Récemment, la question s'est posée au sein de la rédaction de Thrashocore de savoir s'il serait judicieux ou non de revenir sur quelques albums Grunge ayant marqués les années 80/90. Si pour certains, ces albums semblent quelque peu sortir de la ligne éditoriale fixée par votre webzine préféré, d'autres comme moi pensent au contraire que ces groupes y ont tout à fait leur place. Il faut dire qu'en jeune trentenaire que je suis, Alice In Chains, Nirvana, Soundgarden ou encore Smashing Pumpkins font partis de ces groupes qui ont accompagnés une grande partie de mon adolescence. Revenir aujourd'hui sur des albums comme
Dirt,
Nevermind,
Superunknown ou
Siamese Dream est en quelque sorte une façon de leur rendre hommage après des années de bons et loyaux services. Ainsi, les nostalgiques comme moi se feront un plaisir de retrouver Alice In Chains (et d'autres à venir) sur Thrashocore alors que les plus jeunes pourront sûrement parfaire leur culture en se plongeant dans la musique qui a marqué les années 90.
Et si Alice In Chains ne nécessite aujourd'hui aucune forme d'introduction, revenons cependant sur le contexte qui entoure la sortie de ce premier album. Le groupe se forme en 1987 sous l'impulsion de Jerry Cantrell. Ce dernier propose alors à Layne Staley de rejoindre le groupe puisque les deux hommes se connaissent déjà très bien à l'époque. Après avoir écumés de nombreuses salles de la côte nord-ouest, Alice In Chains est repéré par un promoteur local qui leur proposera d'enregistrer en 1988 leur première démo intitulée
The Treehouse Tapes. De fil en aiguille, celle-ci finira par atterrir l'année suivante sur le bureau d'un certain Don Ienner, à l'époque grand patron de Columbia. Un contrat, une signature et un chèque plus tard, voilà que le groupe de Seattle rejoint l'une des plus grosses majors de l'histoire du disque.
Mais malgré l'enthousiasme grandissant de ces maisons de disques pour ce que l'on nomme communément le Grunge, le succès ne semble pas encore tout à fait au rendez-vous. Les deux premiers albums de Soundgarden ont beau se vendre sans trop de problème, la renommé du groupe demeure malgré tout confidentielle, tout comme celle de Nirvana qui vient juste de sortir son premier album, le très bruyant
Bleach. Même rengaine pour le premier album d'Alice In Chains dont la sortie c'est pourtant faite quelques mois plus tard, en août 1990. Il faudra ainsi attendre la diffusion massive du clip de "Man In A Box" sur MTV pour que les choses s'accélèrent enfin, faisant alors grimper les ventes de moins de 40000 exemplaires en six mois à plus de 400000 en six semaines. Le Grunge est alors lancé et parti pour occuper le sommet des charts pour quelques années.
Je vais être franc,
Facelift n'est pas mon album de prédilection dans la discographie d'Alice In Chains. Je lui préfère sans surprise l'excellent
Dirt devenu aujourd'hui totalement incontournable. L'une des raisons à cela est notamment due au fait que c'est avec ce deuxième album que j'ai découvert le groupe au début des années 90 et qu'une partie de mes souvenirs d'adolescent lui sont associés. Mais ce n'est pas la seule raison car
Facelift, avec son statut de premier album, révèle avec le recul un certain manque de maturité, un côté léger presque pop et par conséquent une personnalité moins affirmée. On le constate notamment avec des titres comme "Sea Of Sorrow" et son refrain accrocheur et surtout son instrumentation au piano proche d'un Guns'N'Roses, le très rock'n'roll "Put You Down" et son côté FM qui en font presque un véritable tube et bien sûr le déroutant et très funky "I Know Somethin' (Bout You)" avec cette guitare cocotte, cette caisse claire blindée de réverb' et cette basse pleine de groove (probablement l'un des titres que j'aime le moins sur cet album). Un ensemble d'éléments contribuant à créer des atmosphères légères et détendues qui ne sont pourtant pas ce qui définissent le mieux Alice In Chains. C'est d'autant plus déroutant que ces atmosphères, peu nombreuses, sont amenées à côtoyer des ambiances beaucoup plus sombres et désabusées.
Car si
Facelift n'est pas totalement représentatif du Alice In Chains à venir, l'essentiel de l'album est tout de même composé de titres aux atmosphères nettement plus sombres. Pourtant ce dernier commence avec une série de titres relativement accrocheurs à commencer par le redoutable "We Die Young". Court et ultra incisif, ce titre brille notamment par les riffs agressifs de Jerry Cantrell et son côté hyper dynamique. Vient ensuite le deuxième single de l'album, l'excellent "Man In The Box" grâce auquel Alice In Chains va connaître le succès. Moins rentre-dedans, ce dernier vaut notamment pour son excellent refrain sur lequel la voix de Layne Staley fait, comme toujours, des merveilles. Après un "Sea Of Sorrow" très accrocheur évoqué plus haut, l'ambiance s'alourdit avec une série de titres amers et pas des plus optimistes: "Bleed The Freak" et ses riff nerveux, sa guitare acoustique, son atmosphère orageuse, son refrain envoûtant. L'ambivalent "I Can't Remember" partagé entre des passages acoustiques tout en retenue et des riffs plus électriques. "Love, Hate, Love" et son atmosphère pesante et mélancolique, les envolées vocales d'un Layne Staley complètement paumé et la noirceur de l'excellent solo de Cantrell. "It Ain't Like That" en apparence plus léger notamment grâce au travail vocal de Layne mais pourtant menaçant de par ses riffs entêtants. "Sunshine" qui n'a de lumineux que le titre et enfin "Confusion" et ses mélodies vaporeuses, son excellent refrain à vous hérissez le poils ("Love, sex, pain, confusion, suffering") et ces redoutables mélodies servit par un Cantrell décidément toujours bien inspiré. Après une telle série, il est bien dommage de constater que l'album se termine par deux titres particulièrement moyens qui, chez moi, ne suscitent pas grand chose si ce n'est un certain ennui.
Bien qu'imparfait,
Facelift révèle déjà l'essentiel du potentiel d'Alice In Chains. Et sans chercher à minimiser l'impact du travail de Mike Starr et Sean Kinney, il semble déjà évident que ce sont Layne Staley et Jerry Cantrell qui portent le groupe sur leurs épaules. L'un comme l'autre font ici un travail absolument incroyable exempt de toute critique. Chanteur hors du commun, Layne possède un timbre de voix évidemment très personnel sublimé par un niveau technique lui permettant de moduler son chant, grimpant/descendant à sa guise, sans aucun problème de justesse. Quand à Jerry Cantrell, il est de ces guitaristes discrets et subtils dont le jeu est d'une efficacité exemplaire. Ainsi, la qualité des riffs est toujours au rendez-vous tout comme ces multiples soli qui, sans êtres des plus démonstratifs, sont souvent imparables ("We Die Young", "Sea Of Sorrow", "Bleed The Freak", "Love, Hate, Love"...). Grâce à ces qualités, nos deux hommes réussissent à transmettre des émotions fortes d'une rare intensité. On ne ressort pas indemne de l'écoute de
Facelift. Certes, l'impact de cet album n'est sûrement pas aussi fort que celui de
Dirt mais il n'en est pas moins fort ou indispensable pour autant. Avec
Facelift, Alice In Chains marque le début d'un genre qui va occuper le sommet des charts pour quelques années. Et s'il n'est pas le groupe le plus important dans son genre (Nirvana, Soundgarden, Pearl Jam et Smashing Pumpkins s'occuperont de truster les premières places), il est selon moi l'un des plus intéressants.
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