Malgré la très grande diversité d’artistes invités à participer à la série MTV Unplugged (de Nirvana à Pearl Jam en passant par Paul McCartney, Rod Stewart, Eric Clapton, Mariah Carey, Kiss, The Cranberries ou Alanis Morissette), la prestation d’Alice In Chains reste très certainement l’une des plus sincères et touchantes jamais enregistrées à ce jour. Le genre de disque capable de vous donner la chaire de poule instantanément dès que résonne les premières notes de "Nutshell" et cela même après des centaines d’écoutes. Bref, un classique parmi les classiques qui aura toujours une place à part dans le coeur des fans d’Alice In Chains.
Nous sommes le 10 avril 1996 lorsque le groupe de Seattle se rend au Majestic Theatre de Brooklyn, New York, pour l’enregistrement de ce fameux concert acoustique. À l’époque, bien que le groupe ait sorti l’année précédente un troisième album particulièrement chouette, Alice In Chains n’a pas mis les pieds sur scène depuis plus de deux ans et demi et revient alors sous le feux (modéré, on y reviendra plus tard) des projecteurs avec à sa tête un Layne Staley toujours très en voix et plein d’humour mais pourtant quelque peu effacé derrière ses grosses lunettes noires et son attitude plus réservée qu’à l’accoutumé (attitude induite par l’exercice, j’en conviens). En proie à ses propres démons depuis déjà plusieurs années, le chanteur ne donne pas spécialement l’impression d’en avoir terminé avec son problème d’addiction à l’héroïne. Et c’est effectivement loin d’être le cas puisqu’il fera une overdose (dont il se remettra) quelques mois plus tard lors d’une mini-tournée en première partie de Kiss. Si ce
MTV Unplugged n’est donc pas tout à fait le dernier témoignage audio de Layne Staley (Alice In Chains enregistrera en 1998 deux titres inédits, "Get Born Again" et "Died", pour la compilation
Music Bank), il figure néanmoins parmi les derniers véritables instants documentés du groupe. Un statut qui forcément lui confère une aura un petit peu particulière.
C’est dans une atmosphère tamisée, à la lueur de bougies achetées par Layne dans un magasin de Seattle, que les membres d’Alice In Chains entrent timidement et à tour de rôle sur scène sous un tonnerre d’applaudissements et de cris particulièrement chaleureux. Ceux qui lisent les crédits ou on déjà vu ce live en vidéo (chose que je vous conseille d’ailleurs vivement dans la mesure où certaines séquences plus légères et informelles ayant eu lieu entre certains morceaux ont été coupées sur la version CD) savent également que le groupe a été rejoint pour l’occasion par un second guitariste en la personne de Scott Olson venu prêter main forte à Jerry Cantrell afin d’assurer toutes ces autres parties de guitare qu’il ne peut évidemment pas tenir seul dans de telles conditions. Enfin pour en terminer avec ces anecdotes de plateau, notons, outre les premières mesures de "Enter Sandman" dispensées en conclusion de "No Excuses", cette phrase cryptique laissée par Mike Inez sur sa basse et adressée justement à leurs grands copains de Metallica dont certains figurent d’ailleurs parmi les heureux spectateurs. Cette phrase :
"Friends Don't Let Friends Get Friends Haircuts" n’est ni plus ni moins qu’une pique évidente à l‘adresse des Four Horsemen qui arborent à la sortie de
Load ces nouvelles coupes de cheveux de rockers bien rangés.
Comme pour les prestations de Nirvana, Pearl Jam, Stone Temple Pilot ou Hole, la setlist choisie par Alice In Chains pour cette soirée de retrouvailles particulièrement spéciale frôle naturellement la perfection. Évidemment, on aurait aimé entendre des titres tels que "We Die Young", "Love, Hate, Love", "Man In A Box", "Them Bones" ou "Dam That River" mais entre le temps alloué à l’exercice et le nombre de prises parfois nécessaires pour l’enregistrement de certains titres plus compliqués que d’autres (après deux ans et demi sans concerts, les quelques pains et autres confusions, notamment dans les paroles, sont évidemment de la partie), ces quelques morceaux supplémentaires que le groupe avait envisagé d’interpréter (notamment "We Die Young" et "Love, Hate, Love") ne pourront malheureusement pas l’être. Tant pis, il reste quand même treize titres essentiels avec lesquels se régaler, des morceaux issus pour la plupart de
Dirt et
Alice In Chains mais également des excellents EPs que sont
Sap et
Jar Of Flies qui naturellement se prêtent bien volontiers à ce genre d’exercice. Seul l’inédit "The Killer Is Me" dispensé en guise de conclusion à cette soirée vient apporter un soupçon de nouveauté et d’imprévu à ce qui n’est rien d’autre qu’un album absolument incroyable. De "Nutshell" à "Brother" en passant par "Sludge Factory", "Down In A Hole" (Pouaaaah, quel titre ! Rendu encore plus triste et poignant par cette interprétation acoustique), "Rooster" (les frissons, encore et toujours), "Got Me Wrong", "Heaven Beside You" ou "Would?", rares sont les instants où je n’ai pas le poil qui se hérisse à l’écoute de la voix âpre, lancinante et meurtrie d’un Layne Staley que l’ont sait malheureusement et inéluctablement tiraillé par tout un tas d’idées noires qui finiront par avoir sa peau, de celle plus rayonnante de son fidèle compagnon Jerry Cantrell qui n’aura de cesse de l’accompagner durant toute la soirée lors de moments particulièrement touchants, de ces riffs toujours aussi fantastiques dont l’absence d’électricité n’a rien altéré ni de leur puissance ni de leur portée émotionnelle et révèle même peut-être encore un peu plus ce génie bien souvent passé sous silence, de cette basse aux rondeurs absolument délicieuses et judicieusement mise en avant ici à travers une production impeccable, de cette batterie plus discrète qu’à l’accoutumé mais qui va pourtant donner la mesure grâce à une caisse claire qui claque juste comme il faut et à un touché toujours délicat mais résolument affirmé par un Sean Kinney qui sait ne pas se faire oublier... Bref, difficile de ne pas tarir d’éloges à l’égard de cette prestation profondément habitée et particulièrement touchante qui sans aucune difficulté va reléguer bien des épisodes de cette série au rang de simples exercices de style.
Si Nirvana s’était montré particulièrement inspiré lors de son passage sur le plateau de MTV quelques années auparavant, la prestation d’Alice In Chains reste à mon humble avis du même niveau si ce n’est meilleure. Que des journalistes de Rolling Stone ou AllMusic aient pu à la sortie de ce live le trouver fade et peu digne d’intérêt, notamment face aux quelques albums dont sont issus ces quelques titres, me dépasse… C’est en ce qui me concerne l’un des meilleurs albums live sur lequel j’ai pu poser une oreille. Un disque tellement sincère et profond que je continue encore aujourd’hui de l’écouter avec autant de plaisir et de le considérer comme une oeuvre à part entière et non comme un simple album live comme il en sort des dizaines et des dizaines par an. Oui, il y a de la tristesse, du désarroi et de la lourdeur insufflées dans l’interprétation de ces quelques titres mais il y a aussi cette image d’un groupe en parfaite harmonie, content de se retrouver les uns les autres et qui resplendit ici de tout son talent. Bref, ce
MTV Unplugged est un album (live) absolument indispensable. Rien d’autre.
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