Entamé en janvier 2020 à raison d’une chronique par mois, le chapitre Pearl Jam sur Thrashocore touche aujourd’hui à sa fin (en tout cas pour le moment) avec la compilation
Lost Dogs sortie en novembre 2003 sur Epic Records. De nature généreux, les Américains ne vont pas faire les choses à moitié puisque celle-ci se présente sous la forme d’un double-album proposant pas moins de trente titres rares ou inédits pour une durée totale avoisinant les deux heures de musique.
Pourtant, malgré un programme des plus chargés, ont pourrait y trouver à redire en prétextant par exemple que quelques titres marquants de la discographie des Américains sont ici manquants (même si on en retrouvera la plupart dès l’année suivante sur la compilation
Rearviewmirror (Greatest Hits 1991–2003)). On pense par exemple à "Breath" et "State Of Love And Trust" figurant tous les deux sur la bande originale du film Singles, à ces titres proposés par Pearl Jam lors des Christmas Series adressés religieusement chaque année aux membres de son fan club (bien que l’on en trouve tout de même quatre ici), à "I Got Id" et "Long Road" issus du EP
Merkinball ou bien encore "Leatherman", un morceau que le groupe a beaucoup joué sur scène dans les années 90. Pour autant, il y a ici largement de quoi se réjouir avec une bonne tripotée de morceaux rares proposés initialement sur diverses face B et autres compilations (parfois dans des versions légèrement différentes) ainsi que tout un tas d’inédits (onze au total) sortis directement des placards de Pearl Jam. Bref, de l’or en barre pour n’importe quel amateur appliqué et dévoué.
À la différence d’un grand nombre de compilations chroniquées en ces pages,
Lost Dogs ne semble pas répondre à une quelconque chronologie. S’il y a donc un ordre établi, celui-ci reste en ce qui me concerne un véritable mystère puisque sur le premier CD vont se mélanger des titres issus des sessions d’enregistrements de
No Code,
Binaural et
Ten alors que le second CD est lui composé pour l’essentiel de morceaux issus des sessions de
Ten,
Vitalogy et
Binaural. Dans tout ce bazar viennent s’ajouter sans que l’on comprennent ni comment ni pourquoi des titres enregistrés en one-shot dans le cadre de participations à des compilations ("Home Alive: The Art Of Self-Defense", "Music For Our Mother Ocean"), bande-originale de film (Dead Man Walking de Tim Robbins, Chicago Cab de John Tintori et Mary Cybulski) et autres Christmas Series déjà évoqués un peu plus haut... Bref, un joyeux mélange de titres plus ou moins datés et dont la production va naturellement différer de l’un à l’autre...
C’est finalement à l’écoute de ces deux CDs que l’on comprend où Pearl Jam à voulu en venir en agençant ses morceaux de la sorte. Si les albums du groupe se sont toujours montrés d’une grande variété, partagés entre hymnes Grunge dynamiques et fédérateurs, compositions à l’héritage Punk évident, titres Rock bluesy plus intimistes, balades folk acoustiques et feutrées (et même parfois un peu mièvres) et autres petites bizarreries comme cela fût le cas à l’époque sur
Vitalogy,
Lost Dogs va en quelque sorte les cloisonner. On va ainsi retrouver sur le premier CD tous les titres les plus directs et catchy alors que le deuxième CD est quant à lui constitué de ces morceaux acoustiques beaucoup plus calmes et posés. Un parti-pris intéressant dans la mesure ou l’on pourra choisir d’écouter l’un ou l’autre selon son humeur mais qui va néanmoins créer une sorte de déséquilibre pouvant être préjudiciable pour tous ceux qui choisiront de s’enfiler
Lost Dogs d’une seule traite...
Alors bien entendu, compilation oblige, sur les trente titres proposés ici par Pearl Jam aucun ne fait véritablement figure d’indispensables. Pour autant, on ne peut pas dire qu’il y ait grand chose à jeter, tout juste quelques morceaux peut-être plus plus anecdotiques ou alors très éloignés du Pearl Jam que l’on connait (je pense par exemple à "Leavin Here" (reprise du groupe Holland-Dozier-Holland), "Gremmie Out Of Control" (reprise de Jimmie Haskell) ou "Whale Song" composé et chanté le plus clair du temps par Jack Irons sur le premier CD ainsi qu’à "Save You", "Last Kiss", "Sweet Lew" chanté par Jeff Ament ou le funky "Dirty Frank" sur le second). À l’inverse, des morceaux particulièrement chouettes, on en trouve un paquet sur ce
Lost Dogs. De "All Night" à "Sad" en passant par "Don't Gimme No Lip", "Alone" et son excellent solo signé Mike McCready, "In The Moonlight" qui pue le Queens Of The Stone Age à plein nez ou bien encore "Hold On" et "Yellow Ledbetter" que Pearl Jam n’a jamais hésité à interpréter sur scène, ce premier disque ne manque pas d’intérêt, bien au contraire. Il en va de même pour le second qui, lui aussi, compte son lot de titres particulièrement intéressants ("Fatal", "Hard To Imagine", "Footsteps" que les amateurs de Temple Of The Dog connaissent bien sous le titre "Times Of Trouble", "Wash" parce qu’il s’agit tout simplement d’un titre issu des sessions d’enregistrement de
Ten, les très sombres et introspectifs "Dead Man" et "Strangest Tribe", "Brother" dans sa version instrumentale ou ce "Bee Girl" qui va servir de double hommage, d’abord à Heather DeLoach qui dans son fameux costume d’abeille a servi de modèle pour illustrer le premier album de Blind Melon puis à Layne Staley puisque s’en suit sur la même piste le titre "4/20/02" sur lequel Eddie rumine le décès de son ami à coups de
"Sad to think of him all alone",
"No blame, it could be you. Using, you can't grow old using" et
"So sing just like him, fuckers. It won't offend him, just me because he's dead"...
Probablement trop longue pour être écoutée d’une traite, cette compilation n’en reste pas moins du pain béni pour tous les collectionneurs et autres fans ultimes de Pearl Jam qui souhaiteraient mettre la main sur des morceaux rares et inédits introuvables ou presque. Evidemment, tous ces titres ne se valent pas et certains revêtent effectivement moins d’intérêt que d’autres mais dans l’ensemble, en tout cas pour quiconque a su s’accommoder de la transition opérée par les Américains depuis la sortie de
No Code et ce jusqu’à
Riot Act (c’est à dire d’un Rock alternatif dynamique et fédérateur vers un Rock plus simple et aux sonorités Folk plus prononcées),
Lost Dogs constitue à n’en point douter une sortie obligatoire à faire figurer sur ses étagères au même titre que n’importe quel album du groupe.
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