d’un
Bleach ou d’un
Ultramega OK va évidemment jouer dans la balance mais ce sont surtout ces influences héritées du Hard Rock / Classic Rock 70’s parfaitement assumées ici par Jeff Ament, Stone Gossard et surtout Mike McCready (un jeu de guitare absolument impeccable, illuminé par des solos à vous hérisser le poil (celui de "Alive" me fait toujours autant d’effet aujourd'hui qu’il y a trente ans) et doté d’un feeling qui touche à la perfection (ce feeling Blues/Rock déjà largement mis en valeur sur l’album de Temple Of The Dog) qui vont permettre à Pearl Jam de se créer, à l’instar de ces trois groupes majeurs, une identité aussi forte et marquée. Pour autant, derrière cet aspect plus polissé et radio-friendly, on retrouve les paroles angoissées et peu réjouissantes d’une jeunesse touchée par les mêmes maux et les mêmes angoisses : la drogue, la solitude, la dépression, le suicide et autres sujets de société (celui des armes à feux abordé ici sur "Jeremy" dont les paroles sont inspirées d’un fait réel où un élève a mis fin à ses jours devant ses camarades de classe). Avec sa voix à la tessiture grave, sa fougue et son insouciance non feinte et surtout cette prononciation si particulière (qui d’ailleurs donnera lieu à un sketch assez hilarant d’Adam Sandler lors d’un épisode du Saturday Night Live (
ici)), Eddie Vedder s’est ainsi très vite installé aux commandes du vaisseau Pearl Jam, portant à travers son instrument et ses paroles empruntant (en partie) à son histoire personnelle ("Once", "Alive"...) la voix de toute une génération, la sienne, la votre, la mienne, celle de Dennis Rodman alors sur le point de commettre
l'irréparable... Ces thèmes vont naturellement apporter une réelle profondeur ainsi qu’une atmosphère pour le moins mélancolique à un premier album maîtrisé d’un bout à l’autre.
Car c’est aussi l’une des choses les plus surprenantes à la découverte de
Ten, cette justesse à tous les niveaux, cette assurance dans l’exécution, ces performances individuelles absolument indiscutables au service d’un ensemble aujourd'hui encore quasiment intouchable. Quasiment car Pearl Jam finira avec le temps par évoquer quelques réserves quant au mixage de l’époque signé Tim Palmer (U2, Ozzy Osbourne, Robert Plant, The Cure...). Réserves qui conduiront d’ailleurs le groupe à solliciter l’expertise de Brendan O'Brien pour une version "Redux" parue en 2009. Bref,
Ten est le premier album d’un groupe qui sait déjà très bien où il va et qui a su mettre à profit chacune de ses individualités dans le but de créer quelque chose d’unique, de fort et de fédérateur. Tirant à l’époque son épingle du jeu grâce à des prestations scéniques particulièrement intenses qui à partir de 1992 vont faire de Pearl Jam un groupe incontournable dans le paysage alternatif (
Smells Like Teen Spirit n’ayant pas fait que qu’éclipser la sortie de
Badmotorfinger), le groupe peut encore aujourd’hui se targuer d’avoir sorti l’un des plus gros succès de l’histoire du Rock (13 millions d’exemplaires vendus en 2013 aux Etats-Unis seulement).
Si des titres tels que "Smells Like Teen Spirit", "Black Hole Sun" ou bien encore "Man In The Box" figurent sur la liste des hymnes d’une génération d’adolescents ayant vécu de plein fouet les années 90, Pearl Jam n’a pas manqué d’y trouver sa place. A vrai dire,
Ten en est truffé du début à la fin avec évidemment ces incontournables que sont rapidement devenus des titres comme "Once", "Even Flow", "Alive" ou "Jeremy" mais aussi d’autres titres plus discrets mais non moins mémorables. Si on peut évidemment citer "Black" qui fait ici figure de chouette ballade placée à mi-parcours, je retiens également les excellents "Why Go", "Porch", "Deep" et surtout le poignant "Release" qui est probablement l’un de mes titres préférés de Pearl Jam ainsi que l’un des plus belles manières de conclure un premier album aussi marquant.
Comme souvent avec ce genre de disques, j’ai tendance à m’étendre en longueur... Si vous êtes encore là à lire ces lignes, félicitations et merci. D’autant plus que
Ten est un disque qui aujourd'hui ne nécessite plus aucune forme d’introduction. En attendant, il est en tout cas de ceux qui ont marqué toute une génération au même titre que l’on fait un peu avant ou un peu après des albums tels que
Siamese Dream,
Dirt,
Superunknown et bien entendu
Smells Like Teen Spirit. Sans aucune forme de redite,
Ten atteste encore un peu plus de toute la singularité de la scène de Seattle et plus généralement de ce mouvement Grunge inventé de toute pièce par les médias de l’époque en quête de quelque chose sur lequel faire du buzz et donc de l’argent. Bref, ceci était ma modeste déclaration d’amour à un disque que je continuerai d’écouter avec le même plaisir dans vingt ans. Je vous dit au mois prochain pour aborder avec autant d’émotion et de nostalgie le cas de
Vs.
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