Fort du succès un peu inattendu de
« Facelift » en 1990 (certifié disque d’or dès la fin de l’année aux USA) grâce notamment au tube « Man In The Box », lui permettant d’ouvrir pour des grands noms comme Van Halen ou Iggy Pop, Alice In Chains se pose dès lors comme l’un des groupes les plus en vue d’une scène grunge émergeante qu’ils ont toujours transcendée. Après un bref détour en studio fin 91 duquel résultera l’EP
« Sap » dont nous reparlerons d’ici peu, Layne, Jerry, Mike et Sean s’attellent donc à l’écriture de ce qui restera pour beaucoup comme la meilleure œuvre du groupe et indéniablement l’un des disques les plus marquants des années 90. Toujours produit par Dave Jerden (dont les relations avec Layne deviendront de plus en plus tendues au cours de l’enregistrement essentiellement en lien avec les addictions de ce dernier), « Dirt » est effectivement un vrai petit bijou, émanation divine, aussi sombre que touchante, d’un groupe torturé que la complémentarité des talents finit par totalement sublimer.
Car c’est sur ce deuxième effort qu’ Alice In Chains trouve véritablement sa voie, son identité sonore reconnaissable entre mille alliant sonorités grunge et métal dans un emballage mélodique et vocal rongé par les tourments internes de ses quatre géniteurs. S’éloignant ainsi de l’approche plus rock de
« Facelift » le groupe nous montre ici un visage aussi plus bigarré lorgnant tantôt vers un metal plutôt entrainant (« Them Bones », « Dam That River », leurs riffs et leurs refrains intemporels) tantôt vers un grunge musclé et sombre aux mélodies tourmentées (« Rain When I Die », « Sickman », « Hate To Feel », « Angry Chair ») donnant ce ton tellement désespéré à l’album, comme si les paroles de Layne et Jerry ne se suffisaient pas à elles-mêmes. Mais si « Dirt » n’est pas - et loin s’en faut - un album enjoué, il est pourtant parcouru de passages lumineux apportant ce contraste participant à en faire un album sur lequel le temps n’a aucune emprise (le break sublime de « Sickman », le refrain de « Junkhead », celui de « Angry Chair »). Et s’il est difficile – pour ne pas dire impossible – de trouver un défaut à « Dirt », on ne pourra à l’inverse qu’insister un peu plus encore sur certaines compos qui sont de véritables bijoux hors du temps et qui tutoient avec une simplicité désarmante l’idée que je me fais du génie musical, je veux parler en particulier de « Rooster » et « Down In A Hole ». La première étant un hommage vibrant et tellement accrocheur au père de Jerry Cantrell ayant servi dans l’armée US au cours de la guerre au Viet Nam et la seconde probablement l’une des plus belles chansons jamais composées (j’avoue avoir du mal à retenir une petite larme à chaque fois que je l’écoute, pauvre sentimental que je suis). Cet album serait donc déjà grand s’il n’était question que de musique, mais lorsque l’on se penche sur les paroles il en devient incontournable, éclairé alors à la lumière des pires angoisses et souffrances de ses compositeurs.
Mis à part deux ou trois titres, « Dirt » est une plongée dans l’enfer de l’addiction, l’isolement et les souffrances de l’âme. Entre les problèmes d’alcool de Mike et Sean, la dépression qui touchait Jerry (suite aux décès de sa mère et de son ami Andrew Wood – chanteur génial de Mother Love Bone dont je vous vanterai les mérites un jour ou l’autre) et la descente aux enfers de Layne liée à l’héroine, il va sans dire que le groupe ne chante pas la joie de vivre et le fol espoir en l’avenir… Les paroles font plus ici que simplement coller à la musique du quartette, elles sont l’expression même des ces mélodies accidentées comme si le papier n’était qu’un miroir sans teint entre les instruments et les esprits, séparés mais indissociables. Beaucoup traitent donc des problèmes d’addiction (de Layne essentiellement) de manière à la fois crue, désespérée et terriblement poétique (faisant même regretter à ce dernier l’influence qu’elles ont pu avoir sur certains fans y voyant une apologie de la drogue) :
« I can feel the wheel but I can’t steer. When my thoughts become my biggest fear. Ah, what’s the difference, I’ll die. In this sick world of mine » (« Sickman ») ;
« You can’t understand a user’s mind. But try, with your books and degrees. If you let yourself go and open your mind, I’ll bet you’d be doing like me and it ain’t so bad » (« Junkhead »);
« I have never felt so much frustration or lack of self control. I want you to kill me and dig me under, I wanna live no more » (« Dirt ») etc… Et même si « Down In A Hole » a été écrite par Jerry suite à sa séparation avec son amie de l’époque les paroles ont une résonnance toute particulière dans la bouche de Layne à tel point qu’on croirait vraiment qu’elles ont été écrites pour décrire le mal-être dont il souffrait intérieurement (
« Down in a hole and I don’t know if I can be saved. See my heart I decorate it like a grave. You don’t understand who they thought I was supposed to be. Look at me now, a man who won’t let himself be. Down in a hole, losin’ my soul. Down in a hole, losin’ control. I’d like to fly, but my wings have been so denied » - glurp - ).
Pas besoin d’épiloguer des heures durant, « Dirt » est bel et bien un immense album, ne souffrant d’aucun défaut, pierre angulaire d’un style dont Alice In Chains n’a jamais réellement fait partie tant leur musique va bien au delà. Treize titres sans temps mort (excepté l’interlude « Iron Gland », clin d’œil à Black Sabbath, avec son featuring de Tom Araya et qui d’ailleurs n’apparaît pas sur le tracklisting) et autant de tubes même si certaines perles ressortent du lot (« Them Bones », « Dam That River », « Rooster », « Angry Chair », « Down In A Hole », « Would ? »). Album sur lequel le groupe trouve véritablement son style : la patte de Jerry Cantrell dont les riffs et mélodies caractéristiques trouvent ici leur apogée, soutenus par la batterie très rock de Sean Kinney et la basse de Mike Starr, et bien sûr la voix incroyable de Layne Staley qui s’impose ici tout simplement comme l’un des meilleurs chanteurs de sa génération. Des titres aux mélodies écorchées et aux refrains magnifiques. L’un des meilleurs témoignages musicaux des années 90.
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