Non Serviam - Le Cœur Bat
Chronique
Non Serviam Le Cœur Bat
Autant être honnête d'entrée de jeu : c'était mal barré pour "Le Cœur Bat".
Pourtant, Non Serviam partait avec de sacrés atouts, du moins, parmi ceux qui réussissent à piquer mon intérêt au vif : formation basée en France et constituée de musiciens souhaitant conserver leur anonymat (vu le résultat, on comprend pourquoi), elle met en avant sa volonté de bouleverser l'ordre, les codes, au travers de racines Black Metal considérablement abâtardies de Punk, d'Electro, de Grindcore, de Sludge, bref, un sacré programme sur le papier. Ajoutez à cette tambouille un soin tout particulier apporté aux visuels, du squelette passé entre les mains d'Xzibit habillant la pochette jusqu'au livret, chouettement enluminé, et vous obtenez la promesse d'un objet violent non-identifié, qui, en principe, avait tout pour me plaire. En principe.
"Le Cœur Bat" est un cas-d'école. L'illustration parfaite du syndrome de la "coquille vide", celle qui soigne son emballage pour masquer l'indigence de son contenu, celle qui se prend pour un étudiant des Beaux-Arts, justifiant ses croûtes par des explications fumeuses, cachant pudiquement son absence complète de talent derrière la fameuse étiquette "expérimentale". On pourrait faire l'impasse, dire que c'est une énième brochette de fumistes, voulant faire un petit billet sur le dos de quelques bourgeois-bohêmes un peu crédules, et passer à autre chose - des albums dignes d'intérêt, par exemple. Mais aujourd'hui, et je l'assume, je vais me faire plaisir et devenir mesquin. Gratuit ? Oui, comme l'objet que je m'apprête à incendier. A défaut d'être malin, au moins, c'est raccord.
Dès la lecture de la présentation du groupe, rédigée par Maria Desmers, j'ai eu la désagréable impression d'assister à un crossover entre un critique des Inrockuptibles qui aurait tapé la ligne de trop et une version uncut de "Vice et Versa" des Tranxen 200. "Non Serviam produit une musique proliférante et protéiforme qui semble vouloir débusquer la lumière de l’obscurité et déceler l’obscurité de la lumière[...] cette musique sombre et étincelante associe librement l’épure fragile d’une simple vibration qui résonne jusqu’à l’épuisement et le déchaînement cathartique et dionysiaque[...]" Tu me connais. Quand je lis ce genre de choses, j'ai tendance à devenir taquin. J'en cherche donc un peu plus, un peu par masochisme, beaucoup pour rire, et me plonge dans le livret. Et là, c'est festival, un feu d'artifice de prétention, de mauvais goût revendiqué en persistant dans la connerie. Une improbable fusion entre un Nicola Sirkis démaquillé et un Fauve déjà passé par dix bacs à soldes.
"Les relations sont des ellipses d’ellipses / Tu me tues quand tu me parles / Tu me tues quand tu me regardes / Il n’y a pas d’amour"
"Je planète ton être en friches de navires brisés, enflammés / La lune se fend, ses parties atterrissent dans ta gueule / Martyr de mes nuits, je t’asperge de sens / Je crève tes tympans avec mes coudes / Verse de l’acide dans tes orifices / Enveloppe ton corps dans un parachute de toi-même (te jette d’un avion)"
On avait tendance à se foutre de la gueule d'Impiety ou de Sabbat pour leurs paroles volontairement crétines, mais sans déconner, je crois qu'ici, on est encore un cran au-dessus. Et ce ne sont que deux exemples, deux morceaux de bravoure flottant au milieu d'un océan de cadavres exquis sans aucun sens, probablement écrits le stylo dans une main, et la queue dans l'autre. Je dois cependant remercier Non Serviam pour ces fulgurances : elles sont vouées à remplacer la pile d'In Extremis que je lis sur le trône, histoire de faire passer le temps. Comme dirait l'autre, "ça ne veut rien dire, mais je trouve que c'est assez dans le ton."
Ceci dit, "Le Cœur Bat" possède quand même une sacrée qualité : il est cohérent. Musicalement, il sonne exactement comme il se lit, sans surprise - un comble pour une galette qui voulait bousculer les étiquettes. C'est donc un gloubi-boulga de Black Metal du pauvre, sur-compressé, avec une production pourrie (le lossless, dans ce cas, c'est superflu, les gars), aussi savoureux qu'une galette au tofu Bjorg déposée, comme la dernière des pêches, dans une assiette jetable. Que l'on va saupoudrer de quelques effets, négligemment tartinés dans les compositions, pour la caution expérimentale. Les gens diront que c'est pourri ? Pas grave, la défense est toute trouvée : on leur dira qu'ils n'étaient pas prêts, qu'ils n'ont pas compris. Pourtant, en temps normal, j'apprécie de genre de démarche. Les musiciens qui veulent faire du hors-piste, au risque de se vautrer dans une congère. J'ai ceci dit bien du mal à trouver de quoi m'enthousiasmer, ou simplement me réveiller, parmi les huit titres que comptent l'opus. De l'interminable premier titre de 25 minutes (!!) et ses envolées qui sonnent comme du Indochine en Teknival, jusqu'au chant féminin qui semble avoir fouillé dans les poubelles d'Audrey Sylvain, tout, dans ce disque, est poussif, péniblement pompeux, n'inspire qu'ennui et totale antipathie. Non, étirer des riffs en longueur et mettre deux-trois bips bips en fond sonore ne font pas de toi un disque de Black Metal expérimental. Pas plus que de poser un sample et taper sur une boîte de conserve vide ("Nights in Black Masses"), ou de jouer n'importe quoi sur ta guitare et ta flûte à bec en faisant gueuler ta copine par dessus ("Salem"), d'ailleurs. C'est triste, mais Non Serviam représente exactement la caricature de ce que les détracteurs reprochent aux formations qui se revendiquent expérimentaux : d'utiliser l'étiquette comme une excuse pour faire n'importe quoi.
Finalement, Non Serviam a bien fait de nous contacter. De nous inciter, avec la subtilité qu'on leur connaît, à écouter et parler de ce premier full-length. Parce qu'à défaut d'être un bon album de Black Metal - un bon album tout court, d'ailleurs -, il aura au moins le mérite d'amuser la galerie. On se souviendra sûrement de "Le Cœur Bat" comme on se souvient des pauvres hères qui viennent se ridiculiser devant le jury de "La France a un incroyable talent" : des gus qui croient dur comme fer dans le génie de ce qu'ils ont à proposer, mais qui, trop centrés sur leur nombril, sont incapable de se rendre compte que tout le monde se fout de leur gueule. Si vous avez un coup de mou, soyez patients : vous allez avoir de quoi vous marrer en Septembre prochain, c'est promis.
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