Nous aurions pu tout à fait clore le chapitre Pearl Jam entamé en début d’année avec la chronique de ce
Lightning Bolt publiée le mois dernier mais à vrai dire je n’en ai jamais eu l’intention (pas la peine de soupirer, ça va, hein...). Alors je vous rassure, il n’est pas question d’évoquer ici dans le détails les centaines de bootlegs officiels proposés par le groupe lui-même mais plutôt de revenir sur quelques sorties moins "populaires" (ou en tout cas "grand public") mais qui pourtant méritent toute votre attention si vous êtes évidemment amateurs du groupe de Seattle. Du célèbre MTV Unplugged sorti officiellement l’année dernière pour le Record Store Day en passant par
Lost Dogs, généreuse compilation de trente titres pour plus de soixante et onze minutes ou bien encore cette collaboration avec le grand Neil Young le temps d’un album formidable (
Mirror Ball) et ce
Merkingball qui lui a succédé quelques mois plus tard). Bref, il y a encore de quoi faire ce qui veut dire que vous n’avez pas fini d’en bouffer...
Avant toute chose, rappelons tout de même que les MTV Unplugged ne se limitent pas aux seules performances de Nirvana, Alice In Chains ou Stone Temple Pilot. La série lancée en 1989 et qui continue encore aujourd’hui d’être produite par la célèbre chaîne américaine, à vu en effet passer sur ses tabourets tout un tas d’artistes issus d’horizons et d’univers bien différents. De Bob Dylan à Bruce Springsteen en passant par Kiss, Hole, Midnight Oil, Lauryn Hill, Phil Collins ou encore Eric Clapton, il y en a toujours eu pour tous les goûts... Et c’est probablement de cette diversité que vient le succès de cette série dont la durée des épisodes, face à un engouement qui ne s’est jamais démenti, est passée après quelques années seulement de trente minutes à plus d’une heure...
C’est le 16 mars 1992 que Pearl Jam enregistre aux Kaufman Astoria Studios de New York sa participation à la célèbre émission télévisée. Une participation née d’une certaine l’audace de la part de MTV puisqu’au moment des faits, le groupe de Seattle ne compte qu’un seul single diffusé alors sur les ondes ("Alive") et que le petit monde du Rock alternatif n’a d’yeux à l’époque que pour les trois garçons de Nirvana... C’est ainsi aux alentours de minuit, après les prestations de Mariah Carey et Boyz II Men, que les cinq trublions de Seattle prennent place en studio face à six caméras, une tripotée de micros et un public qui encore aujourd’hui doit certainement chérir ce moment pour ce qui restera l’un des meilleurs épisodes de la série. Du coup, aussi surprenant que cela puisse paraître, ce dernier ne sortira officiellement que vingt-sept ans plus tard dans le cadre du Record Store Day 2019. Bien sûr, les fans n’auront pas attendu l’année dernière pour poser une oreille sur ce live depuis longtemps piraté mais ce qu’il faut néanmoins retenir c’est qu’il s’agit bien de la première fois que celui-ci est proposé sous la forme d’une édition à part entière en non comme un simple bonus puisque ce live figurait déjà sur la réédition deluxe de
Ten sortie en 2009. Pour la petite histoire sachez également que sur huit titres enregistrés ce jour, seuls sept ont été diffusés par MTV, qui plus est dans le désordre. À l’occasion de cette sortie particulièrement attendue, Pearl Jam a donc rétabli un semblant de justice en réarrangeant la setlist comme il se doit mais en omettant tout de même d’y inclure sa célèbre reprise de Neil Young ("Rockin’ In The Free World") jouée normalement à la toute fin. Tant pis... On aurait également apprécié un peu plus qu’un simple vinyle gatefold sans insert, photos ni notes contextuelles. Ce n’est pas grand chose mais quand on compare cet album live à ceux de Nirvana, Alice In Chains et compagnie, on se dit qu’il y aurait eu moyen de faire tout de même davantage d’autant que ce n’est pas la matière qui doit manquer... Enfin, puisque nous en sommes à râler, on peut également évoquer ce mixage pas très heureux où les guitares de Stone Gossard et Mike McCready sévèrement être légèrement en retrait par rapport aux autres instruments. Pas de quoi nous empêcher d’apprécier le moment mais suffisamment évident pour que j’en fasse mention ici.
Heureusement, ce sont là les seuls petites critiques que l’on peut émettre au sujet de ce
MTV Unplugged puisqu’avec un seul album à son actif, la setlist proposée ce soir là par les Américains ne pourra que ravir les amateurs de la première heure. De "Oceans" à "Alive" en passant par "Black", "Jeremy", "Even Flow" ou "Porch", on frise ici la perfection (même si je n’aurai pas craché sur un "Once" ou un "Release"). À ces quelques titres que l’on ne présente plus aujourd’hui il faut également ajouter "State Of Love And Trust", morceau inédit issu des sessions d’enregistrement de
Ten et figurant sur la bande-originale du film Singles.
Mais outre une setlist quasi-parfaite, ce qu’il faut surtout retenir de cet épisode c’est l’énergie et la fougue que réussi à transmettre Pearl Jam dans un cadre aussi intimiste que celui-ci ainsi que ce farouche esprit de liberté qui d’ailleurs ne l’a jamais quitté. En effet, loin de chercher à s’inscrire dans la continuité des précédents épisodes de la série et d’une manière générale dans ce que l’on peut imaginer d’un concert débranché devant une petite centaine de personnes, les cinq américains vont aborder l’exercice du live unplugged comme un concert à part entière ou presque. Pour commencer, il faut souligner le jeu particulièrement sec et nerveux de Dave Abbruzzese qui cogne sur ses fûts et ses cymbales comme s’il jouait dans un stade devant 70000 personnes. Eddie Vedder n’est lui non plus pas en reste grâce à une interprétation vocale tout aussi habitée, laissant transparaitre (et encore plus à l’image) cette passion et cette sincérité qu’il a toujours su insuffler avec justesse et énergie dans ses prestations. C’est notamment sur le titre "Porch" qui clôture ici cet enregistrement. Naturellement vous ne le verrez pas en écoutant ce titre mais sur la vidéo que vous pouvez trouver ici sur votre droite on peut y voir Eddie Vedder faire l’imbécile, tombant exprès de son tabouret pour ensuite y faire la planche et finalement y monter et profiter de l’occasion pour inscrire au marqueur "Pro-Choice" sur son bras gauche. Jeff Ament, encouragé par le comportement loufoque de son camarade en profitera lui aussi pour se lever de son siège et aller se tenir debout sur la grosse caisse de Dave pour un solo de basse improvisé…
Vous comprendrez alors pourquoi, loin de la prestation tranquille et formatée suggérée en temps normal par les spécificités liées à l’exercice et au cadre (plus ou moins) imposé par MTV, ce live s’est rapidement imposé comme l’un des plus célèbres de la série. Un
MTV Unplugged dont l’esprit diffère quelque peu de ceux proposés plus tard par Nirvana et Alice In Chains (pour rester dans ceux que je connais) mais qui n’en demeure pas moins absolument indispensable pour tous les amateurs de Grunge ayant grandit dans les années 90 et bercés à l’époque par tous ces clips et autre programmes spécifiques (Beavis & Butthead, Daria, Headbangers Ball...) ayant fait la renommé de MTV. Pourquoi a-t-il fallu attendre vingt sept longues années avant que Pearl Jam ne se décide enfin à sortir ce live de manière officielle ? Je ne sais pas... Quoi qu’il en soit, si je lui préfère ceux de Nirvana et Alice In Chains, notamment parce que je le les ai découverts à l’époque, ce
MTV Unplugged n’en reste pas moins un excellent cru et le témoin d’une époque aujourd’hui révolue que beaucoup continuent pourtant de chérir avec un brin de nostalgie. Ahlala, c'est pas beau de vieillir...
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