Paradise Lost - Paradise Lost
Chronique
Paradise Lost Paradise Lost
Voici vingt cinq ans, Paradise Lost sortait son cinquième album, le magistral Draconian Times, qui marqua de par sa qualité les esprits en cette année mille neuf cent quatre vingt quinze. Le quintet était alors au firmament, mais bien loin de se résoudre à persister dans le même style musical, il prit alors tout le monde au dépourvu en mille neuf cent quatre vingt dix sept avec la sortie de l’album One Second, prenant ainsi un tournant définitif vers les sphères du metal gothique, dont ce disque constitue désormais l’une des pierres angulaires du genre. S’ensuivirent une fracture avec ses fans et deux albums qui reçurent un accueil plutôt mitigé, à savoir Host et Believe In Nothing. C’est alors qu’en deux mille deux, les hommes de Halifax signèrent un retour en force avec leur album Symbols Of Life, qui montra, si besoin en était, toute leur maestria. En ce printemps deux mille cinq, les Anglais proposaient leur dixième album, éponyme, faisant ainsi un clin dil à leur premier album Lost Paradise, inspiré du poème de John Milton et sorti il y a trente ans déjà. Et le moins que l’on puisse dire à l’écoute de cette réalisation, c’est que le retour en grâce du quintet, aux oreilles des métalleux et non pas de votre humble serviteur, annoncé avec le précédent album, était tout sauf un éphémère feu de paille.
Musicalement, il ne faut pas s’attendre à de profonds changements sur ce dixième album, Paradise Lost continuant à nous proposer une metal gothique de haute facture, très haut dessus de la médiocrité qui nous est habituellement proposée dans ce style, avec toujours cette retenue qui fait que l’on ne verse jamais dans le larmoyant, même si c’est loin de respirer la joie de vivre. Sous des attraits assez simples, - chacune des compositions reprenant en fait le schéma couplet / refrain -, la musique délivrée par les Anglais demeure toujours aussi émouvante et magnifique, triste comme une journée grisâtre uniquement rythmée par le ruissellement continuel des gouttes d’eau tombant sur votre fenêtre, à limage du ciel anglais. Loin de faire du surplace par rapport à sa précédente réalisation, et comme à son habitude devrais-je dire, les anglais se sont fait une nouvelle fois montre d’une rare maîtrise, proposant un excellent disque, tout aussi bon que son prédécesseur, mais avec quelques nuances, fort bienvenues. Si le contenu de cet album n’est, au final, pas très surprenant, il est néanmoins de très bonne qualité et surtout remarquablement bien écrit et pensé, ce qui ne surprendra guère de la part de ces musiciens, mais il est parfois bon de rappeler certaines évidences.
Là où Symbols Of Life avait marqué les esprits par son côté quelque peu facile d’accès, tout en étant très moderne dans l’approche, avec un très grand nombre de titres très accrocheurs, ce nouvel opus, plus posé, nécessite une plus grand attention avant de se dévoiler complètement. C’est sans doute ce côté plus profond qu’il n'y paraît qui le rend un peu austère lors des premières écoutes, pour au final devenir très attachant et très évident dans l’approche. Ceci dit, il demeure quelques points de similarités entre ces deux albums, notamment le fait que ce disque fut une nouvelle fois excellemment produit par Rhys Fulber. Ainsi, la production de ce disque, très moderne avec notamment l’utilisation de quelques loops, de percussions, comme sur Sun Fading, et surtout de somptueux claviers symphoniques à de nombreuses reprises, met bien en exergue tout le talent de l’unique compositeur de ce groupe, le guitariste Gregor Mackintosh. En cela, c’est toujours dans cette même optique de composition que depuis One Second. Les arrangements sont très bien pensés et même dune rare finesse, mais, surtout, tous ces éléments font presque jeu égal avec les guitares, la basse, et la batterie - tenue par l’intérimaire Jeff Singer -, qui sont bien mises en avant sur ce disque.
Au rang des nouveautés, enfin si je puis dire, ce qui est remarquable à l’écoute de ce disque, c’est justement la proéminence des guitares, qui sont redevenues, enfin diront certains, l’élément moteur du groupe. Ce n’est pas un simple hasard, puisque Mackintosh avait lui-même déclaré à l’époque qu’il avait retrouvé le plaisir de jouer de cet instrument, ce qui avait sans nul doute affecté sa manière de composer pour cet album. Il résulte de cela, que ce disque est sans doute le plus heavy depuis Draconian Times justement, - même si cela s’infléchira largement du côté de la lourdeur pour les albums ultérieurs -, et l’on retrouve de nouveau des riffs de guitares bien lourds sur ce disque, et pas que de manière éparse. Nous sommes bien entendu encore loin du doom metal du début des années quatre vingt dix et de ce que le groupe nous propose depuis The Plague Within, mais le quintet avait retrouvé tout de même ici une certaine vigueur, que l’on croyait à jamais perdue, et entama, par la même occasion, son retour en arrière stylistique, par étapes, bien entendu. Quels meilleurs exemples pour illustrer ce propos, que des titres comme Forever After, le seul du disque dans la lignée de Symbols Of Life, All You Leave Behind et Spirit, ou bien encore le sublime Over The Madness et son riff aux confins du doom metal.
Néanmoins ces passages plus heavy, sont surtout utilisés sur les refrains de bons nombres de titres, la puissance de ces derniers tranchant assez avec le côté apaisé des couplets, le groupe jouant parfaitement sur la binôme couplet doux / refrains puissants, à l’instar des titres Grey, Sun Fading, Redshift et même le très beau Dont’ Belong qui ouvre cet album. Mais cette dualité est loin d’être univoque, ce qui fait que l’on est très loin d’avoir la désagréable impression d’écouter la même chanson d’une piste à l’autre: la variété des arrangements fait que la monotonie ne s’installe aucunement à l’écoute de cet album. A ce propos, l’on notera l’utilisation de guitares acoustiques à deux reprises, sur Laws Of Cause et Shine, donnant une coloration assez légère à ces titres, assez pop dans l’esprit, et qui ne sont pas sans quelque peu rappeler The Cure ou The Smiths. L’on trouve également un autre exemple de cette influence new wave, avec le très bon titre Accept The Pain et sa ligne de guitare sur laquelle fut ajoutée un effet chorus, d'un rare délice.
S’il y a bien un autre fait marquant sur ce disque qui va de paire avec la proéminence des guitares, c’est qu’il marquait, après des années de quasi retrait, le retour du roi de la lead et des soli, j’ai nommé Gregor Mackintosh. En effet, et c’est avec un plaisir non feint que l’on peut se délecter des nombreuses leads et soli présents sur cet opus. Certes, l’on est assez loin de ce qu’il nous avait proposé par le passé, et il ne faut surtout pas s’attendre à un solo de l’acabit de celui de Hallowed Land, par exemple. Toujours est-il que chaque titre se voit gratifié de ses magnifiques leads, dont lui seul a le secret, et dont il émane une rare tristesse à l’image de celles présentes sur Sun Fading. Les soli, qui certes ne sont pas présents sur tous les titres, sont dune rare élégance, démontrant bien l’inspiration de son auteur. Si l’on ne devait en conserver que deux exemples, se seraient ceux proposés sur Don’t Belong, assez court, et sur Over The Madness, tout simplement magnifique, un peu «à l’ancienne», comme si l’on venait de retrouver, après de longues années d’absence, un compagnon avec lequel l’on avait passé de très bons moments - ceux qui ont été comme moi bercés par les albums Shades Of God, Icon et Draconian Times comprendront sûrement ceci. Pour peu, l’on se croirait presque revenu à la grande époque de Icon comme l’attestent le final de Laws Of Cause et celui de Spirit, et surtout le titre All You Leave Behind.
Pour le reste, cet album est très équilibré, avec douze compositions de qualité homogène, c'est-à-dire toutes très bonnes. Le groupe a parfaitement mesuré son propos, avec un début et une conclusion tout simplement majestueuses, et en alternant titres assez heavy avec d’autres un peu plus nuancés. Sans doute moins immédiat que son prédécesseur, ce Paradise Lost séduit tout de même, déversant inexorablement toute sa mélancolie. Nick Holmes a, de nouveau, fait des merveilles au chant. Tour à tour intimiste et puissant, il a, encore une fois, accompli une interprétation dune rare justesse. De tout cela il en ressort douze chansons avec des refrains assez accrocheurs, et des textes assez personnels et toujours empreints d’un certain pessimiste. Les anglais nous ont ainsi proposé le parfait compromis entre guitares heavy, structures limites pop, arrangements dune rare beauté et excellent travail mélodique, le tout aboutissant à une œuvre on ne peut plus triste.
Que dire de plus si ce n’est que ce dixième album est une grande réussite. Paradise Lost va une nouvelle fois de l’avant, même s’il a repris certains éléments de son passé, notamment le retour au premier plan des guitares, il ne faut pas y voir une œuvre passéiste, même si l’on pourrait qualifier, à certains égards et ceci de manière très triviale, ce disque comme étant le chaînon manquant entre Draconian Times et One Second. Mais en dépit de cela, la démarche et l’approche du groupe restent résolument modernes, tournées vers l’avenir. Le metal gothique des anglais est de loin ce qui se fait de mieux en la matière, et en cela ce disque ne déroge pas à la règle. De ce fait, cet excellent album éponyme se destine avant tout aux amateurs de ce style, ainsi qu’à tous ceux qui ont aimé, un jour ou l’autre, ce groupe trop sous-estimé à mon goût. En un mot comme un cent: même au bout de dix disques, l’inspiration ne s’est pas tarie et lorsque l’on se dit que durant les quinze années suivantes Paradise Lost allait encore sortir des excellents disques, il y a de quoi être respectueux vis-à-vis de cette formation.
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