Je ne m’étais jamais vraiment préoccupé du premier album des filles de L7 avant d’entamer la chronique de
Smell The Magic il y a un petit peu plus de deux ans. À cela plusieurs raisons même si la plus évidente est qu’au début des années 90, si vous n’aviez personne pour vous mettre le nez dans ce qu’il était bon d’écouter, bien des groupes et des sorties vous passaient sous le nez sans même en avoir conscience. L’arrivée d’Internet dans les foyers a considérablement changé la donne en permettant à n’importe qui d’aller chercher n’importe quoi mais même à l’époque du regretté boitier 56k, j’avoue n’avoir jamais fait l’effort d’aller voir ce que le groupe de Los Angeles avait pu faire d’autre en dehors des excellents
Bricks Are Heavy et
Hungry For Stink. Une erreur désormais corrigée qui m’aura permis au passage d’en apprendre un petit peu plus sur l’histoire de L7.
La chose la plus surprenante est que le groupe formé en 1985 par Donita Sparks et Suzi Gardner a par l’intermédiaire de Jennifer Finch trouvé refuge chez Epitaph Records dès 1988. Alors oui, présenté comme cela, il n’y a aucune raison apparente de s’en étonner sauf qu’ayant vécu une partie de mon adolescence au son des productions du célèbre label californien (NOFX, Bad Religion, Pennywise, Rancid, The Offspring, Down By Law...), apprendre que L7 a lui aussi fait parti de l’aventure du label de Brett Gurewitz m’a quelque peu surpris. La seconde est que la formation n’a pas toujours été ce que l’on appelle un "all-female band" comme se plaisent parfois à le vendre certains labels. À l’époque de ce premier album, la batterie était en effet tenue par un certain Roy Koutsky aujourd’hui disparu. Sa contribution à L7 n’aura duré que trois petites années puisqu’il sera remplacé dès 1988 par Anne Anderson qui elle même laissera sa place deux ans plus tard à Demetra Plakas.
Premier album oblige,
L7 est sans conteste l’album le plus Punk composé à ce jour par les californiennes. Une évidence portée dès l’artwork par cette photo agitée sur laquelle on peut y distinguer (pas facile avec ce grain argentique particulièrement prononcé) le noyau dur de la formation (Donita, Suzi et Jennifer) dans l’exercice de ses fonctions. Un instantané qui en dit long sur le groupe, son énergie et l’intensité de ses prestations qui auront marqué le public dès la fin des années 80 et ce jusqu’à aujourd’hui (peut-être vous souvenez-vous de leur passage mouvementé sur la croisette de Cannes dans l’émission Nulle Part Ailleurs ?). Quoi qu’il en soit, L7 jouit depuis toujours d’une réputation de groupe chaotique et sauvage et ce certainement n’est pas avec ce premier album bruyant, chaotique et parfois même imparfait que les filles feront preuve de retenue et de pudeur.
Chapeauté par Brett Gurewitz, ce premier album bénéficie encore aujourd’hui d’une excellente production à la fois naturelle et dépouillée mais également pleine de caractère. Aussi, en dépit d’une approche sensiblement plus Punk et déglinguée, les guitares particulièrement épaisses et abrasives apportent effectivement cette couleur "Grunge" ou devrais-je dire Alternative Rock aux compositions des Californiennes. Des compositions qui ne s’embarrassent d’aucune fioriture puisqu’à l’exception d’un "Uncle Bob" affiché à plus de six minutes, les autres titres dépassent rarement la barre des trois minutes ("Let’s Rock" et "Runnin’ From The Law").
Disque varié ne serait-ce que d’un point de vue dynamique,
L7 enchaîne en effet les hymnes Punk fédérateurs menés à bonne allure ("Bite The Wax Tadpole", "Cat O' Nine Tails", "Metal Stampede", "Runnin' From The Law", "It's Not You", "Ms 45") et les morceaux mid-tempo particulièrement entêtants ("Let’s Rock", "Uncle Bob", "Snake Charmer", "Cool Out", "I Drink"). De fait, ce premier album n’est pas bien différent (au moins sur le fond) de ce qui suivra puisque l’on va retrouver dans les grandes lignes tout ce qui fait le charme de L7 sur ses sorties les plus emblématiques. De ces riffs à trois notes aussi simples et abrasifs qu’obsédants à cette batterie naturelle tout aussi rudimentaire dans les patterns qui nous sont proposés (grosse caisse, caisse claire et charley pour l’essentiel avec tout de même un peu de cymbales) en passant par cette énergie communicative et bon enfant, ces quelques mélodies que l’on a tous déjà entendu ailleurs sans savoir d’où elles proviennes comme sur "Metal Stampede" à 0:59 ou "Snake Handler" à 0:47, la voix éraillée, hurlée et parfois même exagérée de Donita Sparks ou bien celle plus douce de Suzi Gardner, ces solos déglingués (mention particulière pour celui de "Uncle Bob" que les filles vont tenir pendant plus de quatre minutes) et bien évidemment ces paroles pleines de cette jeunesse insouciante :
"Let's rock tonight. Let your hair down. Don’t be so uptight. Come on let's rock and roll. You rocked my body. Now you're rocking my soul"... Bref, l’ensemble tient déjà extrêmement bien la route même si ce on pourrait tout de même pointer du doigt quelques petits défauts (« Uncle Bob » qui tire peut-être un peu trop en longueur et dont le caractère répétitif renforce inévitablement cette impression, l’aspect parfois un poil trop foutraque au détriment du reste, les compositions forcément un poil trop simples malgré leur efficacité) histoire quand même de dire que tout n’est pas parfait.
Découvert sur le tard, il était couru d’avance que je continue à lui préférer
Bricks Are Heavy et
Hungry For Stink que j’ai découvert pendant mon adolescence mais pour autant, ce premier album éponyme réunit déjà tout ce que l’on aime chez L7 avec, cerise sur le gâteau, une production aux petits oignons qui sied à ravir ce genre de Rock Alternatif ultra abrasif. Certes, celui-ci s’avère parfois un poil trop rudimentaire dans sa composition (riffs excessivement simples, plans de batterie qui le sont tout autant) mais pour le reste, tout est déjà bien en place à commencer par cette énergie et cette nature bordélique qui confèrent à L7 un charme fou et qui semble dire à ceux qui oseraient le contester que les filles ont également leur mot à dire et qu’elle peuvent faire aussi bien sinon mieux que leurs homologues masculins. Pour faire court, voilà ce que l’on appelle une entrée en matière des plus convaincantes.
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