Temple Of The Dog - Temple Of The Dog
Chronique
Temple Of The Dog Temple Of The Dog
L’histoire de Temple Of The Dog est avant tout celle d’une tragédie ayant frappé de plein fouet une jeunesse vivant jusque-là dans l’insouciance. Considéré aujourd’hui comme l’un des pionniers de la scène Grunge, Andrew Wood n’avait que vingt-quatre ans lorsqu’il est décédé des suites d’une overdose à l’héroïne l’ayant laissé dans le coma pendant trois jours. Personnage charismatique, particulièrement haut en couleurs et extrêmement talentueux, sa disparition soudaine va laisser un énorme vide dans le paysage alternatif de Seattle dans lequel il évoluait, d’abord au sein de Malfunkshun puis de Mother Love Bone. Cette histoire, Niktareum vous la racontera probablement un jour lorsqu’il évoquera plus en détails avec nous pourquoi Apple est un album absolument unique mais aussi l’une des pierres angulaires de ce mouvement alternatif plus connu sous l’appellation "Grunge".
Si cette disparition a donc effectivement ébranlé la scène alternative de Seattle qui perdait brutalement l’une de ses icônes, elle a surtout secoué les personnes les plus proches d’Andrew Wood à commencer par son ami et colocataire Chris Cornell. Ruminant sa douleur dans un coin de sa tête alors qu’il était en tournée en Europe avec Soundgarden, celui-ci va composer deux morceaux ("Say Hello 2 Heaven" et "Reach Down") en hommage à cet ami parti trop tôt. Cet exercice cathartique va l’amener une fois de retour au pays à prendre contact avec Jeff Ament et Stone Gossard, deux anciens membres de Mother Love Bone qui depuis le décès de leur ami ont vraisemblablement quelques difficultés à aller de l’avant, aussi bien sur le plan artistique que sur le plan personnel puisque les deux en étaient arrivés à ne plus se parler. Ce projet, s’il va ainsi leur offrir la possibilité de remettre le pied à l’étrier en tant que groupe après ces quelques semaines extrêmement floues, va également embarquer dans son sillage trois autres personnes : tout d’abord Matt Cameron, batteur de Soundgarden naturellement taillé pour le job mais aussi Mike McCready, ami d’enfance de Stone Gossard ayant repris contact avec ce dernier quelque temps auparavant dans l’idée de fonder un nouveau groupe ainsi qu’un jeune homme fraîchement débarqué de San Diego, un certain Eddie Vedder venu s’installer à Seattle pour rejoindre justement Jeff Ament, Stone Gossard et Mike McCready dans leurs nouvelles aventures... Un line up de choix pour un album particulièrement chargé émotionnellement.
Enregistrée en seulement quinze jours, huit mois après le décès d’Andrew Wood, au célèbre London Bridge Studio de Seattle (Alice In Chains, Mother Love Bone, Pearl Jam, Candlebox, Soundgarden...) en compagnie du producteur Rick Parashar, Temple Of The Dog est un album qui, en dépit de son histoire et de ses thèmes naturellement peu enjoués autour de la drogue, la mort, la dépression ou l’addiction, s’avère étrangement lumineux. Est-ce parce que celui-ci est après tout un hymne à la vie à travers la célébration d’un proche ayant vécu à 100 à l’heure ? En tout cas, si cet album prend effectivement aux tripes, il surprend également par ses mélodies particulièrement chaleureuses et ses ambiances feutrées héritées du Blues et de la Soul Music (la voix de Cornell chaude et totalement décomplexée, ces chœurs discrets mais empruntant à l’univers du Gospel, ce piano et cet orgue solennels qui vont très justement renforcer l’impression de célébration qui flotte tout au long de l’album, les solos impeccables de Mike McCready avec ce délicieux feeling 70’s, etc). Certes, Cornell n’a jamais caché son amour pour cette musique qu’il écoutait enfant mais on est ici bien loin de ce mélange de Punk, de Noise et de Hard Rock sabbathien que l’on peut trouver sur les premiers enregistrements de Soundgarden. A vrai dire, Temple Of The Dog marche davantage dans les pas d’un Mother Love Bone que d’un Soundgarden. Et finalement cela n’a rien d’étonnant puisque outre ces deux morceaux composés par Cornell, plusieurs autres titres sont quant à eux fondés sur des idées amenées par Jeff Ament et Stone Gossard sur la base d’anciennes démos de ce qui aurait sûrement pu être la suite de Mother Love Bone.
On retrouve donc cet espèce de Hard Rock, grandiloquent et théâtral (surtout dans le chant (quel chant !) de Chris Cornell dont les envolées sont ici bien plus nombreuses qu’à l’accoutumé mais aussi dans cette instrumentation un poil plus riche que ce que l’on avait l’habitude d’entendre jusque-là chez Soundgarden) que Temple Of The Dog va dérouler avec cette espèce d’assurance que l’on peut avoir quand on aligne un tel line-up. Un Hard Rock relativement tranquille et posé auquel vont venir se greffer quelques sonorités Americana des plus sympathiques (cet harmonica ou ce banjo que l’on retrouve sur des titres comme "Times Of Trouble" ou "Wooden Jesus"). Le résultat, s’il est définitivement unique, se veut également très varié avec une succession de morceaux parfois très différents les uns des autres en dépit de ce qui les unit indubitablement (que ce soit par leur thème, leur atmosphère ou leur dynamique). Alors que des titres comme "Reach Down" et son solo de plus de quatre minutes, "Call Me A Dog", "Times Of Trouble" ou "All Night Thing" vont mettre en exergue la nature célébratoire de ce seul album, d’autres comme "Say Hello 2 Heaven", "Hunger Strike", "Pushin Forward Back" ou "Four Walled World" vont chacun à leur manière jouer sur ce côté catchy et immédiat grâce à une approche souvent bien plus dynamique mais également grâce à des mélodies entêtantes et ultra efficaces. À ce titre, "Hunger Strike" (premier titre enregistré en studio sur lequel figure Eddie Vedder qui, pour la petite histoire, s’est glissé derrière le micro après avoir entendu Cornell galérer sur certaines parties vocales, tout cela alors qu’il n’était à Seattle que depuis quatre ou cinq jours, entouré de gens qu’ils ne connaissaient que depuis peu) est assurément l’un des morceaux les plus emblématiques de cet album et sûrement l’un de ceux ayant le plus marqué cette génération l’ayant découvert sur MTV ou, pour nous petits français, sur Best Of Trash (j'en ai toujours des frissons quand résonne la voix d'Eddie et que vient se superposer ensuite en arrière-plan celle de Cornell). Poussé par le souhait de capitaliser sur l’avènement récent de Pearl Jam (Ten) et de Soundgarden (Badmotorfinger), A&M Records va naturellement rééditer Temple Of The Dog un peu plus d’un an après sa sortie, assurant cette fois-ci la promotion à l’aide de ce clip emblématique où l’on peut notamment y voir un Chris Cornell cheveux au vent donner la réplique à un Eddie Vedder le regard perdu dans les joncs du Discovery Park de Seattle. Toute une époque qui ne devrait pas manquer de donner la chair de poule aux plus nostalgiques d’entre vous.
Si ce disque n’a pas eu la même portée que ces albums majeurs sorties quelques mois plus tard par Pearl Jam et Soundgarden, c’est parce qu’il représente une sorte d’entre-deux. Un disque tout à fait à part, composé et exécuté par un ensemble de pièces rapportées qui, suite à un événement tragique les ayant rapprochés (certain par hasard), ont appris à jouer ensemble et à y prendre vraisemblablement beaucoup de plaisir. Un disque exécuté sans aucune pression, pour le plaisir de jouer et de rendre hommage de la plus belle des manières à cet ami commun disparu beaucoup trop tôt. Ce disque, marquant à sa manière la fin d’une époque pleine d’insouciance, porte effectivement en lui une espèce de maturité tragique, comme celle de ces enfants forcés à grandir trop tôt à cause de ce que leur a réservé la vie. Tout n’y est pas parfait (le caractère parfois un peu ampoulé de certaines séquences) mais l’essentiel est là et suffit à faire de Temple Of The Dog un incontournable de ces années 90.
| AxGxB 12 Novembre 2019 - 1872 lectures |
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