Transilvania - Night of Nights
Chronique
Transilvania Night of Nights
Transilvania est l’archétype du groupe qui a tout pour me plaire. Un nom bien référencé, une esthétique tout ce qu’il y a de plus culte à base de clous, de rituels et de gueules noircies, et une musique parfaitement traditionnelle. Les trois musiciens officient dans ce black/thrash si cher à mon cœur, qui emprunte autant à la NWOBHM qu’aux premiers Master’s Hammer et Venom, mélodique et ambiancé, évoquant les légendes de l’Europe de l’Est. J’ai toujours aimé cette frange bien précise du metal à l’ancienne, qui aime raconter les mythes morbides des Carpates. Il s’agit bien souvent de groupes de black/thrash heavysant, pas tout à fait sous le joug scandinave, qui continuent à révérer la Transylvanie quand tous ont tourné désormais la tête au Nord au moment de trouver de l’inspiration dans ce que le folklore peut avoir de plus inquiétant. Oui, décidément, Transilvania avait tout pour me plaire. D’autant que le groupe a eu la bonne idée d’être autrichien, pays de provenance de l’un des meilleurs groupes du genre pratiqué ici au cours de la dernière décennie, j’ai nommé Triumphant.
Petit carnet d’adresses retrouvé dans les poches du groupe au moment de la composition : Master’s Hammer, Denial of God, Bathory, Tormentor, Venom, King Diamond. Si tout n’était pas encore assez clair, voilà ce que vous pouvez attendre. Des lignes de guitare relativement travaillées, mélodiques, qui ondulent comme les lacets escarpés de la route menant au château de Dracula. Riffing bâtard de trémolo-picking, d’accords un peu théâtraux et de galopades plus heavy, le tout craché par un ampli que l’on sent assez dépouillé et épargné par les pédales en cascades. La batterie est un poil en retrait, réverbérée bien variée, passant du blast à des motifs plus aérés ou au contraire plus aiguisés, tout à fait de circonstance. Le chant vociféré est on ne peut plus classique, plein de réverbération lui aussi, et s’insère dans le tout sans problème. Les pistes oscillent entre 3 et 6 minutes, prenant le temps de développer les ambiances horrifiques de ce Night of Nights en douceur. On a parfois l’apparition de quelques éléments supplémentaires. Un clavier bien cheap mais goûtu sur « Circle », des interventions régulières de guitare folk… Sans oublier les mélodies électriques qui conservent toujours cet aspect presque dansant, rappelant des danses de village qui auraient été perverties par le Malin. Malokarpatan n’est parfois pas loin ! On retrouve les évocations des sorcières, les rites sacrificiels impies tels qu’ils étaient perçus dans les villages les plus reculés, les revenants et les odieuses métamorphoses.
Toute la musique de Transilvania fait plaisir à entendre. L’espace de trois quarts d’heure, on est immergé dans cette atmosphère délicieusement poussiéreuse, avec parfois de grosses fulgurances d’ambiance et de mélodie, comme sur la fin de « Guardians of Necropolis » ou le riff d’intro suivi d’une très jolie mélodie de « Moonlight Sorcery ». Les autrichiens ont digéré leurs influences et restituent à merveille leur passion pour cette vague de groupe préparatoire au black metal scandinave. On retrouve cette emphase et cette théâtralité typique, avec une certaine prévalence de Denial of God dont l’ombre se fait forte sur la musique de Transilvania. Ce qui manque, en revanche, c’est un petit soupçon de personnalité supplémentaire. Dieu sait que je ne suis pas du genre à exiger absolument une originalité incroyable dans les groupes que j’écoute et que je me satisfais fort bien d’une musique passéiste et traditionnelle. Mais ce qui fait un bon groupe traditionnel, c’est sa capacité à dégager une identité propre en utilisant les armes fourbies par les anciens. C’est le défaut qui fait passer Night of Nights du rang d’album qui aurait pu être une tuerie à celui d’album prometteur. Ceci, et peut-être un léger maque d’accroche ponctuel. Si tout avait été au niveau d’une piste comme « Moonlight Sorcery », l’album aurait été excellent. En l’état actuel, quelque chose manque.
Transilvania s’apprête à sortir son second album. On ne peut qu’espérer qu’ils aient rangé un peu leurs disques de chevets sous leurs lits, et qu’ils aient laissé davantage d’espace à des idées plus personnelles. Formellement, tout est là, il n’y a plus qu’à faire prendre au tout une teinte moins connue. J’attends les spectres transylvains au tournant pour cette seconde sortie, que je vois venir avec enthousiasme.
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