Narrow Head - 12th House Rock
Chronique
Narrow Head 12th House Rock
Formé à Dallas en 2013 par trois gamins d’à peine vingt ans, Narrow Head concentre à peu de chose près tout ce qui m’a toujours attiré dans le Rock alternatif des années 90 (de ces groupes de Grunge dont je vous rabâche les oreilles régulièrement jusqu'aux premiers méfaits de Far, Deftones, Quicksand ou Helmet qui ont eux aussi laissé à leur manière une marque indélébile sur ma petite personne). Auteur d’un premier album paru en 2016 (l’excellent Satisfaction sur lequel je vous invite à ne pas faire l’impasse), le groupe désormais installé à Houston à sorti fin août sous la bannière de Run For Cover Records et du tristement célèbre et aujourd'hui défunt Holy Roar Records un deuxième album intitulé 12th House Rock. Un disque qui ne devrait pas manquer de faire vibrer la corde sensible de tous ces vieux nostalgiques qui ont grandi au son de ces groupes ayant fait l’âge d’or de MTV.
Produit par un certain Ryan Chavez qui s’est tellement impliqué dans l’enregistrement de ce disque qu’il a fini par intégrer officiellement les rangs de la formation au poste de bassiste, une position jusque-là occupée à tour de rôle par Jacob Duarte (chant, guitare), William Menjivar (guitare) et Carson Wilcox (batterie), 12th House Rock jouit d’une production particulièrement adaptée à ses ambitions (ces guitare épaisses et abrasives, cette basse saturée archi-présente, cette batterie au naturelle qui claque juste comme il faut) puisque celle-ci s’inscrit dans la continuité de ces œuvres majeures et incontournables ayant marqué les années 90 (Siamese Dream en tête). On ne s’attardera donc pas trop sur la question de l’originalité même si pour le coup, Narrow Head ne manque absolument pas de personnalité.
En effet, les Texans ont beau puiser leur inspiration chez un certain nombre de formations aujourd'hui emblématiques (de My Bloody Valentine à Helmet en passant par The Smashing Pumpkins, Failure, Nirvana ou Deftones), ils réussissent pourtant le tour de force de ne jamais sonner comme une vulgaire copie de bas étage, insufflant ainsi à leur formule quelque chose de tout à fait personnel et distinctif. Entre cette capacité à naviguer entre Grunge, Post-Hardcore, Shoegaze, Noise et Indie Rock tout en conservant entre chaque morceau une réelle homogénéité, cette énergie plus ou moins sous-jacente héritée de la scène Hardcore, cette production bien sentie et pleine d’aspérités (ça grésille, ça sature et ça bavouille...) au service de guitares lourdes et abrasives mais également plus aériennes par moment où bien plus simplement ce chant nasillard, nonchalant et marmonné (flagrant sur "Stuttering Stanley") qui va insuffler dès les premières minutes une couleur bien particulière à ces treize nouvelles compositions, difficile de ne pas trouver un charme fou à la musique de Narrow Head.
Une identité affirmée en dépit de références pour le moins évidentes. De ces solos, leads et autres arrangements mélodiques semblant tout droit sortis de Siamese Dream ("Yer’ Song" à 2:44, "Nodding Off" à 3:29 et 4:33, "Night Tryst" à 0:15, 1:07 et 3:15, "Bulma" à 2:10, "Evangeline Dream" à 3:58) à cet interlude acoustique qui aurait quant à lui tout à fait pu trouver sa place sur Pisces Iscariot (ce très chouette "Wastrel") en passant évidemment par ces titres plus agressifs qui puent à plein nez le Helmet de la période Betty et Aftertaste ("Hard To Swallow", "Crankcase", "Emmadazey" et ce passage dissonant entamé à 2:25) sans oublier ces moments plus aériens tout en murs de guitares et voix vaporeuses qui devraient rappeler de bons souvenirs aux amateurs de Shoegaze britannique (le très bon et trop court "12th House", les excellents "Nodding Off", "Emmadazey", "Delano Door" et "Evangeline Dream"), tout chez Narrow Head porte le sceau de ce Rock alternatif des années 90. Certes, le quarantenaire qui, comme moi, a grandit au son de tous ces groupes ne sera certainement pas dépaysé ici mais c’est bien évidemment tout ce qui fait l’intérêt de ce jeune groupe américain qui à sa manière à su s’approprier l’ensemble de ces codes pour un résultat à la fois dynamique, personnel et bien plus varié qu’il n’y paraît.
Cette résurgence autour du Grunge et plus généralement du Rock alternatif des années 90 n’est pas nouvelle et nombreux sont les groupes plus ou moins récents à s’être engouffrés dans la brèche. Pourtant, à l’exception d’une petite poignée, rares sont ceux qui arrivent à proposer quelque chose d’à la fois rafraîchissant et pourtant ancré dans le respect d’une certaine tradition. Trop Pop, pas assez énervé et bien souvent inoffensifs, beaucoup de ces formations passent à côté de l’essentiel. Ce n’est toutefois pas le cas de Narrow Head dont les atouts ne manquent pas : de la lourdeur de ces riffs à ce sens aigu de la mélodie en passant par cette rage plus ou moins sous-jacente sans oublier bien entendu ces angoisses, ces craintes et ces obsessions évoquées à travers des paroles qui vont ainsi assombrir l’atmosphère ou en tout cas nourrir quelque chose de pesant, ce 12th House Rock est un concentré de ce que tous ces genres ont de meilleurs à offrir. Une chouette découverte qui ne devrait pas manquer d’intéresser tous ceux qui ont fait la grimace devant le clip de "Cyr"...
| AxGxB 13 Octobre 2020 - 923 lectures |
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