Les gens ont souvent la fâcheuse habitude d’imaginer que les compilations ne servent qu’à faire rentrer un peu de cash sur la base de titres au mieux dispensables, au pire totalement inintéressants. C’est peut-être le cas aujourd’hui mais je peux vous dire que dans les années 90, la compilation était un objet de désir et de convoitise promettant, selon les cas, de découvrir pléthore de nouveaux groupes (je garde toujours un souvenir ému du premier volet de
Masters Of Brutality) ou bien de poser ses oreilles sur quantité d’inédits et autres faces B totalement introuvables/inaccessibles pour l’adolescent aux poches tristement vides. Et oui, je vous parle d’une époque où il n’y avait pas encore Internet et pendant laquelle, pour écouter de la musique, il fallait encore acheter des disques où trouver des personnes susceptibles de vous en prêter le temps de rentrer chez vous pour en faire une copie sur cassette.
Sortie en 1994 sur Virgin Records,
Pisces Iscariot s’inscrit bien évidemment dans la deuxième catégorie. Composée de quatorze titres, celle-ci regroupe quantité de face B piochés sur ces nombreux singles sortis par le groupe entre 1990 et 1994 (ceux de "Disarm", "I Am One", "Cherub Rock", "Today" et "Tristessa"). Parmi elles, on trouve également quelques inédits tirés des sessions d’enregistrement de
Siamese Dream ("Frail And Bedazzled", "Whir" et "Spaced") ainsi que les titres "Blue" et "A Girl Named Sandoz" tirés respectivement du EP
Lull sorti en 1991 et des Peel Sessions publiées en 1992 mais bel et bien enregistrées en 1991. Si ces titres se suffisent largement à eux-mêmes et n’ont pas besoin d’explications pour être appréciés, on trouve tout de même à l’intérieur du livret, entre quelques photos arty typiques de ces albums des années 90, de nombreuses notes contextuelles où Billy Corgan y dévoile les dessous de chaque morceau. On y apprend par exemple que "Blew Away" est le seul titre dans lequel Corgan n’a pas fourré son nez, laissant le champ libre à un certains James Iha fraîchement embauché, que "Soothe" a été enregistré dans la chambre de Corgan à Chicago et que l’on peut y entendre passer le bus de 7h du matin sur une route mouillée (il m’a fallu plusieurs écoutes avant de l’entendre) ou bien encore la sirène de police sur "Starla" (même chose...). De nombreuses anecdotes permettant ainsi de lever le voile sur l’histoire de ces compositions qui auraient bien pu être oubliées si elles n’avaient pas été ici compilées. Et croyez-moi, il aurait été bien dommage de s’en priver.
Je ne vais pas me lancer dans un track-by-track fastidieux et inutile, cela ne servirait pas à grand-chose si ce n’est vous faire fuir et me faire perdre mon temps. On va la faire « courte » en abordant les titres de cette compilation d’une manière plus globale. B-side et inédits obligent, cette collection de titres n’est évidemment pas la plus homogène qui soit. Pas tant en terme de production puisque Billy Corgan co-pilote l’exercice sur l’essentiel de ces quatorze compositions en compagnie de Butch Vig (les trois titres restants ayant été produits par Ted De Bono et Dale Griffin de la BBC et par Kerry Brown alors marié à D'arcy Wretzky) mais plutôt en terme d’interprétation. Car même si on reconnait très bien l’ADN des Américains tout au long de ces quatorze morceaux, on ne retrouve pas ici la même continuité que sur album. The Smashing Pumpkins alterne ainsi bien plus souvent titres acoustique intimistes ("Soothe", "Whir", "Blew Away", "Obscured"...), brûlots Grunge décapants ("Frail And Bedazzled", "Plume", "Pissant", "Hello Kitty Kat", "Starla"...) et reprises réarrangées ("Landslide" emprunté à Fleetwood Mac) et "A Girl Named Sandoz" du groupe The Animals). Certaines transitions peuvent alors sembler parfois un peu brutales mais c’est aussi le charme d’une telle compilation. Et puis mince, ces titres quoi ! Car même si
Siamese Dream reste et restera à jamais le maître étalon d’une discographie en déclin - ou en tout cas bien loin de ce niveau - depuis la seconde moitié des années 90, il n’en reste pas moins que
Pisces Iscariot regorge de pépites absolument incroyables. "Soothe" en opener lo-fi tout en simplicité et en émotion, "Frail And Bedazzled" qui aurait très largement pu trouver sa place parmi les tubes en puissance de
Siamese Dream, « Plume » et "Blew Away" parce que l’on y découvre un James Iha touchant au talent évident, "Starla" et ses onze minutes particulièrement dantesques marquées notamment par ce solo sous acides s’étirant sur près de six minutes... Pas de quoi faire la tronche, je vous assure. On est même plutôt ici à des années lumières du remplissage imaginé par certains lorsque l’on peut évoquer le mot "compilation".
Vous l’aurez compris, difficile de trouver quoi que ce soit à jeter sur cette excellente compilation. Même les titres qui n’ont pas été composés par The Smashing Pumpkins prennent, sous l’influence de Billy Corgan et ses acolytes, cette espèce de tournure mélancolie typique au groupe de Chicago. Alors certes, les titres de cette compilation n’égaleront jamais la qualité de ceux présents notamment sur
Siamese Dream mais tout de même, on s’en rapproche beaucoup et cela à plusieurs reprises. Quoi qu’il en soit, si vous êtes amateurs du groupe, j’ose espérer que vous vous êtes déjà penchés sur le sujet. Si ce n’est pas le cas, il serait peut-être temps de vous y intéresser car, encore une fois,
Pisces Iscariot regorge de véritables petites pépites.
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