Si la collaboration entre Neil Young et Pearl Jam n’a jamais été plus loin que ce qu’il nous a été donné d’entendre dans le cadre du pourtant très chouette
Mirror Ball (nombreux sont ceux qui estiment que Pearl Jam n’a servi que de "backing band"), c’est en grande partie parce qu’Eddie Vedder a dû faire face à la même époque à un très sérieux problème de harcèlement l’empêchant tout simplement de sortir de chez lui pour se rendre en studio (pour la faire courte, une femme hallucinée pensant qu’il était la réincarnation de Jesus avec qui elle aurait eu ses deux enfants après qu’il l’ait violé, est allée au volant de sa voiture s’encastrer violemment dans le mur de sa maison). Un triste coup du sort pour ce grand amateur du Loner qui aurait certainement apprécié de chanter en compagnie du rocker canadien.
Il y a cependant une autre explication à cela et celle-ci est à chercher du côté de Capitol Records et Reprise Records qui à l’époque n’ont pas su s’entendre sur certains des termes de cette collaboration. Des complications légales qui empêcheront ainsi Pearl Jam de voir son nom figurer sur l’album et ces deux titres, pourtant enregistrés juste après les sessions de
Mirror Ball, d’apparaître au tracklisting. Décidément quand ça ne veut pas, ça ne veut pas...
Bien décidé à ne pas laisser ces deux morceaux pourrir dans l’ombre de cette sortie, les cinq garçons de Pearl Jam choisiront d’en faire un EP quelques mois plus tard. C’est ainsi en décembre 1995 (soit quatre mois seulement après la parution de
Mirror Ball) que sort
Merkin Ball, modeste compagnon de cette collaboration (c’est d’ailleurs écrit au dos) qui en dépit de son maigre contenu et de sa durée pour le moins réduite (moins de onze minutes) rencontrera un certain succès à travers le monde puisqu’il figurera en bonne place dans quelques charts, notamment aux Etats-Unis, en Australie, en Finlande, en Norvège ou au Danemark.
Alors si le titre est évidemment un clin d’oeil à l’album de Neil Young (et Pearl Jam), l’artwork et ses teintes marrons ainsi que le packaging cartonné le sont tout autant. D’ailleurs, le groupe l’a bel et bien pensé comme un compagnon puisqu’il est même allé jusque’à l’inscrire au dos. Mais au-delà de ces liens de parentés évidents,
Merkin Ball est surtout la première sortie officielle de Pearl Jam avec le batteur Jack Irons (ex-Red Hot Chili Peppers) venu remplacer un Dave Abbruzzese congédié avec fracas quelques mois plus tôt et le seul disque de cette période (de
Vs. à
Yield) à ne pas avoir été produit par Brendan O’Brien. C’est en effet Brett Eliason, ingénieur du son de Pearl Jam qui signera l’enregistrement et la production de ces deux morceaux aux Bad Animals Studios de Seattle.
Ecrits et composés par Eddie Vedder, ces deux morceaux sont marqués par la participation de quelques invités de renoms. "I Got Id" voit ainsi Jeff Ament laisser sa place à Brendan O’Brien alors que Neil Young va quant à lui venir taper l’incruste sur chaque titre afin de poser un brin de voix, quelques notes de guitare et un soupçon d’orgue à pompe. Alors ce n’est pas ça qui risque de bouleverser l’identité de Pearl Jam (surtout qu’Eddie a retrouvé sa place derrière le micro) mais cela reste suffisamment remarquable pour que cela soit précisé.
De la même manière, si ces deux morceaux ne figurent pas sur la liste des titres les plus connus ni même parmi les meilleurs qu’ait composé le groupe de Seattle, je les trouve en ce qui me concerne particulièrement attachants. EP de l’entre-deux,
Merkin Ball va servir en quelque sorte à faire le pont entre le Pearl Jam de
Vitalogy et celui de
No Code. Alors c’est vrai, on ne peut pas dire qu’il y ait beaucoup de différences entre ces deux albums marqués l’un et l’autre par une musique plus abrasive et dépouillée, plus Folk également mais c’est peut-être surtout cette différence de ton entre un "I Got Id" plus direct et énergique avec notamment ce jeu de guitare et ces quelques solos simples mais hyper bien ficelés (mais j’aurai également pu évoquer cette batterie dynamique, cette basse rondelette ou le chant toujours aussi envoutant d’Eddie Vedder) et ce "Long Road" plus lancinant et contemplatif avec cet orgue à pompe enivrant (et plus globalement avec les titres de
Mirror Ball) qui me procure cette impression.
Souvent jugés bien dispensables à cause de leur format mais aussi parce que nombreux pensent encore que les groupes aiment y glisser uniquement de la face B au mieux anecdotique, au pire dégueulasse,
Merkin Ball est un disque qui n’est pas nécessairement connu de tous les amateurs de Pearl Jam. À tord car en dépit de ses seulement onze minutes et de son lien de parenté avec l’album de Neil Young, celui-ci se caractérise également par deux titres particulièrement excellents très encrés dans le Pearl Jam de l’époque, c’est à dire à cheval entre
Vitalogy et
No Code. Ouais, c’est court (et probablement trop cher pour ce que c’est) mais qu’est-ce que c’est bon !
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